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Dessiné en 1916 par l'architecte Hubert Bride face au Marché Central, ce joyau de l’architecture néo-mauresque fait partie des repères incontournables de la capitale économique du Royaume puisqu’il a été à l’origine de l’organisation de l’ensemble du tissu urbain du Boulevard de la Gare (actuellement Bd Mohammed V) et a servi de modèle à nombre des immeubles qui le bordent.
Erigé au début du 20ème siècle sur une superficie de 2.800 m2, ce beau bâtiment haut de près de 20 mètres, compte trois étages, un pavillon central surélevé, 60 appartements, un sous-sol et une galerie commerciale. Ses façades latérales donnent sur les actuelles rues Abdelkrim El Mediouni et Ibn Battouta.
Il a été édifié à l’aube des Années folles, dans un Casablanca cosmopolite en pleine ébullition, considéré alors comme un laboratoire urbanistique d’avant-garde et un lieu d’expérimentation et de rencontre des maîtres d’œuvre les plus audacieux. Il est aussi et surtout, un témoin essentiel du patrimoine néo-mauresque et Art déco de la capitale économique et, cerise sur le gâteau, c’est le premier urbaniste en chef du Protectorat, Henri Prost qui a suivi personnellement la construction de ce bâtiment dont les hauteurs sous plafonds sont fort généreuses. Elles vont de 5,45 m pour le rez-de-chaussée, à 3,70 m pour les étages, ce qui donne une hauteur totale de 19m20.
Cet édifice qui a été construit selon les techniques répandues durant les années 10 et 20 comporte, selon le règlement urbanistique de 1915, une galerie piétonne de 5 m de large, le long de l’actuel Bd Mohammed V.
En 1989, le plancher d'une chambre de l'hôtel Lincoln qui occupe une partie importante de cet immeuble s'est effondré, causant la mort de deux personnes et faisant plusieurs blessés. Du coup, c'est tout le complexe immobilier qui a été vidé de ses occupants, après qu'une autre partie de l'édifice s’est effondrée et que la longue décrépitude de ce joyau architectural a commencé.
Les raisons de l’effondrement seraient de différents ordres. L’immeuble est construit en calcarénite poreuse, donc perméable, et ses planchers sont en simple terre, damée sur des briques creuses, disposées en voûtains et s’appuyant sur des poutrelles métalliques. L’édifice qui n’était protégé par aucune étanchéité et dont le réseau de plomberie fuyait en plusieurs endroits s’est lentement dégradé.
Lors de la rupture des planchers, les poutrelles métalliques et les murs porteurs sont demeurés stables à leur place. Seuls les entrevous se sont effondrés. Le problème a été accentué, sur une longue période, par la vétusté de l’immeuble et le manque patent d’entretien.
De fragile, l’édifice est donc devenu instable. La disparition des planchers de la partie ouest a déstabilisé l’ensemble des structures de l’immeuble. Avant l’effondrement des planchers, les murs porteurs étaient stabilisés par leurs attaches à ces mêmes planchers. Après disparition de ces derniers, les murs se sont dénudés sur toute la hauteur de l’immeuble.
De nouveaux problèmes de traction et de cisaillement sont alors apparus. La construction s’est retrouvée considérablement fragilisée (surtout du côté hôtel Lincoln). Sa dégradation a été d’autant plus rapide et intense en raison du climat semi-aride et de l’exposition alternée à la pluie et au soleil. L’humidité ambiante a accentué la corrosion de l’édifice. Et le reste à l’encan puisque le long litige opposant le Conseil de la ville au propriétaire n’a nullement permis de mettre fin à la lente décrépitude du bâtiment malgré le fait qu’il ait fini par être classé sans, pour autant, bénéficier des fonds nécessaires à sa sauvegarde.
Il n’est donc nullement étonnant que, tel un navire en perdition, il ait continué à sombrer lentement, mais sûrement. Et avec lui, tous les vœux pieux qui avaient accompagné la lutte épique pour sa sauvegarde. Une opération qui aurait dû faire diligence et aller à l’essentiel. Ceci d’autant plus que le Conseil régional des architectes de Casablanca avait bénévolement et gratuitement réalisé nombre d’études qui sont restées lettre morte.
La déclaration faite à la presse par le directeur régional du ministère de la Culture de Casablanca, n’en est donc que plus incongrue, vu que ce département n’a nullement assumé ses responsabilités en la matière. Rappelant que le sinistre qui vient de se produire interpellait tous les intervenants dans le domaine du patrimoine culturel puisque le risque de disparition de tels «bijoux architecturaux», qui témoignent d'une période de l'histoire du pays, se fait de plus en plus ressentir, d'où l'«urgente nécessité» de conjuguer les efforts de tous pour préserver cette richesse nationale. Ce haut responsable s’est, en outre, contenté de déplorer que ce bâtiment soit une propriété privée.
Quant au coordinateur des divisions de l'aménagement urbain et de l'habitat au Conseil de la ville, il a souligné que l'altération et l'effondrement de ce bâtiment imposent de trouver des solutions efficaces et radicales à ce problème. Lesquelles existent, mais nécessitent néanmoins que les moyens financiers et techniques idoines soient mobilisés.
C’est ce que tout le monde ne cesse de réclamer depuis une vingtaine d’années. Sans résultats puisque, ni le ministère de la Culture, ni la commune de Casablanca ne veulent mettre la main à la poche.