La marchandisation de l’enseignement supérieur ne passera pas : Le non solennel de la justice


Adam Ali
Vendredi 5 Décembre 2025

La marchandisation de l’enseignement supérieur ne passera pas : Le non solennel de la justice
Dans les salles d’audience où se façonne l’avenir des droits fondamentaux des Marocains, le jugement rendu par le tribunal administratif d’Oujda, le mercredi 3 décembre courant, résonne comme un rappel puissant. Il rappelle que l’enseignement supérieur n’est pas une faveur ponctuelle ni un privilège réservé à ceux qui peuvent payer. Il est un droit constitutionnel, inscrit dans la conscience collective et garanti par la loi. En ordonnant la suspension immédiate de la décision de l’Université Mohammed 1er d’imposer des frais d’inscription au cycle doctoral pour les salariés, les fonctionnaires et les employés, la justice vient de tracer une ligne nette entre ce qui relève de la gestion administrative et ce qui touche à l’essence même de l’égalité sociale.

Cette décision, portée par une motivation juridique limpide, ne se limite pas à corriger un excès administratif. Elle remet les pendules à l’heure dans un contexte où certains établissements avaient commencé à tester les limites du silence législatif pour imposer des charges financières sans fondement légal. La cour a rappelé avec fermeté que l’administration, quelle qu’elle soit, reste tenue par la légalité. Aucune urgence budgétaire, aucune interprétation hasardeuse du cadre réglementaire ne peut justifier la création de frais contraires aux obligations constitutionnelles. En suspendant l’exécution du texte contesté avec effet immédiat, le tribunal affirme que la loi n’attend pas et que la protection des droits ne peut être reléguée à plus tard.

Au cœur de la motivation judiciaire se trouve un principe simple. Le droit à l’enseignement. Le droit à l’égalité des chances. Le droit à une ascension sociale qui ne soit pas conditionnée par la solvabilité, mais par la volonté, la compétence et l’effort. En se référant explicitement à la Constitution et au chapitre où le droit à un enseignement moderne, accessible et de qualité est qualifié d’obligation nationale, la décision judiciaire replace le débat dans son cadre naturel. Celui d’un État qui s’est engagé à garantir l’accès universel au savoir.

Ce jugement n’est pas tombé dans un vide politique ou social. Il intervient au cœur d’une tempête nationale où plusieurs universités ont tenté d’imposer des frais de doctorat aux étudiants salariés, suscitant un vent de protestation nourri, particulièrement dans le nord du pays. À l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, les étudiants avaient déjà lancé un cri d’alarme. Ils dénonçaient des pratiques qu’ils qualifiaient de contraires à la légalité, soulignant l’incompatibilité de ces frais avec les orientations Royales, avec la philosophie même de la loi cadre 51.18 et avec les dispositions constitutionnelles qui protègent l’égalité et la non discrimination.

Les protestataires avaient mis en lumière un autre problème. L’effet rétroactif de ces décisions. Alors que des dossiers avaient été déposés et acceptés via les plateformes officielles, la décision de facturer les inscriptions est tombée sans préavis, révélant une gestion administrative confuse, improvisée et déconnectée des préoccupations réelles des étudiants qui tentent, souvent en travaillant, de poursuivre un projet doctoral exigeant. Leur indignation traduisait un malaise profond face à ce qui ressemblait à un recul inquiétant de l’accès à l’enseignement supérieur.

Dans ce paysage tendu, la décision du tribunal administratif d’Oujda apparaît comme une boussole. Elle montre la voie d’un État de droit qui ne tolère pas la précipitation, ni l’arbitraire. Elle offre aux étudiants concernés, souvent parents, souvent engagés dans la vie professionnelle et souvent porteurs de projets de recherche sérieux, la possibilité de poursuivre leur parcours sans que des obstacles financiers injustifiés ne viennent briser leurs ambitions.

Le soulagement exprimé par de nombreux étudiants à la sortie du jugement n’est pas seulement personnel. Il est politique. Il est social. Il est symbolique. Il confirme que la vigilance judiciaire demeure un rempart essentiel dans un moment où les pressions budgétaires pourraient pousser certains établissements à expérimenter des solutions faciles, au détriment des valeurs fondamentales du pays.

Plusieurs étudiants, notamment à Martil, saluent un jugement qui renforce leur position, celle d’un refus ferme des frais imposés et d’un engagement renouvelé à défendre le caractère gratuit de l’inscription doctorale. Ils exigent désormais un retrait clair et définitif des mesures contestées et affirment leur détermination à poursuivre la lutte, que ce soit par les voies juridiques ou par la mobilisation collective.

Cette affaire dépasse la postureadministrative d’un simple frais d’inscription. Elle ouvre un débat national sur la vision que nous voulons pour l’enseignement supérieur dans le Maroc de demain. Un enseignement ouvert, inclusif, accessible à tous sans distinction de rang social. Un enseignement qui ne devienne jamais un produit marchand soumis aux aléas des stratégies financières internes. Un enseignement qui porte la promesse d’une société plus juste, plus équilibrée et plus cohérente avec les principes inscrits dans la Constitution.

En rendant ce jugement, le tribunal administratif d’Oujda a rappelé une vérité essentielle. L’éducation n’est pas un luxe. Elle est l’ossature du Royaume et l’un des rares biens qui enrichissent la nation même lorsqu’ils sont gratuits. Toute tentative de la restreindre rencontrera, tôt ou tard, la résistance d’une société attachée à sa dignité et la rigueur d’un pouvoir judiciaire vigilant.

Au-delà des débats techniques, cette décision incarne une victoire du droit sur l’arbitraire. Une victoire de la raison sur l’improvisation. Une victoire des valeurs sur les calculs. Elle marque un moment fort pour des milliers d’étudiants et un signal clair envoyé à toutes les institutions du pays. L’enseignement supérieur ne deviendra pas un terrain d’expérimentation tarifaire et la justice demeurera présente chaque fois que l’un des droits essentiels des Marocains sera menacé.

Dans un Maroc qui aspire à l’équité, cette décision est un engagement renouvelé à défendre la dignité académique et sociale de chaque citoyen. C’est aussi une preuve que l’opposition ittihadie, vigilante et responsable, a eu raison de tirer la sonnette d’alarme dès les premiers signes de dérive. Le débat se poursuit, mais une chose est sûre. Avec ce jugement, l’idée d’un enseignement payant pour les doctorants salariés vient de subir un coup sévère. Et c’est la démocratie, une fois encore, qui en sort grandie.

Adam Ali


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