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Le conflit russo-ukrainien fait encore rage

L’arme alimentaire vient attiser les différends déjà exaspérés en sus des “chantages” énergétiques …


Rachid Meftah
Jeudi 8 Septembre 2022

Le conflit russo-ukrainien fait encore rage

Comme à l’occasion de conflits armés ou de crises politico-économiques sur fond de tiraillement d’intérêts géostratégiques bilatéraux ou multilatéraux, la surenchère médiatique, alimentée par la profusion intempestive de déclarations et de communiqués (de guerre) fait rage de part et d’autre des protagonistes.

Dans ce contexte, lors d’un forum économique à Vladivostok (à l’Extrême-Orient russe), le président Poutine a frontalement déclaré que «presque toutes les céréales exportées d’Ukraine sont envoyées non aux pays en développement et aux pays pauvres, mais aux pays de l’Union européenne ». « Ce que nous observons est une tromperie, une attitude grossière et imprudente envers ces partenaires pour qui tout cela était censé être fait », a-t-il soutenu devant un large parterre d’observateurs, d’experts et de responsables économiques et politiques asiatiques.

Le maître du Kremlin a enchaîné en dénonçant une attitude «colonialiste» de la part des pays occidentaux, particulièrement ceux de l’Union européenne qui «pensent d’abord à (leur) propre peau, à (leurs) propres intérêts » …

«Cela pourrait mener à une catastrophe humanitaire sans précédent», a-t-il instamment alerté dans son discours qui a duré plus de trente minutes. «Peut-être devrions-nous réfléchir à la façon de limiter les exportations de céréales et d‘autres produits alimentaires par cette voie», a-t-il conclu, là-dessus, avant d’ajouter : «Je vais consulter le président turc (Recep Tayyib) Erdogan», qui a, en fait, parrainé un accord à Istanbul permettant l’exportation des céréales ukrainiennes.

En revanche, le Centre de coordination conjointe (CCC), en charge de superviser tous les détails dudit accord, a présenté des données précisant que 100 navires ont quitté depuis le début du mois d’août les ports ukrainiens d’Odessa, de Tchornomosk et de Pivdenny, transportant à leur bord, 2.334.310 tonnes de céréales et autres produits agricoles.

Selon la même source, les principaux pays ciblés par ces livraisons ont été la Turquie (20%), l’Espagne (15%), l’Egypte (10%), la Chine (7%) et l’Italie (7%). Ainsi, les pays européens représenteraient 36% du total tandis que 17% iraient aux pays africains.

Le CCC assure, en outre, que 30% des cargos sont allés vers des pays à faibles revenus ou à revenus intermédiaires, en soulignant qu’une partie importante des céréales livrées à la Turquie est tout de même réexportée vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

A cet égard, une responsable du gouvernement américain, ayant requis l’anonymat, a qualifié d’erronées et de fausses les affirmations du président russe et indiqué que certaines céréales étaient transportées en Europe pour y être transformées avant d’être acheminées vers des pays pauvres.

Estimant que Vladimir Poutine pourrait avoir plusieurs motivations (…) dont «la maîtrise» des données à l’égard des pays du Sud, elle a déclaré : «Peut-être que l’accord fonctionne mieux que prévu et que les Ukrainiens en profitent plus qu’ils ne l’espéraient en termes de revenus allant à l’Ukraine».

Comme pour la Crimée en 2014 l’annexion par la Russie du Donbass n’est plus qu’une question d’agendas conflictuels
 

Cette polémique animée par la divergence des intérêts économiques et géostratégiques et attisée par la persistance des visées russes d’une part et la contre-offensive occidentale, notamment les pays européens s’explique par l’acharnement de ces derniers face à «l’entêtement» des responsables russes, attitudes, de part et d’autre, diamétralement opposées et contradictoires.

En effet, si l’accord d’Istanbul a permis la reprise des exportations de céréales ukrainiennes, la Russie se plaint depuis plusieurs semaines de sérieuses entraves à ses propres exportations alimentaires du fait des effets persistants des sanctions économiques qui lui sont infligées.

«La situation évolue dans la bonne direction, mais certaines restrictions subsistent», tirant les prix «à la hausse», a fustigé Vladimir Poutine.

«J’espère que les choses vont changer d’une manière ou d’une autre», a-t-il martelé, en appelant à «inverser cette situation». «Nous poursuivrons notre travail dans l’espoir que les objectifs pour lesquels tout cela a été organisé seront tout de même atteints».

D’après lui, les Européens ont usé du «prétexte» d’une «famine» potentielle dans de nombreuses régions du monde si les céréales ukrainiennes ne pouvaient pas être exportées rapidement pour finalement les récupérer chez eux.

Ainsi, «tromperie», attitude «colonialiste» des pays occidentaux : les critiques acerbes du maître du Kremlin remettent en cause frontalement l’accord signé, fin juillet, avec Kiev, sous parrainage turc et sous l’égide des Nations unies. 

D’autre part et sur un tout autre registre de cette crise quasi-planétaire, le conflit russo-ukrainien pourrait virer vers un tournant encore plus critique. En effet, le « Conseil général de Russie Unie », parti de Vladimir Poutine, a émis, mercredi, la proposition d’organiser, le 4 novembre, des référendums dans les territoires sous contrôle russe en Ukraine, en vue de les rattacher, de fait, à la Russie.

« Donetsk, Lougansk et de nombreuses villes russes vont enfin retrouver leur port d’attache. Et le monde russe, aujourd’hui divisé par des frontières formelles, retrouvera son intégrité », a ainsi déclaré le secrétaire dudit parti.

La fin du conflit russo-ukrainien se révèle de plus en plus improbable et lointaine … La paix n’est pas pour demain …

Rachid Meftah



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