
«Ce qui s’est passé ces derniers jours constitue la fin de la lune de miel entre l’armée et de nombreux Egyptiens», ajoute-t-il. Selon un diplomate occidental, ce qui est en jeu, pour l’armée, se résume à la défense de trois types d’intérêts particuliers. Les généraux, le seul pilier du régime de Moubarak à avoir survécu à son départ, veulent tout d’abord la garantie qu’ils ne finiront pas dans un tribunal comme l’ex-raïs.Ils entendent aussi préserver les tentaculaires intérêts économiques de l’armée, qui vont des usines d’armement à la production de biens ménagers. Enfin, ils veulent maintenir les privilèges et le statut de l’armée. «Quitter le pouvoir serait le meilleur moyen de préserver ces intérêts, mais quitter le pouvoir sans les bonnes garanties exposerait ces intérêts. C’est leur gros problème: leurs intérêts seront toujours vulnérables», poursuit ce diplomate. Depuis samedi, la foule réunie place Tahrir réclame le départ du maréchal Mohamed Hussein Tantaoui. «Tantaoui = Moubarak», peut-on lire sur de nombreux murs du Caire. Celui qui dirige le Conseil suprême des forces armées (CSFA) fut pendant vingt ans le ministre de la Défense de Moubarak. L’armée affirme qu’elle n’a pas voulu déloger les manifestants de la place Tahrir, mais simplement protéger le bâtiment voisin du ministère de l’Intérieur. Les généraux ajoutent qu’ils s’en tiennent au calendrier de la transition, dont les législatives qui doivent débuter lundi prochain sont la première étape. L’élection présidentielle ne devrait pas intervenir avant la fin de l’année prochaine ou le début 2013. Mais les appels à une accélération du processus se font entendre de plus en plus fort. Responsables politiques et mouvements activistes qui furent en pointe pendant les journées révolutionnaires exigent que le scrutin présidentiel soit organisé dès avril, dans la foulée des élections parlementaires.
L’armée, pour l’heure, ne dévie pas de son calendrier. «L’armée n’interviendra pas dans les manifestations de Tahrir pas plus que les élections ne seront différées. Les violences et le chaos disparaîtront par eux-mêmes, progressivement», dit un officier. Reste que les images de policiers soutenus par l’armée chargeant et matraquant des manifestants place Tahrir ont ravivé les sombres souvenirs de la révolution qui a balayé Hosni Moubarak l’hiver dernier. «Juste après l’éviction de Moubarak, nous avions tous le sentiment que le Conseil militaire nous soutenait et nous protégeait. Mais les morts et les blessés de ces jours-ci, sur lesquels l’armée ferme les yeux, montrent qu’ils sont complices», dit Ahmed Hassan, 26 ans.