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Le V4+ l’Allemagne en plein déphasage

Une hypothétique aide en gestation pour le Maroc qui n’a rien demandé à personne


Hassan Bentaleb
Mardi 12 Février 2019

C’était à Bratislava jeudi dernier
C’était à Bratislava jeudi dernier
Le Maroc est un pays pourvoyeur de réfugiés, estiment l’Allemagne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie et la Pologne et il faut l’aider en en ciblant les causes. La chancelière allemande et ses homologues du groupe de Visegrád (V4), réunis jeudi dernier à Bratislava, ont annoncé la préparation d’un programme commun d’aide au Royaume dont les contours restent à définir et à affiner. En effet, le projet n’est  qu’au stade de l’idée en gestation.
Selon Peter Pellegrini, Premier ministre slovaque, dont le pays assure jusqu’au mois de juin la présidence tournante du V4, l’objectif de cet éventuel projet est de cerner les origines de cette migration et de lui apporter des solutions. La forme concrète que prendra sa réalisation sera annoncée dans quelques semaines.
Même son de cloche de la part d’Andrej Babiš, chef du gouvernement tchèque, qui a affirmé qu’il n’existe pour l’instant aucun projet précis et que le V4 et l’Allemagne ont simplement  annoncé leur intention d’aider le Royaume. « Maintenant, il faut développer cette idée et entamer des négociations avec les autorités marocaines », a rapporté la radio tchèque. Il a également déclaré que le choix de notre pays a été dicté par le fait qu’il  est devenu un pays pourvoyeur de migrants irréguliers alors que des fonds européens dont ceux de la  République tchèque y sont investis  afin de lutter contre la migration  irrégulière.  Andrej Babiš pense que son pays a le droit de savoir où cet argent va et comment il est utilisé.
Ces déclarations suscitent des interrogations puisque les statistiques des demandes d’asile sont en baisse et le Maroc ne figure pas sur la liste des pays émetteurs des demandeurs d’asile. D’après l’EASO (Bureau européen d'appui en matière d’asile), le taux de demandes d’asile dans les 28 pays de l’UE a baissé de 43% par rapport à 2016. Il s’agit de la deuxième année consécutive à avoir enregistré moins de demandes après un afflux sans précédent en 2015 et 2016. Les mêmes données ont indiqué que la Syrie était le pays d'origine le plus commun des demandeurs d’asile pour la cinquième année consécutive, avec plus de 98.000 demandes.   
L’EASO a également indiqué que malgré une baisse considérable par rapport à 2016, deux fois plus de Syriens ont déposé des demandes de protection internationale dans l’UE que tous les autres citoyens des pays tiers. Les ressortissants irakiens, afghans et nigérians ont introduit plus de 40.000 demandes en 2017. Les dix premiers pays d'origine des demandeurs incluent également le Pakistan, l’Erythrée, l’Albanie, le Bangladesh, la Guinée et l’Iran. Autre fait à noter, parmi ces dix premiers pays, les citoyens bangladais et guinéens arrivent en tête des demandeurs d’asile tant en 2017 qu'en 2016. D'autres augmentations notables des demandes ont été également enregistrées par les ressortissants vénézuéliens (+ 158%), turcs (+ 45%), géorgiens (+ 35% %) et ivoiriens (+24%).
Les derniers chiffres de Frontex confirment également cette situation. En fait, le deuxième trimestre de 2018 a enregistré la Syrie comme principal pays d'origine des demandeurs avec 13% du total suivie de l'Afghanistan (7%), de l’Iraq (6%), du Venezuela (5%) et du Nigeria (4%). Le total des demandes d’asile émanant des Syriens a augmenté de 18% tout en restant inférieur à celui de 2017. La plus forte augmentation enregistrée au deuxième trimestre de 2018 émane des Vénézuéliens dont le nombre est passé à 3.500 soit une hausse de 85%. Les citoyens afghans ont également déposé plus de demandes qu'au premier trimestre 2018, mais le niveau de celles-ci est resté similaire à celui du dernier trimestre 2017. Le nombre de demandeurs originaires d’Irak et du Nigeria a diminué pour le deuxième trimestre consécutif.
Le projet caressé par l’Allemagne et le groupe de Visegrád suscite également d’autres interrogations puisque les autorités marocaines n’ont pas été contactées ou sollicitées officiellement à son propos ou de tout autre éventuel programme d’aide émanant du V4. «Nous n’avons aucune information sur le sujet et nous n’avons eu aucun contact avec les représentants diplomatiques de ces pays», nous a indiqué une source ministérielle sous le sceau de l’anonymat.   Et de poursuivre : «Nous travaillons effectivement avec l’Allemagne et nous avons beaucoup de projets en cours et d’autres dans l’avenir mais nous n’avons aucun programme de coopération ou de coordination avec le V4 ».
Notre source nous a également précisé que l’absence de coordination ou de relations de coopération avec ces pays est due au fait qu’ils n’ont pas de traditions migratoires comme c’est le cas pour l’Allemagne, l’Espagne ou la France. « Nous avons côtoyé les représentants de ces pays lors de la préparation du Pacte mondial sur la migration mais ils n’avaient fait qu’assister aux travaux sans plus ».
Comment peut-on alors expliquer cette annonce du V4 ? Notre source soutient que leur sortie médiatique trouve son explication dans le contexte des préparatifs pour la tenue des élections européennes en mai prochain. «Ces pays d'Europe de l'Est sont hostiles à tout accueil de migrants sur leur territoire. D’ailleurs, ils ne font pas partie des pays signataires du Pacte mondial sur la migration et ils ont été hostiles au projet de répartition obligatoire des migrants au sein de l'UE ainsi qu’à l'idée des compensations financières à payer par les pays qui refusent d’accueillir des réfugiés chez eux. L’annonce de ce projet du V4 s’inscrit donc  dans un contexte de surenchère politique », nous a-t-elle expliqué.  Et que peut-on attendre comme projet de leur part ? « Il est difficile d’y répondre mais on pense qu’il y aura probablement un projet de contrôle des frontières mais rien n’est moins sûr », a noté notre source.
Pour certains observateurs, le groupe de Visegrád cherche à jouer un rôle au Maroc et à s’affirmer comme interlocuteur tel qu’en  témoigne son vote favorable au Parlement européen à la ratification du Protocole d’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne.


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