La création naïve au Maroc en deuil


ABDALLAH CHEIKH
Vendredi 13 Novembre 2009

L’artiste peintre oniriste Benhila Regraguia, «  l’artiste  peintre  naïvéiste   à plusieurs facettes » comme il plaisait aux critiques de la qualifier, n’est plus. Elle  s’est éteinte à Essaouira lundi, à l’âge  de  69 ans, suite à une  longue maladie. C’est dans son atelier à  Hrarta dans la région  d’Essaouira  que la mort l’a happée. Artiste singulière d’Essaouira, la défunte était connue pour son parcours original et ses sensibles contributions sociales et culturelles, en plus de ses actions pour l’esprit du dialogue interculturel : «...La défunte Regraguia Benhila était une authentique artiste peintre, mais pas seulement peintre dans le sens de l’utilisation des couleurs ou des formes; peintre dans le sens de la perception à travers l’autre langage du regard visuel et spirituel de la nature, du sort de l’être humain et des histoires qu’il porte ou fait exprimer, c’est-à-dire qu’elle n’était pas une « analphabète ou une ignorante qui peint », mais une autre intellectuelle qui exprime le monde à sa manière, comme elle faisait exprimer le patrimoine culturel, l’échange interculturel, la joie de l’art, ou la fraternité et l’amour universel; elle était aussi une artiste engagée, qui ne fait pas de cadeau aux circonstances formelles ou de complaisance, quand ça ne va pas, elle proteste d’une manière très forte, et quand elle observe une défaillance ou négligence concernant la condition des artistes ou des associatifs, elle la condamne ouvertement, tout comme elle a aimé chanter toute sa vie pour la liberté, individuelle ou collective...  qu’elle repose en paix», témoigne  Ahmed Harrouz, artiste plasticien et chercheur universitaire.
De son côté, Abdelmajid Zouitina, vice -président du Syndicat des plasticiens marocains, nous a souligné: « Regraguia, figure de prou de la  création   au féminin, a marqué l’histoire de l’art marocain d’une empreinte profonde grâce à ses  œuvres inédites.  Elle a  bien voulu  s’installer à la  campagne, dans la région d’Essaouira, où elle passe la plus grande partie de son temps, pour se consacrer à sa peinture  lyrique. Ses œuvres récentes  sont placées sous le signe de la continuité et de l’éparpillement dans la forme et la couleur plus  vive moins sombre, en  donnant libre cours à ses fantasmes. Son empreinte est toujours omniprésente».
Pour sa part, Raiss Abdessalam, président de l’Association marocaine des  passionnés des arts plastiques,  nous révèle   : « Regraguia nous a légué un immense travail, bien recherché et  très créatif.   Elle  est parmi les grandes figures de la peinture marocaine. Son œuvre fait partie intégrante du patrimoine national non seulement dans le domaine de la peinture, des arts plastiques mais aussi du point de vue de notre culture visuelle en général. Je me souviens  d’une  femme généreuse,  discrète, toujours vivante. Elle   avait lutté courageusement contre la maladie jusqu’au dernier jour.   Elle n’était pas seulement une artiste peintre  mais  un  acteur associatif  confirmé et une militante  de la culture et  de la promotion des arts plastiques au Maroc. ».
Femme profondément taciturne et  sage, Regraguia   a rendu l’âme. Mais ses toiles auxquelles elle  a savamment mêlé  formes et  couleurs demeureront une trace vivante dans notre mémoire collective.


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