Quand l’écriture devient… déversoir !
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En se penchant sur cette frange de la population, souvent exclue de la modernité, il dénonce les injustices inhérentes au sous-développement qui entachent la société marocaine : marginalisation des zones rurales, inégalités sociales, abus de pouvoir, népotisme, corruption, combines auxquelles ont recours les petites gens pour survivre, et bien sûr, un problème de taille : l’islamisme. Bref, tous les ingrédients pour produire une bonne fiction sont réunis.
D’où vient que ce roman ne nous émeut pas ?
Les événements de ce récit se déroulent pour l’essentiel dans une maison traditionnelle de la Medina de Marrakech : Dar Louriki. On y trouve des étudiants islamistes, des berbères chassées de leur village par la misère, un fqih retors, des femmes mystérieuses…Des personnages prometteurs en somme.
Néanmoins, le lecteur découvre très vite que l’auteur a repris, très maladroitement du reste- «l’Immeuble Yacobian» d’Alaâ El Aswany et qu’il a puisé dans « Ce que le jour doit à la nuit » de Yasmina Khadra, notamment lorsqu’il relate comment la chambre qui abritait les deux amants a été incendiée par ceux qui combattent la luxure au nom d’un islam vindicatif.
Certes de nombreux romanciers s’inspirent de leurs prédécesseurs, d’un mythe ou d’un fait-divers. Mais sublimant leur emprunt, lis lui donnent une dimension très personnelle marquant leur époque d’une empreinte indélébile contrairement à Mohamed Nedali qui s’est contenté d’imiter et de mal imiter, sans innover, et là nous nous opposons à My Seddik Rabbaj qui a fait un commentaire très élogieux du roman de Mohamed Nedali .
S’acharnant à copier, entre autres , les écrivains du XIXème siècle, ce dernier s’est enlisé dans des descriptions fastidieuses et maladroites, éparpillant le récit dans tous les sens. Le lecteur, en effet, ne comprend pas très bien pourquoi il s’empêtre dans la narration des malheurs d’Idar et de son frère avec force détails, consacrant presque la moitié du récit à cet étalage, pour revenir à Dar Louriki.
D’autre part, les personnages de Mohamed Nedali n’ont ni la consistance d’un Jacques Lautier, ni la complexité d’un Rastignac, ni la subtilité d’un Zaki Bey, ni l’authenticité d’un Driss Chraibi. Ils répondent à des stéréotypes qui rappellent certains films ou feuilletons catégorie D : « intégristes à la barbe descendant jusqu’au pubis », « fqih libidineux », étudiants miséreux, femmes objet…Toutes ces marionnettes dépourvues d’intérêt ne nous interpellent guère car peu crédibles. Peut-on croire qu’une réceptionniste dans un grand hôtel, qui s’habille avec élégance, utilise des parfums de luxe se jette dans les bras d’un campagnard désargenté ? Peut-on imaginer qu’une femme se fasse violer pendant que des badauds se repaissent du spectacle ? Peut-on concevoir enfin qu’un intégriste embrigade en un tour de main tous les habitants de Dar Louriki distribuant de l’argent à qui veut le prendre ?
Alors que les écrivains tels que Najib Mahfoud, A.El Aswany, Zola, Driss Chraibi peignent les tares de leur société et les souffrances de leurs contemporains sans parti pris en offrant au peuple la chance de s’exprimer et au lecteur l’occasion de s’interroger sur la condition humaine (n’est-ce pas là l’objectif premier de toute œuvre littéraire?), M.N. privillégie la caricature et tombe dans le piège du jugement facile et de la généralisation simpliste : « Tous les barbus rasent les murs », « Les Marrakchis sont une engeance parfaitement rompue à l’art de la raillerie », « Les chauffeurs de taxi sont une engeance lubrique et salace », « Tous les Arabes de ce pays… ».
Toutefois, ce qui choque et agace le plus le lecteur, c’est l’image dégradante et dépassée de l’être humain en général et de la femme en particulier que M.N. véhicule dans son roman : « La croupe », « Les jambes », « La poitrine », c’est ce que le narrateur retient de la femme qui est réduite à un corps « plantureux », à des « chairs appétissantes », à un « festin », un « gibier », une « proie » destinés à satisfaire les instincts les plus bas de l’homme. En somme tous les hommes sont des « bêtes en rut », des « prédateurs » incapables de maîtriser leurs pulsions et les femmes des femelles qui attendent qu’on les « besogne». Il est indiscutable que pour un psychanalyste, ce lexique avilissant ne serait que l’expression de frustrations et de fantasmes très personnels de l’auteur.
Multipliant les fautes de langue (lorsque par exemple il emploie pour Laila et Idar couple adult’rins alors qu’ils ne sont pas mariés), énonçant de fausses vérités (La sourate d’Annaba n’est jamais lue après la conclusion d’un mariage comme l’avance M.N., se complaisant dans une ironie facile et répétitive frisant l’indécence voire la vulgarité (accouplements bestiaux de certains personnages), usant et abusant de clichés « L’oued de la vie », tournant en dérision des sujets qui exigent une certaine pudeur (conflit au Proche-Orient), confondant certaines notions (M.N. donne une fausse explication des termes Moumin et Muslim) induisant en erreur ainsi le lecteur étranger, M.N. atteint un objectif qu’il ne s’était pas fixé : ennuyer sérieusement le lecteur.
Aborder donc des thèmes racoleurs tels que l’intégrisme (encore faut-il s’interroger sur un thème trop souvent galvaudé !) ou le misérabilisme afin de séduire un lectorat en mal d’exotisme, ne suffit pas à compenser le manque de talent, plagier des monuments littéraires ne suffit pas à produire un écrivain.