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La migration irrégulière a un coût

Tant de dettes dont il faut s'acquitter


Hassan Bentaleb
Mardi 16 Février 2021

La migration irrégulière coûte de plus en plus cher. Elle est également la cause de l'endettement de plusieurs candidats à l’immigration qui contractent des emprunts et s’endettent auprès de leurs parents et amis pour financer leur voyage. Selon une récente étude de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’endettement touche 68% des migrants de retour dans six pays d’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Sénégal et Gambie) avec une moyenne de près de 511 euros de dettes par migrant. Au total, le montant estimé de l’endettement de l’ensemble des rapatriés des six pays étudiés peut atteindre 15 millions d’euros, soit l’équivalent de près de 10% de l’ensemble des transferts de fonds envoyés au Mali par les migrants installés en France. La famille reste le principal pourvoyeur des fonds destinés à financer le projet migratoire avec plus de la moitié des prêts réalisés auprès de la famille, suivie par les amis et les proches, qui représentent 41% des prêts. Ladite étude souligne, en outre, que quelques disparités existent entre les pays en termes de profil des migrants de retour endettés. C’est notamment le cas de la Guinée, où les migrants endettés sont plus jeunes, ou de la Côte d’Ivoire qui compte plus de femmes. Toutefois, la majorité des migrants de retour qui sont endettés sont âgés de moins de 35 ans et sont chefs de ménage. Plus d’un tiers d’entre eux sont sans emploi. Enfin, bien que principalement célibataires, 70% des migrants de retour endettés déclarent des personnes à charge, précise l’étude. Sur un autre registre, l’étude de l’OIM a indiqué que près de 60% des prêts n’ont pas été remboursés et que seulement un quart d'entre eux l’a été tout en relevant que la fréquence de remboursement des emprunts reste irrégulière. De plus, ajoute l’étude, le fait d’emprunter de l’argent pour émigrer et d’être ensuite incapable de le rembourser peut représenter un danger physique palpable pour les migrants et leurs familles. Selon l’OIM, un migrant de retour endetté sur cinq a déclaré avoir été menacé, maltraité ou soumis à des actes de violence pour le forcer à rembourser ses dettes. Près de 8% d’entre eux ont même admis avoir été physiquement agressés par leurs créanciers. «Un rapatrié au Mali a déclaré avoir perdu l’usage de sa jambe gauche après avoir subi une blessure par une balle tirée par un prêteur», note l’OIM. Un tel retour au pays dans un état encore «plus précaire qu’avant le départ», peut finalement constituer un échec pour les familles. «Cela a des conséquences durables sur la réintégration socioéconomique des rapatriés», a déclaré Sokhna Sy, responsable de recherche au Bureau régional de l’OIM en Afrique de l’Ouest et du Centre. A noter que plus des deux tiers des migrants endettés considèrent que cette situation impacte négativement leur quotidien. Sur le plan personnel, beaucoup de personnes interrogées ont fait état de sentiments d’anxiété, d’échec, d’isolement social et de peur de ne pas pouvoir honorer leurs engagements. 12% des migrants de retour endettés envisagent même d'émigrer à nouveau pour rembourser leurs dettes. Pour Omar Naji, militant des droits de l’Homme et spécialiste des questions migratoires, les résultats de cette étude suscitent des doutes concernant ses vrais motifs. Pour lui, il s’agit bien d’une étude orientée dont l’objectif est de dissuader les jeunes Africains à migrer. «Le Maroc est le point de passage des Subsahariens vers l’Europe et ce passage a été gratuit. En fait, les candidats à la migration irrégulière arrivent souvent à pied au Maroc jusqu’à Nador et de là, ils passent la barrière séparant le Royaume des présides occupés. Mais dès 2015, ce passage gratuit est devenu payant vu le renforcement des contrôles. En effet, le Maroc et l’Espagne ont procédé à la construction d’une 4ème barrière et au creusement de fossés ainsi qu’à l’installation des caméras, ce qui a rendu toute tentative de franchissement des barrières difficile, voire dangereuse», nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : «En conséquence, si le nombre des tentatives a chuté, le durcissement des contrôles a amplifié les tentatives de passage payants par la mer en ayant recours à des trafiquants ou des réseaux de trafic humain. Autrement dit, le passage d’une migration gratuite à celle qui ne l'est pas est la conséquence directe de politiques migratoires européennes qui ont rendu ces tentatives plus meurtrières». Notre interlocuteur estime que cette transformation a également modifié le profil des candidats à la migration et elle a encouragé l’émergence des réseaux de trafiquants. «Auparavant, nous avions eu affaire à des candidats pauvres qui tentaient leur chance grâce à leur force physique. Mais, depuis 2015, ce sont des individus qui font partie des classes moyennes et qui disposent des moyens financiers nécessaires qui font le déplacement vers le Maroc. Certains arrivent en avion ou passent par la Mauritanie en payant des trafiquants appartenant à des réseaux transnationaux. En fait, la migration vers l’Europe coûte cher. Il faut payer entre 2.000 à 4.000 euros et seuls ceux qui en ont les moyens peuvent partir vers l’Europe», a-t-il conclu. 


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