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Le Maroc s’est-il réconcilié avec son passé en matière de droits de l’Homme ?

Le oui et le non se confrontent


Hassan Bentaleb
Mercredi 18 Avril 2018

Explicitation des arguments des uns et des autres

Où en est-on des recommandations du rapport de  l’Instance équité et réconciliation (IER) 13 ans après leur publication ? Qu’en est-il de l’indemnisation financière des victimes, de la régularisation de leur situation administrative et de la réparation communautaire au profit de certaines régions ? Qu’en est-il également des réformes institutionnelles et législatives ? Ce rapport a-t-il réussi à atteindre ses objectifs en matière de promotion de la démocratie, de l’Etat de droit et du respect des droits humains ? Si d’aucuns jugent que ce dossier est désormais clos et qu’il fait partie du passé, d’autres pensent, au contraire, que les questions des disparations forcées, de l’usage disproportionné de la force, des détentions arbitraires ou des réformes juridiques et institutionnelles demeurent un chantier ouvert. L'Instance de suivi des recommandations du 1er Colloque national sur les violations des droits de l'Homme fait partie de ce deuxième camp. Pour les associations regroupées au sein de cette instance, les nombreuses mutations en matière de droits de l'Homme en cours  depuis 2001 et les derniers événements politiques qui ont marqué la scène politique (Hirak du  Rif, Jérada…)  les obligent à évaluer le processus de régularisation du dossier des violations graves des droits de l’Homme  et de marquer une rupture avec ce passé pour que plus jamais cela ne se reproduise. Un colloque international sera organisé, à ce propos,  les jours qui viennent à Marrakech.
« L’AMDH, l’OMDH et le Forum marocain pour la vérité et la justice, qui composent cette instance ainsi que l’Association Adala et l’Observateur marocain des libertés publiques vont rendre compte de ce qui a été fait au niveau de la réparation individuelle et communautaire, des réformes juridiques et institutionnelles, de l’intégration sociale des victimes, de la Stratégie nationale  de lutte contre l’impunité, du principe de lier la responsabilité à la reddition des comptes et de la gouvernance sécuritaire », nous a indiqué Aziz Idamine, expert international en droits de l’Homme. Et de poursuivre : « Le fait d’évaluer ces questions s’impose de lui-même vu que la Loi suprême de 2011 a constitutionalisé  plusieurs recommandations de l’IER. Ceci d’autant plus que le mouvement des droits de l’Homme au Maroc affirme aujourd’hui que plusieurs recommandations et dossiers demeurent  en suspens dont l’adhésion aux deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort et la Convention de Rome. Il y a également les dossiers de la gouvernance sécuritaire et de la  Stratégie nationale de lutte contre l’impunité qui  traînent encore. Il faut, pourtant, préciser que le débat sur l’évaluation de ces recommandations ne date pas d’aujourd’hui. En fait, les préparatifs sont en cours depuis près d’une année et demie. Les divergences concernant certains points de vue ou approches sont responsables du retard qu’a pris l’organisation de ce dossier ».
Notre source estime que son ouverture et l’organisation de ce colloque viennent à point nommé puisque des rumeurs courent depuis peu sur une éventuelle fermeture définitive de ce dossier de la part du CNDH qui, comme chacun le sait, est chargé de suivre l’application des recommandations de l’IER. « Est-ce que ce dossier sera vraiment clos ou restera-il ouvert ? Je pense qu’il demeurera ouvert tant qu’on n’arrivera pas encore à élucider les huit cas de disparations forcées ( Mehdi Benbarka, Houceine El Manouzi, Mohamed Islami….). En fait, ce crime est considéré comme continu et imprescriptible.  D’autant plus, que ce dossier n’est pas la propriété d’un individu ou d’une instance mais de toute la société. Il n’est pas non plus la propriété des seules victimes des violations ou des institutions étatiques », nous a-t-elle expliqué. Et de poursuivre : « Ce dossier ne peut être clos par la  volonté unilatérale d’une seule partie. La création de l’IER a été l’aboutissement d’un processus de consensus et de compromis entre plusieurs acteurs étatiques et non étatiques  et sa fermeture doit respecter le même procédé ».
La question des salafistes djihadistes qui prétendent avoir été victimes de procès inéquitables et  condamnés sera-t-elle évoquée ? « Ce débat ne fait pas partie des points inscrits à l’ordre du jour du  colloque.  La plateforme de celui-ci sera basée sur les recommandations de l’IER. Il y sera tenu compte également du rapport officiel du Conseil consultatif des droits de l'Homme relatif à la mise en œuvre des recommandations de l'IER. D’autres dossiers jugés plus importants seront également discutés même s’ils ne sont pas liés au travail de l’IER, à savoir le cas des victimes qui ont déposé leurs dossiers après l’écoulement des délais impartis ainsi que l’intégration sociale des victimes (questions de la retraite, de la réinsertion sociale, de la maladie…) », nous a déclaré Aziz Idamine.
Et qu’en a-t-il du CNDH ? «  Cette institution sera présente même si ses responsables ont déclaré que ledit Conseil a épuisé tous les moyens juridiques,  financiers et moraux concernant ce dossier. Ceci d’autant plus qu’ils ont déclaré il y a plus de deux ans qu’il allait y avoir publication d’un rapport sur ce dossier mais ce document n’a pas encore vu le jour », nous a précisé notre source. Et de conclure : « Si le CNDH est  incapable d’assumer ses responsabilités, on ne doit pas, pour autant,  abandonner ce dossier. Il faut penser à créer un autre mécanisme national avec des moyens juridiques, politiques et financiers importants afin de garantir la non réédition des violations graves des droits de l'Homme au Maroc ».


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