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La généralisation des Groupements sanitaires territoriaux, un risque majeur pour le droit à la santé : Réformer sans évaluer
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La mise en œuvre des décrets d’application relatifs aux groupements sanitaires territoriaux, présentée par le gouvernement comme une étape décisive de la refonte du système sanitaire national, agit aujourd’hui comme un révélateur brutal des fragilités d’une méthode contestée et d’une vision qui peine à convaincre.
Le climat social dans le secteur de la santé n’a jamais été aussi tendu depuis le lancement de ce chantier présenté comme structurant. La Coordination syndicale nationale du secteur de la santé, qui regroupe plusieurs organisations représentatives, a choisi de rompre le silence et d’annoncer un programme de protestation progressif à l’échelle nationale. Ce choix n’est ni improvisé ni impulsif, il est le fruit d’un malaise accumulé, nourri par ce que les syndicats décrivent comme un passage en force assumé du gouvernement dans la conduite d’une réforme engageant l’avenir du service public et le destin de milliers de professionnels.
Au cœur de la contestation se trouve une accusation lourde de sens, celle d’une absence totale d’évaluation préalable et d’une marginalisation délibérée des acteurs du terrain. Pour les syndicats, les décrets relatifs aux groupements sanitaires territoriaux ont été adoptés dans les cénacles gouvernementaux sans que les médecins, les infirmiers, les techniciens et les administratifs n’aient été associés à la réflexion, alors même qu’ils seront les premiers à en subir les conséquences. Cette manière de faire, dénoncée comme une fuite en avant, alimente un sentiment d’incertitude profonde et fragilise la confiance déjà érodée entre le gouvernement et les professionnels de la santé.
La colère s’exprime désormais au grand jour à travers un calendrier de mobilisation qui s’annonce lourd de conséquences pour le fonctionnement du secteur. Des sit-in sont prévus dans l’ensemble des établissements de santé, suivis d’un rassemblement national devant le Parlement à Rabat, symbole fort d’une interpellation directe du pouvoir législatif et exécutif. A cela s’ajoute la décision de suspendre toute participation aux programmes institutionnels et de boycotter les réunions avec le ministère de la Santé et les organismes qui lui sont rattachés, avant d’atteindre l’ultime étape avec une grève nationale générale, à l’exception des services d’urgence, signe que les syndicats entendent alerter sans mettre en péril la vie des citoyens.
Cette mobilisation trouve son origine immédiate dans les déclarations du porte-parole du gouvernement, qui a qualifié de réussie l’expérience du groupement sanitaire territorial de la région de Tanger. Une affirmation que la Coordination syndicale juge pour le moins hâtive, voire déconnectée de toute rigueur méthodologique. Comment parler de réussite alors que l’expérimentation n’a pas encore atteint sa maturité et qu’aucune évaluation indépendante et transparente n’a été menée, ni pour cette expérience pilote ni pour celles des agences concernées. Les syndicats posent une question simple mais fondamentale, sur quels indicateurs objectifs se fonde cette autosatisfaction officielle, alors que ni les citoyens ni les professionnels n’ont constaté d’amélioration tangible des services rendus ?
Au contraire, le tableau dressé par les acteurs du terrain est sombre et sans concession. Les dysfonctionnements persistent, les délais d’attente s’allongent, le manque de ressources humaines et matérielles demeure criant et le moral des professionnels s’effrite sous le poids de l’incertitude et du flou statutaire. La réforme, telle qu’elle est conduite, est perçue non comme une réponse aux besoins sanitaires réels de la population, mais comme une construction technocratique déconnectée des urgences sociales et territoriales du pays.
Dans cette lecture critique, la réforme des groupements sanitaires territoriaux semble s’inscrire davantage dans une logique de contrôle et de recentralisation que dans une dynamique de démocratisation et d’amélioration du service public. L’abandon de l’approche participative, pourtant érigée en principe cardinal des grandes réformes publiques, est vécu comme une régression inquiétante. Décider sans consulter, imposer sans expliquer, généraliser sans évaluer, voilà les griefs qui reviennent avec insistance dans le discours syndical.
A cette méthode contestée s’ajoute le non respect des engagements antérieurs. Les accords conclus avec les partenaires sociaux, notamment ceux actés lors de l’accord de juillet dernier, restent lettre morte. Les décrets promis, en particulier ceux relatifs à la fonction publique sanitaire, à la mobilité, à la part variable des salaires, aux indemnités pour les zones difficiles et aux nouvelles compensations annoncées, tardent à voir le jour. Ce retard alimente un sentiment de mépris et renforce l’idée que la réforme avance à sens unique, sans contrepartie pour ceux qui en assurent la mise en œuvre quotidienne.
Dans un pays où la santé est un droit constitutionnel et non une variable d’ajustement politique, cette situation interroge profondément. Peut-on réformer durablement un secteur aussi vital sans l’adhésion de ses forces vives, sans un diagnostic partagé et sans une vision claire au service de l’intérêt général ? La réponse, pour les syndicats comme pour une large frange de l’opinion publique, est sans équivoque.
L’appel lancé par la Coordination syndicale à l’ensemble des professionnels du secteur se veut à la fois un cri d’alarme et un acte de responsabilité. Il s’agit, selon leurs termes, de redresser le système de santé public, de défendre les droits des travailleurs et de préserver ceux des citoyens, en refusant une réforme imposée, opaque et potentiellement déstabilisatrice. Dans ce combat, l’opposition ittihadie trouve un terrain naturel d’expression, fidèle à sa vocation historique de défense des services publics, de justice sociale et de gouvernance démocratique.
A l’heure où le Maroc est confronté à des défis sanitaires majeurs, aggravés par les inégalités territoriales et sociales, la réforme du système de santé ne peut se permettre ni l’improvisation ni l’arrogance. Elle exige écoute, humilité et courage politique. A défaut, elle risque de creuser davantage le fossé entre les institutions et les citoyens, et de transformer une promesse de modernisation en une source durable de fracture sociale.
Adam Ali











