La Rue de la Mer à la merci des gravats et de l'insécurité au quotidien

Conséquences de l’effondrement d’un immeuble à Derb Taliane à Casablanca


Alain Bouithy
Lundi 15 Juillet 2024

La Rue de la Mer à la merci des gravats et de l'insécurité au quotidien
« Incompréhensible », « inadmissible » ! Même dits en sourdine, ces mots traduisent la colère et la déception des habitants de la rue de la Mer, à Derb Taliane, située à environ 400 mètres de la Mosquée Hassan II. Ils décrivent une situation «insupportable» qui les oblige à vivre entourés de gravats jonchant le sol aux abords de leurs habitations.
Ces familles se sentent abandonnées par les services compétents, chargés de les débarrasser de ces débris qui les empêchent d’accéder à leurs maisons en toute sécurité.

Malgré les appels lancés à l’endroit des autorités locales et les lettres adressées au gouverneur de la préfecture d’arrondissement de Casablanca-Anfa (18/03, 07/05 et 05/06 2024), à la présidente de la commune de Casablanca (09/05 2024), à la présidente de l’arrondissement Sidi Belyout (18/03 2024) et au wali de la région de Casablanca-Settat (07/05), aucune action n’a été entreprise pour enlever les décombres des abords de leurs habitations.

Pour la petite histoire, le calvaire de ces familles a commencé le 29 février 2024 lorsqu’un immeuble menaçant ruine s’est écroulé sans toutefois faire de victimes. Il faut dire que ses occupants avaient déménagé bien avant l’effondrement.

« La vétusté de l’immeuble était telle qu’il devenait risqué d’y vivre et de circuler autour, car il pouvait s’effondrer à tout moment et provoquer un drame. N’eût été la vigilance des riverains, le pire serait donc arrivé ce jour-là», se souvient un habitant.

Cependant, ce soulagement a été de courte durée. En effet, à la menace que représentait l’immeuble écroulé s’est ajoutée celle des gravats et barres de fer restés sur place depuis février, malgré le danger qu’ils représentent pour les habitations environnantes.

Cette situation oblige les habitants à faire des détours pour se rendre chez eux ou pour trouver un endroit où garer leurs véhicules. « Des jeunes ont réussi à créer un passage entre les immeubles et les gravats sans toutefois éliminer le risque pour nos familles respectives, surtout pour les enfants», se plaint Dr Omar Jihal qui réside à proximité des lieux.

Pour ce géographe et climatologue formé à la Sorbonne, ancien responsable des études d’impact sur l’environnement, la situation demeure préoccupante. En effet, l’effondrement a aussi endommagé la façade de certaines habitations mitoyennes, craignant qu’elles ne menacent à leur tour les environs, vu la densité et la proximité des habitations.

Inquiets, « nous avons adressé des courriers aux services concernés afin qu’ils interviennent. Hélas nos demandes sont restées lettre morte », déplore-t-il persuadé que l’administration locale fait preuve de discrimination à leur égard.

Ce dernier s’indigne du traitement réservé par les différents services contactés à ce dossier, remarquant que le 23 mai dernier, à 200 mètres de la Mosquée Hassan II, plus précisément à l’intersection des boulevards Moulay Youssef et El-Hank, ces services se sont dépêchés d’enlever les décombres d’un immeuble de cinq étages le jour même de son effondrement suite aux travaux de rénovation et de bâcher les « cicatrices » sur un immeuble touché par cet effondrement.

Ironiquement, les gravats issus de cet effondrement ont été déposés à environ deux cent mètres de la rue de la Mer au grand étonnement des riverains qui attendent toujours qu’on les débarrasse de leurs propres débris.

La Rue de la Mer à la merci des gravats et de l'insécurité au quotidien
Alcool, drogues et tapage nocturne
 
Ici comme chez les habitants de la rue de la Mer, les gravats sont devenus des dépotoirs d’ordures menaçant cette fois-ci la santé des riverains. Nombreux sont ceux qui viennent même s’y ravitailler en pierres et barres de fer ou s’y refugier pour consommer de l’alcool, fumer des drogues ou faire du tapage nocturne.

Autour des gravats de la rue de la Mer, les habitants mitoyens nous expliquent qu’ils craignent également qu’en cas d’incendie, l’étroitesse des lieux rende difficile l’évacuation et provoque des drames évitables.

« Environ 200 à 300 personnes vivent dans les environs et chaque fois qu’un véhicule est mal garé ou qu’une tente est dressée sur les voies restantes, cela entrave la circulation », selon les témoignages des habitants du quartier.

Récemment, une cinquantaine de pneus avaient été déposés autour des gravats dans la perspective de faire un grand feu à l’occasion de la fête d’Achoura. Mais au lendemain de notre passage sur les lieux, des agents de la police sont passés les retirer au grand soulagement des riverains.
 
Les certificats de propriété, l’autre problème
 
Autre problème, mais cette fois-ci en sourdine, celui des certificats de propriété qui ne sont plus délivrés aux propriétaires des maisons, malgré le fait que l’expropriation a été annulée pour ladite zone.

«La vétusté de la majorité des maisons est due à l’interdiction aux propriétaires par l’administration de mener des travaux d’entretien et de restauration suite à ladite expropriation. Mais, maintenant que cette expropriation n’est plus à l’ordre du jour, il se trouve que la situation financière de ces derniers ne leur permet pas de procéder à de tels travaux. Ce qui nous laisse envisager d’autres drames similaires», craint Dr Omar Jihal.

Un autre problème évoqué par les riverains est celui du conflit entre les propriétaires, qui aspirent à rénover leurs maisons et continuer ainsi à percevoir les modestes recettes locatives, d’une part, et les locataires, qui souhaitent bénéficier d’un relogement au frais de l’Etat, d’autre part.  Une situation qui ne cesse de prendre de l’ampleur, a-t-on appris lors de nos échanges avec les habitants.

Alain Bouithy


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