
"La vitesse avec laquelle ils ont annoncé la mort de Kim Jong-il démontre que les structures du pouvoir nord-coréen étaient préparées et que les plans de succession sont en place. Sinon, ils auraient été beaucoup plus lents. Ceci démontre que les mécanismes de la transition sont déjà à l'oeuvre", note Zhu Feng, qui enseigne les relations internationales à l'université de Pékin.
Le plus jeune des trois fils connus de Kim Jong-il aurait suivi des études en Suisse et parlerait l'allemand et l'anglais. Son nom signifie, en caractères chinois, "Nuage Vertueux". Mais les médias l'appelaient, jusqu'à la mort de son père, le "jeune général". Sa ressemblance avec son grand-père, Kim Il-sung, le fondateur de la République populaire démocratique de Corée, serait frappante.
Selon le ministre sud-coréen de la Défense, les dernières initiatives militaires prises par Pyongyang visaient à préparer la succession - la santé de Kim Jong-il était au centre des interrogations depuis l'attaque cérébrale dont il aurait été victime en 2008 - et à consolider le pouvoir de son héritier désigné en lui assurant le soutien de l'armée. Pour les experts du régime de Pyongyang, il devrait rester dans le sillon militaire tracé par ses prédécesseurs, maintenant un contrôle serré sur l'une des armées aux effectifs les plus importants de la planète et un régime qui poursuit son programme nucléaire militaire.
"En dépit des difficultés économiques, des pénuries alimentaires et de sanctions à profusion, le régime de Kim Jong-il semble stable et le processus de succession se déroule, selon toute vraisemblance, en douceur", notaient en avril John Delury et Chung-in Moon, deux spécialistes de la Corée du Nord à la Yonsei University de Séoul. Les deux universitaires relevaient également le rôle actif joué par la Chine sur les plans diplomatique et économique pour soutenir la survie, la stabilité et le développement de la Corée du Nord. La préférence de Pékin va au statu quo dans la péninsule coréenne. Dans le cas d'une réunification des deux Corées, l'armée américaine, stationnée au Sud, se retrouverait à la frontière immédiate de la Chine. "Le plus grand danger à présent, c'est que Kim Jong-un ressent le besoin de démontrer sa légitimité par des essais nucléaires ou des provocations militaires", avance Michael Green, du Centre d'études stratégiques et internationales de Washington. "Nous savions que Kim Jong-il mourrait et que son troisième fils lui succéderait, mais nous ne savons pas exactement avec quelle fermeté et quelle prévisibilité le jeune Kim exercera véritablement le pouvoir", ajoute-t-il. La photo de Kim Jong-un la plus fréquemment diffusée montre un garçonnet de 11 ans. Un quotidien japonais a publié un cliché le montrant à 16 ans mais sa date de naissance exacte demeure incertaine: fin 1983 ou début 1984. Une des questions toujours en suspens concernant le "Grand héritier" concerne sa mère, une danseuse née au Japon, Ko Yong-hui, aujourd'hui décédée, et dont on ignore si elle était l'épouse officielle ou la maîtresse de Kim Jong-il. La réponse pourrait avoir une influence sur la légitimité de Kim Jong-un, dont la jeunesse ne constitue par ailleurs pas un atout dans une société qui vénère les anciens.
Kim Jong-il avait été, en son temps, désigné tout à fait publiquement comme héritier par son père, Kim Il-sung. Le "Cher dirigeant" s'est gardé de faire de même avec son fils. Dans un ouvrage consacré à l'époque où il était cuisinier personnel de Kim Jong-il, le Japonais Kenji Fujimoto avait noté que des trois fils Kim, le benjamin était celui qui ressemblait le plus à son père. On dit également qu'il aurait la fibre autoritaire et serait le plus doué des trois pour gérer les affaires de l'Etat. Park Syung-je, un analyste sud-coréen travaillant pour l'Institut stratégique de l'Asie (ASI), pense que Kim Jr aurait en outre le soutien de Jang Song-thaek, le n°2 de facto du régime de Pyongyang et beau-frère de Kim Jong-il, nommé lui aussi au sein de la puissante Commission de défense nationale.