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Le 8 Mars dans le rétroviseur…


Ahmed Saaidi
Vendredi 8 Mars 2019

S.A.R la Princesse Lalla Aïcha le 9 avril 1947 à Tanger.
S.A.R la Princesse Lalla Aïcha le 9 avril 1947 à Tanger.
Il faut toujours profiter du 8 Mars pour donner du temps au temps et attendre le lendemain pour voir s’il va chanter juste et surtout s’il le fera au diapason. Un ami mien qui fut communicant de la seule fédération sportive présidée par une femme, me disait, pince-sans-rire, qu’une journée de la femme n’est rien au regard de la semaine du cheval qui bouclait généralement ses quinze jours sans sourciller. Et de fait, la question féminine doit nous préoccuper l’année durant, tellement sa présence sur toutes les bouches en ce jour ne peut occulter que le chemin de l’égalité et de la parité demeure péniblement long.
Est-ce à dire que rien n’a été fait pour en voir le bout. Que nenni, puisque nombre de mesures, l’ont jalonné. Les égrener en ce jour ne permet rien d’autre que de mesurer le chemin parcouru parfois avec audace, mais souvent en retard par rapport à des pays qui nous sont proches et dont le développement est au même niveau que le nôtre. Et notamment cette Tunisie dont la superficie et les richesses naturelles sont moindres que les nôtres mais qui avait, sitôt l’indépendance acquise, fait œuvre utile en mettant la question féminine et celle de l’enseignement au frontispice de sa politique.
Dès 1957, le défunt président, Habib Bourguiba, avait nettoyé les Ecuries d’Augias que furent les traditions qui inféodaient la femme à l’homme et lancé un vaste programme de modernisation de la société, qui consacrait l’égalité entre les genres, l’interdiction de la polygamie et du port du voile dans les écoles, la reconnaissance du droit de vote aux femmes, la mise en place du planning familial, le droit à l’avortement libre, la gratuité de la pilule, etc.
Quinze ans après, il tentera d’aller plus avant dans sa réforme du statut personnel en mettant en discussion un projet de loi sur l’égalité successorale entre le frère et la sœur. Face à la levée de boucliers qui s’en est suivie, il a fait marche arrière sur cette décision que l’actuel chef de l’Etat, Bejji Caid Essebsi, a adoptée.
Rappeler cela, c’est remettre en mémoire le retard pris par le Maroc dans ce domaine et rappeler que la défunte Moudawana qui date de 1958 était fort rétrograde dans ses dispositions et qu’il a fallu attendre 2004 pour la voir révisée dans le sens d’une plus grande équité à l’endroit de la femme.
Trois décennies de retard ! Et pourtant, notre pays a failli être précurseur en matière d’émancipation de la femme… Feu S.M Mohammed V avait, en effet donné un signal fort en la matière le 9 avril 1947 à Tanger.
En ce jour historique, deux discours fondateurs ont été prononcés. Le premier par le Père de la Nation en faveur de l’indépendance du Maroc et le second par S.A.R la Princesse Lalla Aïcha qui,  habillée à l’européenne, avait centré son allocution sur le droit des femmes et leur rôle dans la lutte de libération.
L’indépendance acquise, ce vœu est resté pieu.
La Commission composée de dix membres chargée d’examiner le premier projet de loi régissant le «Statut personnel et successoral» et son rapporteur général, feu Allal El Fassi, ont, en effet, concocté un projet qui n’allait pas dans le sens de l’histoire et où le renvoi au rite malékite a été expressément consacré par la loi.
Hasard de l’histoire, deux figures emblématiques du parti de l’Istiqlal vont marquer tout ce qui a trait à cette problématique. Outre Allal El Fassi, ce sera Mohamed Boucetta qui présidera au début du siècle dernier la Commission Royale pour la réforme de la Moudawana.
Entre l’adoption du premier et du second texte, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts charriant avec elles les heurs et malheurs de millions de femmes qui malgré les douceurs lénifiantes d’une langue de bois serinée à longueur de journée par les médias et autres personnalités et institutions aux ordres, n’avaient pas baissé les bras, ni hésité à monter au créneau chaque fois que l’occasion se présentait. Et entre autres, à l’occasion de la présentation en 1999 de cet aiguillon que fut le Plan d’action national pour l’intégration de la femme au développement.
D’esprit libéral et démocratique, ce document de 140 pages proposait, entre autres, de modifier certains aspects du Code du statut personnel en accord avec les principes universels de justice et d’égalité. Et là branle-bas de combat. Tant des Oulémas que des femmes.
Résultat : la Moudawana est morte de sa plus belle mort et a donné naissance au Code de la famille qu’il faudra remanier de nouveau pour le mettre au diapason de l’évolution de la société et des dispositions de la Constitution de 2011.
Mais malgré les codes et de la nationalité, l’adoption de l’approche genre dans tous les domaines, la ratification de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la levée des réserves la concernant, la mise en place prochaine de l'Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination, … les discriminations et violations des droits de la femme subsistent encore  aussi  bien  au  niveau des  législations  en  vigueur  qu’au  niveau  des  pratiques et, par ricochet, l’égalité et la parité hommes-femmes demeurent donc loin d’être atteintes.
Mais cette égalité tant réclamée dépend-elle uniquement de la législation ? Que non. Les mentalités aussi doivent changer. Sans cette mutation, il semble presque impossible de lutter contre des  stéréotypes et approches rétrogrades et paternalistes drapés de valeurs socioculturelles et religieuses et, parfois, intériorisées, acceptées et propagées par des femmes qui en sont les seules victimes expiatoires.
La situation n’est donc rose qu’au regard de ceux qui ne voient que le verre à moitié plein. Les autres, ils devront se contenter d’en boire l’imbuvable liquide jusqu’à la lie…
Bonne fête quand même, Mesdames…


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