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Le conflit Moscou-Kiev, en sommes nous assez loin ?


Hassan Bentaleb
Mardi 22 Février 2022

L’impact sur la région MENA ne serait pas à sous-estimer. Combien cela nous coûterait-il en…blé ?

Le conflit Moscou-Kiev, en sommes nous assez loin ?
Une éventuelle guerre entre la Russie et l’Ukraine aura des conséquences au-delà des pays de la région. Elle risque de toucher des pays du MoyenOrient et de l’Afrique du Nord. Selon le site du quotidien d'information britannique The Telegraph, une invasion russe de l'Ukraine risque de bouleverser les prix des denrées alimentaires et de plonger les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord dans une famine aiguë.

Des menaces qui se profilent
D’après toujours la même source en relatant l’analyse de plusieurs experts, les populations qui sont déjà confrontées à la flambée des prix des denrées alimentaires pourraient voir le coût des produits de base grimper encore plus si les chaînes d'approvisionnement sont perturbées. En effet, un conflit ou un blocus de la mer Noire signifierait que les approvisionnements en provenance d'Ukraine devaient être remplacés par ceux d'une autre source, entraînant une hausse des prix. Des menaces qui se profilent déjà avant même le déclenchement de la guerre puisque les prix du blé tendre et du maïs sont en progression comme le cas également pour l’orge fourragère et le colza. Des augmentations qui interviennent dans un contexte où les prix des denrées alimentaires sont à leur plus haut niveau depuis 10 ans en Moyen-Orient et en Afrique du Nord, atteignant des niveaux comparables à ceux du printemps arabe, selon le département américain de l'agriculture.
Abeer Etefa, porte-parole du Programme alimentaire mondial, a déclaré que le prix des céréales a commencé à fluctuer et que les prix des denrées alimentaires sont déjà à un niveau élevé. «Nous craignons que les populations du Moyen-Orient et d'Afrique ne deviennent encore plus vulnérables si les approvisionnements sont interrompus », s’est-elle alarmée. L’Egypte est souvent citée par les analystes comme le pays le plus menacé par le conflit RussieUkraine et ses impacts sur les prix, notamment ceux du blé. En effet, le Caire est le premier importateur mondial de blé et les augmentations du prix du pain ont provoqué par le passé des émeutes qui ont déclenché le soulèvement de 2011 qui a renversé l'ancien président Hosni Moubarak. En fait, le pain en Egypte est fortement subventionné et avec la tendance haussière actuelle, l’Etat égyptien devrait ajouter cette année 763 millions de dollars à la facture déjà lourde et qui s’élève à 3,2 milliards de dollars. A ce propos, le Premier ministre Mostafa Madbouly a annoncé dernièrement des plans pour augmenter le prix de miche de pain qui est resté stable depuis 1988 tout en précisant que le gouvernement avait l'intention de le faire sans nuire aux pauvres Égyptiens.

Ukraine et Russie, championnes mondiales des céréales ou des oléagineux
Mais pourquoi l’Ukraine et la Russie représentent-elles une telle importance ? Selon Gautier Le Molgat, directeur général adjoint du cabinet d’études Agritel, invité dernièrement par France-Culture, « sur le marché des grains, que ce soit des céréales ou des oléagineux, la place de la mer Noire a grandi depuis dix ans parce que la Russie et l’Ukraine ont multiplié par trois leur potentiel d’exportation. Aujourd’hui ces deux pays représentent beaucoup de productions, que ce soit le blé, le maïs ou le tournesol, et sont souvent classés dans le top cinq des exportateurs mondiaux. Des problèmes dans cette zone engendrent automatiquement des doutes chez leurs clients et une tension sur les prix».
Selon cet expert, nous sommes en train de rejouer «ce qui s'est passé en Crimée en 2014 où, en très peu de temps, la Russie a récupéré des territoires et déstabilisé cette zone, ce qui a fait monter les prix en quelques jours de presque 15%. C’est une situation qui affecte les marchés internationaux dont les prix sont déjà très élevés cette année. On a des niveaux de prix record depuis six mois. Concrètement aujourd’hui, une tonne de blé vaut plus de 260 euros alors qu’à l’été elle ne valait qu’à peine 200 euros».
Concernant l’importance des produits agricoles russes et ukrainiens au niveau de la région Mena, la même source a expliqué que les Russes alimentent en blé une grande partie des pays importateurs dans le nord de l’Afrique. L’Egypte a fortement sollicité la Russie par exemple. L’Ukraine est un gros pays exportateur qui alimente le Maroc, des pays européens pour le maïs, mais aussi des pays du Moyen-Orient. Et ça ne touche pas que le maïs ou le blé, mais également les oléagineux. L’Ukraine est le premier pays producteur mondial de tournesol et le premier pays exportateur d’huile. Même en Europe, on importe de l’huile ukrainienne. Cette année, l'Ukraine devrait représenter 12% des exportations mondiales de blé, 16% de maïs, 18% d'orge et 19% de colza. Quarante pour cent de ses expéditions annuelles de maïs et de blé sont destinées au Moyen-Orient ou à l'Afrique. « Ces deux pays sont vraiment des marqueurs de prix. Ce qui se passe là-bas a une influence directe sur le marché européen et sur le marché mondial », précise-t-elle.

Une époque d’incertitude
Timothy Lang, professeur émérite de politique alimentaire à la City de Londres, cité par The Telegraph, a expliqué que nous sommes aujourd’hui dans une époque marquée par la volatilité des prix des produits alimentaires et qu’à l’inverse de la situation d’il y a 50 à 90 ans, notre sécurité alimentaire ne dépend plus des stocks, mais plutôt des marchés financiers. « Cela signifie que la volonté politique peut rapidement plonger un grand nombre de personnes dans l'insécurité alimentaire », a-t-il précisé. Et d’ajouter : « Nous ne pouvons plus supposer que la question de nourriture est en quelque sorte en dehors des impacts politiques des conflits ». Mme Etefa a déclaré que le monde ne pouvait pas se permettre un autre conflit créé par l'Homme. «Les conflits alimentent la faim, la guerre conduit à une plus grande insécurité alimentaire. Nous sommes déjà confrontés à des besoins humanitaires sans précédent – il suffit de regarder l'Afghanistan, le Soudan du Sud et le Yémen. Nous ne pouvons pas faire face à une autre crise humanitaire », a-t-elle conclu.


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