La première scène toute en tension du “Gamin au vélo” des frères Luc et Jean-Pierre Dardenne, présenté dimanche à Cannes en compétition, montre le petit rouquin qui compose inlassablement le même numéro, avec la même urgence.
Le message enregistré se répète, lui confirmant que l'abonné a disparu.
C'est cette scène qui a servi de casting aux cinéastes belges, déjà deux fois Palme d'or à Cannes avec “Rosetta et “l'Enfant”, pour trouver leur acteur, le jeune Thomas Doret. “C'était le meilleur des 140 qu'on a vus”, explique à l'AFP Luc Dardenne. “Il avait cette tension en lui”.
Quand Cyril comprend le mauvais sort qui lui est fait, il répète sans cesse “ce n'est pas grave”. Tellement c'est grave.
“C'est un enfant obstiné et son obstination est causée par des raisons qui n'appartiennent pas à l'enfance”, explique Luc. “Quand celui qui devrait vous aimer ne vous aime pas, le paradoxe c'est qu'on fait tout pour lui plaire. Et plus il s'en fout, plus on s'obstine”.
Mais l'abandon n'est que le début de l'histoire. Les frères veulent avant tout raconter comment cet enfant est sauvé. Par Samantha (Cécile de France), qu'il croise pendant la quête effrénée de son père (Jérémie Renier, révélé par les Dardenne dans leur bouleversant “La promesse”).
Témoin de la détresse de l'enfant, la coiffeuse va retrouver son vélo, puis accepter de le prendre avec elle les week-ends.
“Elle sent un tel désespoir qu'elle doit faire quelque chose pour lui. C'est humain. Elle décide tout de suite qu'elle va le sauver, mais comment va se passer le sauvetage?”, avance Jean-Pierre.
Les cinéastes ont rencontré des responsables de centres d'accueil pour enfants. “Une directrice nous a expliqué que les enfants placés, quand ils ont encore un parent, sont pris dans des conflits de loyauté”, raconte Luc.
Le film a été tourné en été, une première pour les cinéastes. “L'histoire avait besoin de la lumière de l'été, même si on est jamais sûr du soleil en Belgique”, plaisante Jean-Pierre.
Cécile de France dit avoir apprécié d'être encouragée à jouer à l'instinct, avec beaucoup de scènes très physiques. “Je travaille d'abord avec mon corps”, a-t-elle expliqué à la presse. “On a ça en commun de ne pas forcément passer par l'intellect mais d'abord par l'instinct et le corps. Peut-être parce qu'on est tous Belges,”, a-t-elle plaisanté.
Le jeune garçon, interviewé par toutes les télés à Cannes, a expliqué très sérieusement, sous l'oeil attendri de l'actrice, avoir “répété un peu plus que Cécile. Mais j'avais plus de scènes”.
Le contexte social, moins présent ici que dans les œuvres précédentes du duo, a été volontairement mis au second plan pour centrer le film sur l'histoire familiale. “Il y a sans doute un rapport entre le fait que nous soyons frères et que les histoires de famille nous intéressent”, reconnaît Luc.
Ce “Gamin au vélo”, “c'est une sorte de conte”, explique encore Jean-Pierre. “Il y a un bois, qui est le lieu de la tentation. Il y a un méchant. Cyril est un peu Pinocchio, un peu Chaperon rouge. Il va traverser des épreuves qui vont lui faire perdre ses illusions et une bonne fée viendra le sauver”.