La mue écologique du 7ème art


Chady Chaabi
Lundi 13 Juillet 2020

Industrie extrêmement polluante, le cinéma tente de se racheter une conscience environnementale

La mue écologique du 7ème art
Rassurez-vous, notre intention n’est surtout pas de remuer le couteau dans la plaie des cinéphiles frustrés par l’impossibilité d’accéder aux salles de cinéma du Royaume à cause de la crise sanitaire du coronavirus. Mais on ne peut pas non plus faire comme si le 7ème art avait disparu du paysage. D’autant que les initiatives visant à entretenir la flamme et le maintenir sur le devant de la scène ne manquent pas. On pense notamment à la 9ème édition de la Nuit blanche cinéma et droits humains. Organisée par l’Association des rencontres méditerranéennes du cinéma et des droits de l’Homme, (ARMCDH), cette veillée du cinéma se déroulera en ligne, les 17 et 18 juillet prochains, et sera accessible à toutes et à tous après inscription sur le site de l’ARMCDH. Ce sera l’occasion idoine pour les cinéphiles de retrouver partiellement, le temps d’une nuit, les émotions et l’ambiance des salles de cinéma, en grignotant du popcorn-raisin, dans une sombre pièce uniquement éclairée par le chef opérateur des films à l’affiche. 
L’industrie audiovisuelle produit au moins 1 million de tonnes de CO2
D’ailleurs au vu de l’alléchant programme qui vous attend, à consulter sur le site web de l’association, autant vous dire qu’il n’y aura pas de place à l’ennui. Et la thématique du Droit à l’environnement choisie par les organisateurs rend les choses encore plus intéressantes. L’ARMCDH, créée en 2010 pour promouvoir la culture des droits de l’Homme à travers le cinéma, est convaincue que le cinéma peut agir sur l’environnement. Mais est-ce vraiment le cas ? Le 7ème art possède-t-il un tel pouvoir ? Les choses ne sont pas aussi simples que cela. L’industrie cinématographique n’est pas exempte de tout reproche. Si l’on en croit un récent rapport d’Eco Prod, l’industrie audiovisuelle produit un million de tonnes de CO2. En 2006, une étude de l’UCLA avait établi qu’à l’exception du pétrole, l’impact environnemental de l’industrie cinématographique sur la pollution de l’air de Los Angeles était plus important, de manière proportionnelle à la taille du secteur, que celui de la plupart des autres grandes industries, dont l’aérospatiale, l’habillement et le secteur hôtelier. 
Construction de décors souvent 
détruits par la suite

Si vous avez du mal à accepter un tel constat, ce qui suit va finir par vous convaincre. Il faut savoir que les tournages polluent. Et pas qu’un peu. Ils constituent un quart de la quantité totale d’émissions de CO2 produits par l’industrie du cinéma. Car le tournage implique forcément la construction de décors souvent détruits par la suite, comme ce fut le cas pour le paquebot du film Titanic. D’une taille dépassant les 230 mètres, il a été construit au Mexique, dans un bassin de 65 millions de litres d’eau. Bonjour le gaspillage. A cela, s’ajoute également une énorme consommation d’électricité puisque l’éclairage est une composante essentielle du cinéma, de jour comme de nuit. Sans parler du transport des équipes et des décors, ou encore des déchets produits pour nourrir tout ce beau monde. 
Le cinéma-impact, un marché 
de niche inépuisable

Dès lors, le cinéma a éprouvé la nécessité de s'interroger sur son empreinte écologique. Ce n’est qu’à partir de la dernière décennie que l’on a commencé à observer une mode qui fait son chemin, en l’occurrence dans les pays anglo-saxons : la mode des films se voulant porteurs d'impact social et environnemental. Pour les spécialistes, on est face à un marché de niche du documentaire et de la fiction inépuisable. L’une des productions les plus marquantes est le documentaire d’Al Gore «Une vérité qui dérange» ainsi que le film d'Edouard Bergeon «Au nom de la terre» qui a réuni pas moins de 1.970.000 spectateurs, tous émus par les conditions de vie des agriculteurs et leur mal-être face aux nécessités de changer le modèle de l'agriculture intensive. 
Donc finalement, le cinéma a bel et bien le pouvoir de mobiliser les consciences et modifier certains comportements. Et cette mode des films véhiculant des messages environnementaux ne risque pas de s’estomper de sitôt car elle est lucrative à souhait. «Au nom de la terre» a rapporté 14,7 millions de dollars de recettes. 
Pour le film «Demain», ce fut 11 millions de dollars de recettes. Ce n’est donc pas une surprise si les règles d’attribution du César du public, nouveau prix depuis deux ans, ont été repensées pour récompenser un film ayant suscité le plus d'intérêt ou d'engagement de la part des spectateurs, plutôt que le nombre d'entrées. Une manière de surfer sur la vague du «cinéma à impact» mais aussi, quelque part, de se racheter une conscience. 


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