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Le patrimoine architectural et historique de Marrakech sous la menace du temps


Mohamed Rami
Mardi 25 Août 2009

Le patrimoine architectural et historique de Marrakech sous la menace du temps
Destination touristique par excellence, Marrakech c’est aussi l’une des villes impériales du Maroc, des plus riches en monuments historiques et architecturaux. Si de grands efforts ont été déjà entrepris, depuis des années pour le renforcement des infrastructures d’accueil de la ville (hôtels, cafés, restaurants…), cela s’est fait parfois au détriment de certains sites historiques de la capitale almoravide.
En outre, dès qu’il s’agit de parler «patrimoine», une certaine négligence se fait sentir au niveau de l’entretien, de la réfection et de la mise à niveau de nombre de monuments historiques de cette cité. Des édifices qui font la particularité de cette ville et dans la plupart remontent aux siècles précédents, où Marrakech fut érigée en capitale, à la fois, politique et économique, par nombre de grandes dynasties qui se succédèrent au pouvoir au Maroc.
L’un des monuments historiques de la ville ocre qui mérite une attention particulière, étant le mausolée de son premier bâtisseur, Youssef Ibn Tachfine. 
Et visitant ce lieu, on se pose la question de savoir s’il n’est pas temps de rendre hommage à cet homme, en mettant à niveau cet espace où il repose. Une question pressante, surtout devant l’insistance de nombre de touristes étrangers qui ne ratent pas l’occasion de faire cette remarque, s’interrogeant sur les vraies causes de cette dégradation honteuse de ce site et cette indifférence totale des parties concernées.
La question devient aussi embarrassante lorsqu’elle est soulevée, comme ce fut le cas, et à maintes reprises par des congressistes étrangers devant un parterre de collègues venus des quatre coins du monde participer à une rencontre ou un colloque quelconques.
Est-ce qu’on est toujours tenu d’attendre à ce que des étrangers nous fassent des remarques pour pouvoir réagir?  
Certes, des voix à l’intérieur comme à l’extérieur de la ville des sept saints ne cessent de se lever pour la préservation des richesses historiques. Il s’agit d’une demande légitime qui témoigne d’un sens élevé de patriotisme. Mais que faire face à l’indifférence et au mutisme des parties responsables censées prendre en main ce genre de dossier?, se demandent certains acteurs de la société civile locale. L’une des agressions les plus scandaleuses contre le patrimoine civilisationnel de Marrakech et qui a, d’ailleurs, suscité beaucoup d’indignation et de déception fut la destruction le 4 avril dernier d’une partie de la muraille de l’Agdal Ba Hmad. Même l’Inspection des monuments historiques de la ville a été dans l’incompréhension totale.
La question soulevée a été celle de savoir pourquoi cette muraille a été démolie, alors même qu’elle a été protégée par dahir et déclarée patrimoine national ?
Pour la wilaya qui mène des travaux d’aménagement au sein de ce site, cette muraille menaçait ruine et ses fondations ont été dans un état délabré et il fallait donc y substituer une muraille renforcée en fer forgé, un argument non convaincant selon l’Inspection des monuments historiques de la ville.
La question qui se pose, avec acuité, est celle de savoir si on peut toujours tolérer de tels agissements alors que c’est une partie de l’identité et de la mémoire collective du pays qui se trouve contrainte à disparaître à jamais devant l’irresponsabilité, le manque de civisme et l’inadvertance des humains.
Autres monuments qui n’ont pas échappé à l’agressivité de l’action humaine et à la menace du temps, furent les ryads de l’ancienne médina. Bien que nombre d’entre eux aient bénéficié de travaux de réfection et de mise à niveau par leurs nouveaux acquéreurs, ces opérations n’ont pas été faites dans les règles de l’art, puisque ces nombreux  joyaux ont été, malheureusement, parfois complètement dénaturés notamment avec l’usage du béton et autres matériaux qui ne cadrent pas avec l’aspect architectural et historique de l’ancienne médina.
