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La cinéaste Laura Poitras, mauvaise conscience de l'Amérique


Libé
Dimanche 12 Mars 2023

L'occupation de l'Irak, les dérives de l'appareil sécuritaire, les lanceurs d'alerte et maintenant la crise des opiacés: Laura Poitras, documentariste oscarisée, a trouvé le rôle de sa vie, être la mauvaise conscience de son pays, les Etats-Unis.

"Je crois qu'il est très important de documenter l'histoire des combats", explique à l'AFP la cinéaste de 59 ans, de passage à Paris pour la promotion de "Toute la beauté et le sang versé", en salles mercredi. "Je pense que parfois, en montrant quelque chose à l'écran, on peut communiquer quelque chose d'impossible à faire autrement".

Sa parole fait foi: elle est l’autrice de "Citizenfour", Oscar du documentaire en 2015, film implacable sur le combat du lanceur d'alerte Edward Snowden, dont elle fut la première à recueillir les confidences lorsqu'il a révélé les documents secret défense de la puissante NSA.

Elle s'est aussi intéressée à Julian Assange, éditeur controversé de Wikileaks, dans un portrait sans concession, "Risk" (2017), et avait commencé sa carrière avec "My Country, My Country", tourné pendant l'occupation américaine de l'Irak.

Son dernier long-métrage entremêle le récit de la vie et de l'oeuvre de l'une des plus grandes photographes contemporaines, Nan Goldin, et celui de son combat contre les labos pharmaceutiques à l'origine de la crise des opiacés, qui a fait un demi-million de morts aux Etats-Unis. Il lui vaut une nouvelle nomination aux Oscars.

Ce film "a quelque chose de commun avec mes précédents: une personne ou un petit groupe combattant des forces très puissantes aux Etats-Unis", relève-t-elle, pointant que dans le cas des opiacés, le gouvernement "savait" le danger mortel représenté par ces médicaments et n'a rien fait.

Très loin des documentaires compilant images d'archives et témoignages sur une voix off, le travail de Laura Poitras raconte un engagement total, aux côtés de ses sujets: que ce soit avec Nan Goldin, dont elle dit partager le côté "marginal", ou avec Edward Snowden, "il s'agit plus d'une collaboration que d'une relation" intime, explique-t-elle.

"J'ai une très grande responsabilité. Littéralement, avec Edward Snowden, j'avais sa vie entre mes mains, si je faisais une erreur, il pouvait finir en prison ou même pire", relate la cinéaste, qui interrogeait l'homme le plus recherché du monde alors qu'il venait de fuir les Etats-Unis.

C'était également "le moment le plus effrayant" de sa carrière: "Je ne savais pas si je pourrais un jour rentrer aux Etats-Unis. A ce titre, être reconnue à la fois comme journaliste et comme cinéaste m'a clairement protégée".

L'origine de l'engagement de celle qui est née dans une famille aisée de la région de Boston remonte au traumatisme du 11 septembre 2001, et la "guerre au terrorisme" lancée en réponse par l'Amérique. "La domination mondiale, l'occupation, la torture, les sites (d'incarcération) secrets, tout cela était révoltant et je pense que c'est à ce moment-là que j'ai senti que je devais répondre à ça, aux souffrances que mon gouvernement infligeait au monde".

"Les Etats-Unis sont parvenus à radicaliser de nouvelles générations de gens pour qu'ils nous haïssent. C'est un tel désastre, ça n'aurait pas pu être pire", poursuit-elle. Face aux puissants, cette lauréate du prix Pulitzer continue de croire au pouvoir de la presse: "Le bon journalisme est toujours fauteur de troubles.

Le mauvais journalisme, c'est faire des courbettes pour s'approcher des puissants". Les tentatives des Etats-Unis pour faire extrader Julian Assange, emprisonné depuis 2019 au Royaume-Uni, donnent "une image très sombre" des perspectives pour les journalistes, prévient-elle: "L'Europe devrait mettre la pression, ou lui accorder l'asile".

Laura Poitras a elle-même été placée sous surveillance après son premier film, se faisant ensuite arrêter lors de ses passages à l'aéroport. "Je crois que j'ai touché un nerf, mais je suis fière de l'avoir fait". Sait-elle si les services secrets de l'Amérique de Joe Biden l'ont toujours à l'oeil ? "C'est une question pour le gouvernement", répond-elle en souriant.


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