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Le coronavirus tue dans les usines mexicaines

Les détenteurs de capitaux ne se soucient pas de la vie de leurs employés. Ils savent qu'ils ont à disposition un réservoir de main-d'oeuvre bon marché


Mardi 21 Avril 2020

Le coronavirus tue dans les usines mexicaines
 Lorsqu'Ana Lilia González s'est présentée à l'infirmerie de son usine à Ciudad Juarez, une ville du Mexique frontalière des Etats-Unis, le médecin lui a dit qu'elle pouvait continuer à travailler. Deux semaines après, elle est morte.
Son nom s'ajoute à la liste grandissante de décès dus au nouveau coronavirus dans les rangs des ouvriers des usines de Ciudad Juárez, Chihuahua, dans l'extrême nord du pays, très peuplé et très pauvre.
"Il y a encore quinze jours, elle allait bien. A l'infirmerie, ils n'ont pas voulu la renvoyer chez elle avant que son état n'empire", confie par téléphone à l'AFP une de ses collègues, elle-même en confinement depuis quelques jours.
Par peur d'être stigmatisée, cette femme de 24 ans qui tousse et dit avoir perdu le sens du goût, préfère ne pas révéler son nom. Ana Lilia, 45 ans, et elle étaient récemment ensemble à un mariage.
Syncreon, une usine mexicaine qui répare notamment les distributeurs automatiques de billets de banque destinés aux Etats-Unis, est l'une des entreprises considérées comme non essentielles pour l'économie mexicaine qui a été appelée à suspendre ses travaux le 30 mars suite à un décret présidentiel.
Mais des milliers d'ouvriers du secteur manufacturier mexicain continuent de travailler dans des usines similaires, tout le long de la frontière avec les Etats-Unis longue de plus de 3.100 km.
On est loin des mesures prises dans d'autres pays qui ont imposé l'arrêt des usines pour aider à freiner la propagation de l'épidémie.
A Juárez seulement, parmi les 160 usines les plus importantes de la région, qui emploient quelque 300.000 personnes, "33 qui se disent vitales pour l'économie, 28 non essentielles et 35 qui le sont partiellement, continuent de fonctionner", a déclaré cette semaine la secrétaire au travail de Chihuahua, Ana Luisa Herrera. Les autres sont fermées.
Pour l'heure, au moins 13 ouvriers des usines de Ciudad Juárez sont morts de la maladie Covid-19, selon les autorités locales. Ana Luisa Herrera a assuré avoir pourtant averti le gouvernement fédéral qu'une trentaine d'entreprises ne respectaient pas les consignes et continuaient d'opérer normalement.
Elle a aussi fait valoir que seuls 18 inspecteurs étaient assignés au contrôle des usines de la région.
"Les Etats mexicains du nord vont être les plus touchés par l'épidémie", a mis en garde Hugo López-Gatell, sous-secrétaire à la santé du gouvernement mexicain. Selon des données officielles, 7.497 cas du coronavirus sont confirmés, pour 650 décès.
"Nous avons appris l'hospitalisation de certains de nos collaborateurs lors de nos opérations à Ciudad Juárez et le décès regrettable de plusieurs d'entre eux", a reconnu l'usine Lear Corporation, qui produit des sièges pour l'industrie automobile, citée par plusieurs médias locaux.
"Les détenteurs de capitaux ne se soucient pas de la vie de leurs employés. Ils savent qu'ils ont à disposition un réservoir de main-d'oeuvre bon marché", s'insurge Susana Prieto, avocate et défenseure des droits du travail à Ciudad Juárez, dans un entretien avec l'AFP.
Elle accuse les entreprises d'avoir menti à leurs employés en prétendant qu'elles faisaient partie de la liste de celles encore autorisées à opérer pendant l'épidémie.
Cette semaine, des travailleurs de diverses entreprises ont manifesté en exigeant de pouvoir se protéger du coronavirus.
"Bientôt, les usines vont toutes fermer du fait de la psychose générale et de la nervosité du personnel ... Les employés ne veulent tout simplement plus travailler", affirme à l'AFP le représentant à Ciudad Juárez du Conseil national de l'industrie, Pedro Chavira.
"On blâme l'industrie alors que l'ennemi ici c'est le virus", s'insurge Chavira qui se refuse à commenter ce qui c'est passé à Syncreon et affirme que la plupart des entreprises qui continuent de fonctionner ont pris des mesures pour atténuer la propagation, telles que l'assainissement des installations, la distribution de masques de protection, du gel antibactérien, des contrôles de température et même la diminution des cadences de production, afin de réduire le nombre d'employés sur les sites.
Mais à Syncreon, sollicité sans succès par l'AFP, la réalité est différente. Alexis Flores, 22 ans, un technicien de l'usine, a été licencié pour avoir participé à des manifestations.
"Jusqu'à cette semaine, ils ont donné des masques couvre-bouches à ceux d'entre nous qui ont dû s'en coudre par eux-mêmes. Les contrôles de température n'ont jamais été réalisés, et je ne pense pas qu'ils aient réellement désinfecté. Tout est très sale", explique Alexis.
Au chômage et désormais confiné, il craint de contaminer son père qui souffre d'hypertension.
Selon lui, au moins cinq de ses collègues sont morts, tous avec des symptômes de la maladie Covid-19. La plupart d'entre eux avaient moins de 50 ans, comme Ana Lilia, qui travaillait pour un salaire journalier de 7,5 dollars.
 


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