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Lancement par l'Association Léa pour Samy d'une campagne nationale : 338.000 personnes touchées par l'autisme au Maroc


Hassan Bentaleb
Vendredi 28 Mai 2010

La famille d'Oussama est en fête. Leur fils souffle aujourd'hui sa cinquième bougie.  L''anniversaire est une vraie réussite. Les invités ont l'air contents et leurs enfants le semblent aussi. Ils  dansent, courent et rient avec joie et énergie. Pourtant, Oussama  a l'air ailleurs.  Il paraît indifférent aux autres. Les incitations des enfants à  jouer avec lui ne semblent pas l'intéresser.  Seul dans son coin, il n'a pas arrêté de faire tourner ce vase vide posé devant lui. Sa mère le regarde avec attention et suit ses moindres gestes, car Oussama est autiste. Il ne s'agit pas d'une maladie mais d'un syndrome hétérogène qui  touche le développement de l'être humain dans tous ses composantes essentielles, mais de façon inégale et qui entraîne un déficit permanent des fonctions cognitives, linguistique et psycho-relationnelle.
Oussama a été atteint à l'âge de 2 ans. Ses comportements sont alors devenus bizarres et ses relations avec son entourage de plus en plus difficiles.  Sa mère a fait le tour de tout Casablanca et aucun médecin n'a pas pu diagnostiquer sa  maladie. « J'ai dû partir à l'étranger et c'est là-bas que j'ai appris que mon enfant est autiste », raconte la mère d'Oussama.
Pour elle et pour beaucoup de parents d'enfants autistes, cette maladie a été méconnue, voire ignorée. Pour d'autres, c'est une vraie découverte. « Comme beaucoup de gens, je n'ai jamais entendu parler d'autisme. La seule fois où je me rappelle avoir entendu ce mot, c'était lors du film « Rain Man» avec Dustin Hoffman et Tom Cruise, se souvient-elle.
Mais, une fois la maladie de son fils connue, le coup a été dur à supporter. « Quand, j'ai su que mon enfant est autiste, C'était dur pour moi d'accepter. J'ai refusé d'admettre cette vérité dérangeante et je me suis demandée pourquoi ça ne tombe que sur moi». Pourtant, elle n'était pas la seule à se poser une telle question. Nombreux sont les parents  qui ont du mal à accepter la maladie de leurs enfants et qui s'interrogent sur leur sort. Pour certains d'entre eux, l'autisme est un tabou, une maladie honteuse. Il y a même ceux qui croient qu'il s'agit d'une forme de folie. « Au départ, on refuse de voir la réalité en face, mais avec le temps, on ne peut pas ne pas accepter. On commence à apprendre, à gérer et on s'adapte à notre nouvelle situation ».  
Cependant la tâche n'est pas aisée. Car l'enfant autiste demande une attention particulière et une prise en charge permanente. L'enfant autiste est imprévisible, ses actions et ses agitations peuvent être lourdes de conséquences.  Isolé dans son monde, Oussama a des difficultés à communiquer, à exprimer ses sentiments et ses douleurs.  Il a besoin d'aide et d'une surveillance accrue. Heureusement que sa mère est là. Prête à réagir et à répondre à ses besoins avec amour, patience et abnégation. Car une mère d'enfant autiste est une femme qui souffre énormément mais en silence.  « Nous souffrons d'abord de la frustration car la relation mère-enfant est très dure à établir. Cette relation n'est pas souvent affective, démonstrative. Nous sentons un vide. On attend qu'il saute dans nos bras, à nous faire des bisous, parfois il le fait, mais c'est rare».
Au niveau mondial, l'autisme est devenu un vrai problème de santé publique. On est passé d'une naissance sur 1.000 à une naissance sur 100. Le Maroc est logé à la même enseigne. La part de la population souffrant d'autisme chez nous est estimée à environ 338.000 personnes dont 108.000 enfants et 6.400 naissances par an. Une grande partie d'entre eux est prise en charge exclusivement par leur famille. S'il existe des centres d'accueil, ils sont concentrés dans les grandes métropoles telles que Casablanca et Rabat. Ailleurs, la scolarisation des enfants autistes dépend essentiellement des initiatives privées. «  Quand je suis retournée au Maroc, j'ai fait une cinquantaine d'écoles pour savoir qui pouvait accueillir mon fils. Malheureusement  toutes ces écoles ne prenaient que des enfants « normaux ». Dès qu'un enfant est différent, il est écarté du système éducatif classique. C'est pourquoi nous avons dû, en tant que parents des ces enfants, trouver une association pour les prendre en charge », a déploré la mère d'Oussama. Ceci d'autant plus qu'elle sait que l'autisme ne guérit pas, même s'il y a des traitements qui ont fait leurs preuves pour faire reculer ses symptômes et permettre à l'enfant de se développer.
Pour M'Hammed Sajidi, président de l'Association Léa pour Samy qui organise depuis le 26  mai jusqu'au 6 juin 2010, une campagne sous le signe «Pour vaincre l'autisme au Maroc, on commence maintenant », « seul le dépistage précoce reste le maître mot pour limiter le développement de l'autisme. Plus le dépistage sera précoce, moins les ravages sur le cerveau de l'enfant seront importants. La plasticité cérébrale à la petite enfance permet de compenser les déficiences générées par l'autisme mais le temps est compté». «On ne peut combattre seuls une maladie invisible qui se cache derrière un visage d'enfant, d'apparence normale», ajoute-t-il, avant de préciser qu' « il est indispensable d'alerter l'opinion sur les signes avant-coureurs de cette pathologie, de former les professionnels au dépistage précoce ». Aujourd'hui, le diagnostic médical de l'autisme n'existe pas, car il n'y a aucun marqueur biologique, mais les outils existent pour un diagnostic clinique qui passe par l'observation des comportements de l'enfant », explique-t-il.
Aujourd'hui, dans l'attente de découverte de nouvelles thérapies, l'autisme est pris en charge par des traitements éducatifs qui font reculer ses symptômes et améliorent l'état de santé de l'enfant. Les interventions éducatives spécifiques ont démontré leur efficacité. Elles permettent à l'enfant atteint d'autisme de comprendre son environnement social, de développer ses capacités, de diminuer les comportements incompatibles avec la vie sociale et d'augmenter au maximum son autonomie. Mais le chemin de la guérison semble encore rude et long. Malgré cela, M'Hammed Sajidi garde l'espoir : « Le Maroc est désormais en marche pour se doter des compétences et des outils institutionnalisés, nécessaires pour combattre l'autisme. Pour que ces compétences émergent et répondent aux besoins, des moyens financiers et humains doivent être identifiés, les familles touchées par l'autisme doivent sortir de l'anonymat et s'impliquer ».
Ce que Léa pour Samy fait depuis fort longtemps et fera, dans le cadre de son actuelle campagne qui a été lancée le 26 mai avec la signature d'un partenariat de recherche sur l'autisme avec l'Institut Pasteur de Casablanca. 


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