Le Maroc, terre de convoitise des trafiquants de biens culturels


Chady Chaabi
Mercredi 15 Septembre 2021

Le trafic illicite de biens culturels a pris une nouvelle dimension depuis l’avènement d’Internet. Plus aucun pays ou continent n’est désormais épargné par ce “fléau mondial, lucratif, et le plus souvent lié aux autres filières du crime organisé”, regrette l'UNESCO. Le Royaume n’en est malheureusement pas exempt. Les épisodes marquants ne manquent pas. A commencer par une étonnante découverte faite à Casablanca.

Il y a un peu plus d’un an, la police nationale a saisi un chef-d’œuvre de la Renaissance à Derb Soltane, un quartier populaire de la capitale économique. Un tableau de Guercino, datant de 1639 et volé à Modène en 2014. L'œuvre, d’une valeur estimé à 5 millions d’euros, si l’on en croit le critique d’art italien Vittorio Sgarbi, n’avait justement pas de valeur pour la ville italienne. “C’est le tableau le plus précieux que nous avons ici depuis que l’église a été construite”, a commenté au moment des faits, le curé Don Giovanni Gherardi. L’affaire du fossile "Zarafasaura Oceanis” a elle aussi marqué les esprits.

Des ossements du squelette de plésiosaure marin provenant du bassin des phosphates de Khouribga ont failli être vendus aux enchères, à plus de 2000 km du lieu de leurs découvertes. Mais c’était sans compter sur l’Association pour la protection du patrimoine géologique du Maroc (APPGM) qui a dénoncé la vente aux enchères de ce squelette unique en son genre, au musée Drouot à Paris. Si les autorités marocaines ont remporté cette bataille, le fossile ayant été remis au ministère de l’Energie, des Mines et du Développement, il devient de plus en plus difficile de gagner la guerre du trafic illicite de biens culturels.

Le Maroc est une cible prisée par les trafiquants pour ses richesses culturelles aussi bien matérielles qu'immatérielles.. Une convoitise alimentée par sa position géographique qui lui confère une histoire liée à la fois au bassin méditerranéen, mais aussi au monde arabo-musulman. Pour contrecarrer les plans des trafiquants, le Royaume s'est doté d'une législation en la matière par le biais de la loi 22- 80. En outre, le 14 janvier dernier, le Maroc a signé un mémorandum d’entente avec les Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, en général, et des objets archéologiques et ethnographiques, en particulier.

L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) n’est pas en reste. Elle est plus que jamais consciente des affres du trafic illicite de biens culturels. Une réunion est même organisée demain, en partenariat avec l’Union européenne, avec pour principal mot d’ordre : "La lutte contre le trafic illicite de biens culturels : pour un dialogue mondial renforcé". “Nous devons responsabiliser davantage tous les acteurs concernés pour lutter contre ces crimes qui constituent une atteinte à l’identité des peuples", a déclaré la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, citée dans ce communiqué.

Et pour cause, la crise sanitaire a clairement œuvré pour une augmentation et une expansion de ce trafic. “En temps de pandémie, la restriction des mécanismes de surveillance et de protection, ainsi que des ressources, a détérioré la situation : musées fermés pris pour cible, sites archéologiques pillés à grande échelle, et recrudescence notable de ventes illicites en ligne ont été observés”, déplore l’UNESCO dans une manière de rappeler qu’en cette période de crise sanitaire, il est tout aussi important de protéger l’humanité que les vestiges de son passé. 


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