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Le Maroc ne devrait pas, en toute logique, être concerné par la taxe carbone

Comptant parmi les pays les plus performants au niveau climatique


Libé
Jeudi 24 Juin 2021

Le Royaume risque-t-il réellement de perdre 80 milliards de DH sur ses exportations de voitures vers le marché européen à l’horizon 2023 ?

Le Maroc ne devrait pas, en toute logique, être concerné par la taxe carbone
Le Maroc risque de perdre 80 milliards de DH sur ses exportations de voitures vers le marché européen à l’horizon 2023, a indiqué dernièrement le ministre de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie numérique devant la commission des secteurs productifs à la Chambre des représentants. Et pour cause : la taxe carbone que l’UE compte instaurer sur les produits fabriqués via des énergies fossiles.

« Nous disposons de 250 usines de production de pièces de rechange pour voitures qui assurent 160.000 postes d’emploi et ces unités de production doivent intégrer les énergies renouvelables afin d’éviter le veto européen sur nos produits », a-t-expliqué tout en rappelant que 90% de la totalité de notre production en voitures est exportée vers l’UE. Cependant, les propos du ministre suscitent moult interrogations. En effet, on se demande pourquoi notre ministre tire la sonnette d’alarme concernant une taxe carbone qui ne concerne que les industriels gros consommateurs d’énergie, comme « la sidérurgie, le ciment, la chimie, l’aluminium, les engrais et l'électricité » et dont la mise en place sera progressive dès 2023 et son application intégrale à compter de 2026. A noter que cette mise en œuvre ne sera pas aisée vu que la mise au point des détails risque de susciter de longs débats. Ceci d’autant plus que rien n’a encore été décidé puisque le projet de ladite taxe ne doit être présenté qu’au 14 juillet prochain. Selon certains analystes, cette initiative, derrière ses aspects vertueux, pourrait avoir des répercussions importantes, au point que l'éditorialiste économique au "Monde", Philippe Escande, évoque une possible "bombe économique", a expliqué Jérôme Cristiani dans le site LeTribune. 

On se demande également pourquoi le ministre a ciblé uniquement le secteur de l’industrie automobile. Qu’en est-il des autres secteurs comme l’aéronautique ou le textile à titre d’exemple ou celui de l’électricité qui suscite aujourd’hui, et plus que jamais, débat? En effet, l’électricité exportée depuis le Maroc est produite essentiellement via le charbon qui demeure la principale source de combustible pour la production d'électricité au Maroc avec 54% de la production nationale totale en 2017, selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié en mai dernier. Intitulé « Energy Policies beyond IEA Countries : Morocco 2019 », ce document a précisé également que l’utilisation du charbon a augmenté rapidement depuis le milieu des années 90 pour atteindre les 41% entre 2007 et 2017. Quant à l’électricité produite via le gaz naturel, elle a été introduite en 2004, lorsque le Maroc a commencé à importer du gaz algérien afin d’alimenter ses centrales électriques. Depuis lors, l’énergie produite via le gaz naturel a considérablement augmenté et plus que doublé au cours de la dernière décennie pour atteindre 19% de la production totale en 2017.

L’exportation d’électricité produite à partir des ressources fossiles depuis le Maroc vers l’Espagne a été dernièrement sujet de polémique qui s’est transformée en affaire portée devant la Commission européenne par la ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera. L’instance européenne avait, pour sa part, proposé la taxation de l’électricité produite en dehors de l’UE, ce qui affectera de nombreux autres pays, y compris le Maroc.

Autre question et non des moindres : pourquoi le ministre s’alarme-t-il alors que la prochaine taxe vise en priorité les produits importés « de pays moins regardants sur leurs émissions de gaz à effet de serre » ? Ce qui n’est pas le cas du Maroc qui vient d’être classé au quatrième rang mondial en termes de performance climatique, derrière la Suède, la Grande-Bretagne et le Danemark, selon le rapport de l’Indice de performance climatique de 2021, un outil de surveillance indépendant permettant de suivre les performances des pays en matière de protection du climat. Premier en Afrique et dans le monde arabe, le Maroc doit cette position à sa contribution déterminée au niveau national (NDC), considérée parmi les plus ambitieuses au niveau international grâce à son alignement avec la trajectoire d’un réchauffement climatique de moins de 2°C, conformément à l’Accord de Paris sur le climat ainsi qu’aux efforts déployés dans le cadre de sa stratégie énergétique pour le développement des énergies renouvelables et propres. Le Maroc a reçu également une note élevée pour sa politique climatique internationale. En effet, le fort engagement du Maroc dans le cadre de l'Accord de Paris, sa participation active aux alliances climatiques mondiales ainsi que les initiatives régionales ambitieuses qu’il a lancés lui confèrent un rôle de leadership en matière d'énergie et de durabilité sur le continent africain.

Par ailleurs, le Maroc a honoré tous ses engagements dans le cadre de la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique en matière de reporting notamment en soumettant déjà trois communications nationales et deux rapports biannuels actualisés sur les efforts d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre.

A souligner que ladite taxe s’inscrit dans le cadre du plan Green Deal qui ambitionne de faire de l'Europe le premier continent neutre sur le plan climatique d'ici le milieu du siècle. Cela implique que les 27 Etats membres de l'UE renforcent leurs règles environnementales dans le cadre d'une refonte qui devrait, dans le futur, s'appliquer à tous les domaines, des transports à la production d'énergie en passant par le commerce. Les importateurs de produits fabriqués hors UE devront, si le projet de taxe carbone passe, acheter des certificats numériques représentant chacun une tonne d'émissions de dioxyde de carbone. Le prix des certificats sera indexé au coût des permis sur le marché du carbone de l'Union européenne (UE) et au prix moyen des enchères de chaque semaine. A noter enfin que, depuis le 21 avril dernier et l'adoption par les eurodéputés d'un nouvel objectif climatique ambitieux, les prix du carbone ont bondi, atteignant un niveau inédit de 47 euros la tonne, soit plus du double de son prix d'avril 2020.

Hassan Bentaleb


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