Pire encore, des ryads ont dû disparaître du paysage architectural de la ville, cédant ainsi place à de nouvelles constructions combien attentatoires au regard des visiteurs.
Pour certains observateurs locaux, les seules actions de mise à niveau des monuments historiques qui, jusqu’à l’heure actuelle, demeurent salutaires ont concerné la réfection de la mosquée de la Koutoubia ou encore celles menées dans le cadre de l’INDH pour la mise à niveau de certains anciens « Fondouks ».
Une autre action non moins importante a été menée, durant le mois de juillet de cet été, pour la restauration du patrimoine hydraulique urbain de Marrakech et ce, dans le cadre d’un travail bénévole mené par un groupe de jeunes étudiants : un Espagnol, 5 Français et 6 Marocains, inscrits dans différentes spécialités, entre autres, la géographie, l’architecture, les sciences, les lettres, etc.
Pour donner du goût  à leur action, ces jeunes bénévoles ont focalisé leur choix sur la réfection de l’une des plus anciennes Sekaiya (fontaine) de la ville à savoir : «Sekaiya Saadia au quartier Bab Doukkala et dont la création remonte à l’époque des Saadiens (16ème et 17ème siècles). Cette initiative louable est l’œuvre du Centre méditerranéen de l’environnement à Marrakech (CMEM), et s’insère dans le cadre du projet (Redécouvrons Ensemble les mémoires de l’eau en Méditerranée : REMEE), co-financé par l’Union Européenne dans le cadre du programme Héritage IV.
Pour ce qui est de la ville de Marrakech, le projet REMEE se décline en plusieurs activités visant à faire revivre le patrimoine hydraulique de la ville aussi bien urbain que rural.
Afin de donner plus d’efficacité à leur intervention, ces jeunes ont été organisés dans le cadre de trois équipes dans le but de mener, dès la prochaine rentrée scolaire, plusieurs actions de sensibilisation dans les collèges et lycées et ce, en partenariat avec les institutions et les associations locales.
En outre, quatre jeunes bénévoles se sont déjà lancés dans l’établissement d’un inventaire des fontaines dans le tissu ancien de la ville, sous la conduite d’un expert. Un tel inventaire permettra non seulement de mieux cerner l’évolution et l’état des ouvrages ayant servi longtemps à alimenter la ville en eau, mais aussi de faire connaître ce patrimoine auprès des jeunes générations.
Il présente aussi l’avantage de faciliter l’exploration d’autres voies dans la perspective de mener d’autres actions plus efficientes.  
Moulay Abdeslam Samrakandi, chef du projet REMEE, explique que ce projet consiste en premier lieu, à démontrer que l’intégration du patrimoine vernaculaire lié à la gestion de l’eau dans des projets de développement local répond aux enjeux de mobilisation des citoyens et de développement économique durable.
Recouvrant plusieurs activités liées à la redécouverte du patrimoine méditerranéen lié à la gestion de l’eau, ce projet étalé sur 30 mois (2009-2011), réunit 7 partenaires en France, Tunisie, Algérie, Grèce, Turquie et au Maroc. La préservation du patrimoine demeure l’une des questions les plus épineuses, car en dehors des actions menées dans le cadre du bénévolat ou celles conduites individuellement par de bonnes volontés parmi certains historiens et professeurs universitaires, une telle question ne semble intéresser que peu responsables et élus locaux.
Et même si les services habilités disposent de programmes très ambitieux dans ce domaine, il se trouve que leurs actions demeurent souvent handicapées par un manque de moyens voire par une multitude d’intervenants et une interférence des compétences.
Aussi n’est-il pas temps de s’inspirer des expériences réussies de certains pays étrangers dans ce domaine, lesquelles ont démontré que la préservation du patrimoine et des monuments historiques a contribué non seulement à l’émergence d’un nouveau tourisme culturel, mais aussi à pérenniser et à développer ce nouveau créneau combien rentable.
Le succès de toute action dans ce sens demeure tributaire d’un changement radical des mentalités, conjugué à un retour massif aux valeurs de citoyenneté et de civisme. 


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