L'informel, cette plaie béante de l'économie nationale


Hassan Bentaleb
Mardi 14 Décembre 2021

Le CESE y va de ses recommandations. A bon entendeur...

«Réduire progressivement la part de l'emploi informel à 20%, lever les barrières législatives, réglementaires et administratives, renforcer le contrôle et l'inspection à différents niveaux, revoir et simplifier le cadre juridique», telle est la recette proposée par le Conseil économique, social et environnemental pour réduire le poids de l’économie informelle au Maroc. Intervenant lors d’une journée d’étude organisée lundi à la Chambre des conseillers pour présenter les conclusions de deux rapports élaborés par le CESE sur l’économie informelle, Ahmed Reda Chami, président de cette institution, a appelé à réduire progressivement la part de l'emploi informel à 20% contre 60 et 80% actuellement tout en notant que le taux de 20% est la moyenne enregistrée dans un grand nombre de pays développés. Il a également souligné que ce pourcentage ambitionné devrait inclure, en particulier, les activités de subsistance ainsi que les unités productives non organisées qui fonctionnent avec des capacités limitées. D'autre part, une approche plus stricte doit être adoptée afin d’éliminer les activités illégales et clandestines et les pratiques d'unités de production non organisées en concurrence avec le secteur organisé, précise-t-il. D'autre part, Ahmed Reda Chami a suggéré de lever les barrières législatives, réglementaires et administratives en liaison avec ce dossier via une révision des textes juridiques obsolètes ou ceux qui ont démontré leur inapplicabilité et qui empêchent l'intégration dans le secteur organisé. A ce propos, le président du CESE a suggéré d'améliorer le statut de «l'auto-entrepreneur» en relevant le seuil maximum annuel des transactions et en autorisant ces auto-entrepreneurs d’embaucher deux ou trois salariés. Il a également appelé à une révision du mécanisme de la «contribution professionnelle unifiée» et des cotisations complémentaires qui permettent l'accès au système de protection sociale ; et cela afin d’adapter le montant des contributions aux capacités financières de chaque personne. Ahmed Reda Chami a également appelé à l'élaboration d'un programme pluriannuel pour accompagner le processus de réglementation des métiers et des professions, ainsi qu’à l’élaboration d'un cadre de référence ou d'un cahier des charges pour chaque profession définissant les qualifications et les compétences requises pour la pratiquer. Et cela afin de moderniser ces métiers et de faciliter leur intégration ultérieure. Il a également suggéré la création de zones d'activités économiques comprenant des lieux de production proposés à la location, en veillant à ce que leur surface louée et leur prix soient adaptés aux besoins des très petites unités de production. Il a également souligné la nécessité de renforcer la surveillance et le contrôle à différents niveaux, tout en veillant à ce que les sanctions soient suffisamment dissuasives et proportionnées au niveau de la gravité des infractions, notant que cette recommandation concerne particulièrement le commerce de gros non réglementé et les pratiques clandestines de certaines entreprises structurées. Ahmed Chami a appelé à l'élaboration d'un plan national pour l'intégration économique et sociale des vendeurs ambulants, découlant de la stratégie proposée par le CESE. Dans ce sens, il propose de simplifier le cadre juridique relatif à l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public par les marchands ambulants, que ce soit par l'exploitation de lieux permanents au sein de l'agglomération ou dans des rassemblements semi-urbains ou ruraux, soit en utilisant des véhicules, soit en exploitant des sites sur des axes routiers à la périphérie des villes. En outre, l’intervenant a également appelé à profiter de l'opportunité de l’opérationnalisation du projet de généralisation de la protection sociale afin de généraliser l'intégration des vendeurs ambulants dans le système d'auto-entrepreneur, et leur favoriser l’obtention de cartes professionnelles ; de créer un système ouvert de formation professionnelle pour permettre à une partie importante de ces vendeurs de s'engager dans des activités alternatives, et de stimuler l'investissement privé afin de participer à leur intégration dans le cadre du partenariat public-privé. Pourtant, plusieurs questions demeurent : Le nouveau Exécutif prend-il au sérieux les conclusions du CESE ? Ce rapport ne sera-t-il pas un document de plus, puisqu’il n’est pas le premier du genre et ne sera pas le dernier ? A rappeler que l’année en cours a été marquée par la publication d’au moins quatre documents concernant le secteur informel (HCP, Banque mondiale, Banque africaine de développement et Alternatives managériales économiques). Sans oublier la sonnette d’alarme tirée par la CGEM qui a indiqué que l’informel a dépassé le volume de la simple activité vivrière et qu’aucun secteur n’est épargné tout en précisant que la concurrence déloyale qu’il livre à certaines activités a déjà poussé plusieurs opérateurs vers l’économie souterraine. La CGEM estime que les 9 millions de personnes exerçant dans l’économie non structurée et qui ne bénéficieront pas de la retraite à 60 ans, constitueront une vraie bombe à retardement qui interpelle notre modèle de développement. Une autre question et non des moindres : comment le gouvernement compte-t-il procéder ? Optera-t-il dans sa lutte contre l’économie informelle pour une approche purement fiscale et comptable comme c’était toujours le cas ou choisira-t-il d’aborder cette question d’un point de vue social ? En effet, la logique fiscale a toujours primé au détriment d’une approche multidimensionnelle. Tel était le cas du dispositif auto-entrepreneur destiné, entre autres, à lutter contre l’informel, qui a connu un vrai échec puisqu’il n’a réussi à toucher qu’une infime partie des entrepreneurs de l’économie souterraine. Et la dernière question à poser : le nouveau gouvernement arrivera-t-il à instaurer la confiance et la transparence auprès des concernés pour encourager le passage de l’informel au formel ? A souligner que les adeptes de l’économie informelle ne sont pas des anges dont la conversion du jour au lendemain est acquise. Il s’agit, en effet, de professionnels ou d’entrepreneurs qui font appel à des experts pour passer sous les radars, nous a affirmé un spécialiste de la question. Affaire à suivre. 


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