Le chef Bruno et le "pouvoir des pâtes" pour nourrir les enfants pauvres

Beaucoup de gens veulent aider, mais ne savent pas comment. Commencez tranquillement avec un petit truc. Dites bonjour, préparez une assiette pour une personne, puis dix, quinze,...


Libé
Vendredi 12 Avril 2019

Pour des milliers d'enfants défavorisés ou SDF, le chef Bruno Serato est un vrai super-héros. Son pouvoir? Celui de vaincre la faim à grands coups de pâtes et de sauce tomate, dont il a déjà servi trois millions d'assiettes en 14 ans.
"Avec les pâtes, j'ai le pouvoir de gagner la guerre contre la faim. Pas besoin de missiles, pas besoin d'armes. Les pâtes suffisent", sourit le chef italien dans la cuisine de son restaurant "The White House" à Anaheim, au sud de Los Angeles.
C'est là, dans le comté d'Orange, l'un des plus riches des Etats-Unis, que le premier Disneyland a ouvert dans les années 1950 et que Bruno s'est fixé dans les années 1980. Mais la vie n'y est pas rose pour tout le monde: de nombreux enfants sont SDF et vivent dans des motels, des caravanes ou des refuges, comme des dizaines de milliers d'autres sur la côte Ouest des Etats-Unis.
C'est là aussi, le 18 avril 2005, que Bruno Serato a fait une rencontre qui a changé sa vie. Accompagné de sa mère venue lui rendre visite depuis l'Italie, il se rend dans un centre social pour enfants proche de son établissement.
Sa mère, Caterina, s'étonne d'y voir un gamin de six ans en train de manger un paquet de chips. Et elle est horrifiée d'apprendre qu'il s'agit du dîner de ce petit garçon, dont la famille vit dans un motel et n'a ni l'argent ni la cuisine pour lui préparer un repas digne de ce nom.
"Comme toutes les mères italiennes, elle a dit: +s'il a faim, il n'y a qu'à lui donner des pâtes!+ Et on est tout de suite allé dans la cuisine du restaurant pour lui en faire. Je n'ai jamais arrêté depuis", explique à l'AFP le volubile cuisinier, les yeux pétillants d'enthousiasme.
Né en 1956 à Laon, dans le nord de la France, il s'exprime parfaitement en français et se souvient de son enfance à la campagne avec ses six frères et soeurs.
Ouvriers agricoles immigrés d'Italie, ses parents sont pauvres mais, même s'il porte les vieux vêtements donnés par des voisins, il dit n'avoir manqué de rien. "Je mangeais tous les jours des spaghettis sauce marinara parce que ça ne coûtait rien, et je n'ai jamais souffert de la faim!"
Aujourd'hui, Bruno Serato et la fondation qu'il a créée pour nourrir les enfants dans le besoin ("Caterina's Club") ont déjà servi trois millions de repas, un cap symbolique que le chef a célébré jeudi en invitant 200 enfants dans son restaurant.
Au total, Bruno et la douzaine de personnes employées par sa fondation nourrissent chaque jour 5.000 enfants dans près de 90 sites (écoles, centres sociaux, etc) à travers la Californie, à raison de 350 kg de pâtes et de dizaines de litres de sauce chaque jour.
"Beaucoup de gens veulent aider mais ne savent pas comment. Commencez tranquillement, avec un petit truc. Dites +bonjour+, préparez une assiette pour une personne, puis dix, quinze...", dit Bruno, grand gaillard à la bouille aussi ronde que son crâne rasé.
Désormais, il ferme même son restaurant le midi pour pouvoir se consacrer à cette tâche: "Avant, le midi on était occupés, mais jamais complet. Je me suis dit qu'il fallait choisir."
Bruno Serato a pourtant cru tout perdre un week-end de février 2017 lorsqu'un incendie a ravagé l'établissement auquel il avait consacré trente ans de sa vie.
Encore en pleurs devant ce gâchis, il reçoit un appel de l'évêque local lui prêtant gratuitement les cuisines de sa cathédrale pour continuer à nourrir ses petits protégés, le temps de reconstruire son restaurant.
"Le jour d'après, j'étais en train de cuire mes pâtes pour les enfants et j'avais tout oublié", assure le chef.
Bruno Serato a couché sa vision de la vie, son engagement et 40 de ses recettes dans un livre intitulé "The Power of Pasta" ("Le pouvoir des pâtes"), qu'il a remis en mains propres au Pape François en octobre dernier à Rome.
"Si toutes les églises, de toutes les religions, collectaient des pâtes, du riz ou du couscous, puis les distribuaient, personne n'aurait faim dans le monde. C'est facile à faire, pas besoin de miracle!", insiste Bruno.


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