Le Premier ministre ukrainien, un jeune juriste au profil discret

Son défi principal sera de ne pas trahir les attentes, ce qui ne sera pas facile.


Samedi 31 Août 2019

Le Premier ministre ukrainien, un jeune juriste au profil discret
Oleksiï Gontcharouk, qui est devenu jeudi à 35 ans le plus jeune Premier ministre ukrainien, est un ancien avocat partisan de réformes économiques libérales, peu connu et avec trois mois d'expérience à peine au sein du pouvoir.
Après des semaines d'intenses consultations, le nouveau président Volodymyr Zelensky, lui-même novice en politique et plus jeune chef de l'Etat ukrainien à 41 ans, a officiellement proposé jeudi aux députés du nouveau Parlement, qui lui est acquis après la victoire de son parti aux législatives en juillet, de nommer M. Gontcharouk comme Premier ministre.
Avec une rapidité inédite pour la politique ukrainienne, les députés ont approuvé, au premier jour de leur travail, la nomination de cet ancien associé dans une firme juridique.
"Nous avons plus de 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (...) Nous avons une guerre dans l'Est. Et en plus, nous avons la corruption. Il faut y mettre fin et nous allons le faire. Le nouveau gouvernement ne va pas voler", a lancé M. Gontcharouk avant le vote, sous les applaudissements de l'Hémicycle.
Sa nomination s'inscrit dans le contexte de l'arrivée massive de nouveaux visages dans les sphères du pouvoir en Ukraine, après l'élection triomphale en avril de M. Zelensky sur la promesse de "casser le système".
"Une nouvelle génération est arrivée au pouvoir", a souligné jeudi M. Gontcharouk devant les députés.
Qualifié de "bourreau de travail", il a été nommé fin mai comme chef adjoint de l'administration présidentielle en charge des questions économiques. Il accompagnait le chef de l'Etat lors des rencontres à ce sujet.
"Les changements pour le mieux vont bientôt s'accélérer considérablement (...) Restez à l'écoute!", a-t-il écrit sur sa page Facebook la semaine dernière en publiant une photo de sa poignée de main avec le président de la Banque mondiale, David Malpass, alors en visite à Kiev.
Barbu et moustachu, M. Gontcharouk a dirigé pendant quatre ans le centre d'analyse BRDO à Kiev, financé par l'Union européenne et dont les activités visent à améliorer le climat des affaires en Ukraine.
Une source ukrainienne haut placée qui a collaboré avec lui à cette époque a décrit son expérience comme "modérément positive", notant son caractère "proactif" et ses efforts pour simplifier les méandres de l'administration.
Ambitieux, M. Gontcharouk a une vision "bien structurée" et "détermine bien les priorités pouvant donner un bon résultat", a indiqué cette source à l'AFP. Il semble toutefois "se concentrer uniquement sur les victoires faciles, en évitant des problèmes plus compliqués".
A la tête du gouvernement, M. Gontcharouk sera confronté à des défis titanesques dans cette ex-république soviétique, l'un des pays les plus pauvres d'Europe, rongé par la corruption et confronté à une guerre avec des séparatistes prorusses dans l'Est, qui a fait environ 13.000 morts.
"Son défi principal sera de ne pas trahir les attentes, ce qui ne sera pas facile", souligne auprès de l'AFP Oleksandre Parachtchiï, analyste de la banque d'investissements Concorde Capital à Kiev.
Considéré comme partisan d'une politique économique libérale, M. Gontcharouk a plaidé en faveur de la poursuite de la coopération avec le Fonds monétaire international, dont l'aide financière est cruciale et conditionnée à l'application de mesures très impopulaires, comme la hausse de la facture du gaz.
Dans une de ses rares interviews, il s'est dit favorable à l'annulation du moratoire sur la vente des terres agricoles ukrainiennes, très fertiles. Particulièrement attendue par les investisseurs et créanciers occidentaux, cette mesure est extrêmement mal vue par la population dont 68% y est opposée, selon un récent sondage.
Diplômé de droit et d'administration publique, M. Gontcharouk, qui a fait ses études en Ukraine, dispose d'un soutien sans précédent de la majorité parlementaire et de la présidence, mais sa marge de manoeuvre personnelle reste limitée.
Il "ne pourra pas être un Premier ministre indépendant, même s'il le souhaite, faute de disposer de sa propre base politique", résume l'analyste politique Volodymyr Fessenko.


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