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La tragédie des Marocains expulsés d’Algérie : La narration comme résistance à l’oubli

Vendredi 25 Avril 2025

La tragédie des Marocains expulsés d’Algérie : La narration comme résistance à l’oubli
L’expulsion des familles d’origine marocaine d’Algérie en 1975 a été au cœur de témoignages et d’ouvrages d’enfants et petits-enfants de personnes déplacées de force, qui ont vécu ce drame et l’ont consigné dans leurs écrits. Des extraits de ces œuvres ont été présentés lors d’une rencontre culturelle dans l’une des grandes salles du SIEL dans le cadre du programme culturel du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger.

Sous le titre «Raconter l’histoire des Marocains d’Algérie», Mohamed Charfaoui, auteur de «La Marche noire», Fatiha Saidi avec «Les Fourmis prédatrices », et le poète et nouvelliste El Hachmi Essalhi, ont évoqué les événements de l’expulsion arbitraire que des familles marocaines ont subie dans des conditions inhumaines. Cette rencontre a été marquée par la présence de nombreuses personnalités culturelles, artistiques, médiatiques et des défenseurs des droits humains.

Au début de la rencontre, Abderrazak El Hannouchi, vice-président du Réseau international de soutien aux familles marocaines expulsées d’Algérie en 1975, est revenu sur le contexte de cette initiative, précisant qu’elle s’inscrit dans un effort pour préserver la mémoire des victimes et lutter contre l’oubli. Il a souligné que cette initiative fait partie d’un programme global, soutenu par le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, visant à maintenir cette cause humaine et juridique vivante, notamment à l’approche du 50e anniversaire de ces événements douloureux.

Les intervenants ont rappelé que l’expulsion s’est produite lors d’un hiver froid et pluvieux, un jour de l’Aïd al-Adha, fête symbolisant la sacralité de la vie humaine. Ils ont dénoncé le fait que, près d’un demi-siècle plus tard, l’Etat algérien refuse toujours de reconnaître sa responsabilité directe dans ce qui est qualifié de crimes contre l’humanité, et continue à entretenir le flou autour de cette tragédie.

Mohamed Charfaoui, qui a vécu l’expulsion avec sa famille, Fatiha Saidi, dont les grands-parents ont été expulsés, et El Hachmi Essalhi, dont la famille a été expulsée alors qu’il était à l’étranger, ont affirmé que l’Algérie avait, sans préavis, expulsé près de 45.000 familles marocaines, toutes résidant légalement sur le territoire algérien depuis des décennies.

Nombre d’entre elles avaient formé des familles mixtes et participé à la guerre de libération contre le colonialisme français – un engagement qui n’a pas suffi à les protéger de cette décision brutale et injuste, en violation flagrante des droits humains.

Des témoignages poignants ont rappelé les scènes d’expulsion, marquées par la peur et la brutalité. Certaines familles n’avaient jamais mis les pieds au Maroc auparavant. En un clin d’œil, elles se sont retrouvées hors de leurs foyers, privées de leurs biens et de leurs droits les plus élémentaires, livrées à des souffrances psychologiques durables. L’Algérie leur a interdit l’accès à leurs biens, les a abandonnées à la frontière marocaine, souvent sans vêtements ni effets personnels.

Pour les survivants, l’écriture est une forme de résistance à l’oubli, d’autant que la majorité de la génération des pères est aujourd’hui disparue sans avoir pu recouvrer ses droits. Le drame de l’expulsion reste une plaie ouverte, d’autant plus douloureuse que de nombreux expulsés avaient contribué à la libération de l’Algérie.

Mohamed Charfaoui a affirmé qu’il avait effacé l’Algérie de sa mémoire pendant trente ans, et que son livre «La Marche noire» lui avait permis une sorte de thérapie, en le réconciliant partiellement avec un passé douloureux.

Malgré les décennies écoulées, la douleur demeure. Certains ont affirmé que cette tragédie n’aurait jamais eu lieu sans le coup d’Etat de Boumédiène, qui a supprimé les figures éclairées de la révolution algérienne.

Les intervenants ont pointé du doigt la responsabilité exclusive des autorités algériennes, notamment celles du Palais d’El Mouradia, dans l’exécution de cette opération qui a violé les principes de bon voisinage et les conventions internationales des droits de l’Homme.

Ils ont appelé à une mobilisation de l’opinion publique internationale, des institutions et ONG pour faire pression sur l’Algérie afin qu’elle reconnaisse sa responsabilité directe et présente des excuses officielles, tout en procédant à des réparations individuelles et collectives.

Le poète El Hachmi Essalhi a rappelé que près de 300.000 personnes, dont de nombreux enfants, ont été expulsées. Il a témoigné du fait que la ville d’Oran, autrefois la plus belle à ses yeux, est devenue la plus laide le jour de leur expulsion.

En conclusion, les participants ont réaffirmé leur engagement à préserver cette mémoire et à revendiquer les droits spoliés, surtout maintenant que la majorité des pères fondateurs de cette mémoire ne sont plus, rendant la bataille pour la reconnaissance  plus cruciale.

Libé

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