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L’indicible quotidien des migrants en région du Nord

Entre autres malheurs figurent les arrestations, les refoulements, la misère, la violence et l’exploitation par les réseaux mafieux


Hassan Bentaleb
Mardi 26 Mars 2019

Le Maroc est-il en train de renoncer à ses engagements internationaux en matière de respect des droits des migrants ? C’est ce que laisse penser le rapport de l’AMDH section-Nador sur la situation des migrants dans cette ville en 2018 présenté dernièrement à Rabat.
Ainsi concernant le droit à la vie et à l'intégrité physique, le rapport indique que ladite année a enregistré l’augmentation du nombre de morts sur la route migratoire comme en atteste le nombre de cadavres déposés à la morgue de la ville qui est estimé à 244. Il y a également le cas de cinq décès  dans les campements à cause des conditions de vie très difficiles, deux décès survenus sur les barrières grillagées qui séparent les présides occupés du reste du Maroc et deux morts durant les refoulements en bus. Les dépouilles ne sont souvent pas identifiées et sont inhumées dans des conditions inhumaines au cimetière de Nador.
Le rapport fait également état d’attaques violentes contre les migrants menées par des brigades spécialisées des Forces auxiliaires, de la police et des agents d’autorité. A ce propos, l’AMDH a recensé des cas de violences corporelles, de destruction des biens et d’incendie des abris ainsi que de deux tentatives de viol qui sont restées sans suite et du dépouillement des migrants de leurs téléphones et de leur argent sans que des PV de saisie aient été établis.
Concernant le droit de circulation, le rapport indique que les arrestations sont devenues monnaie courante, qu’elles sont effectuées partout (campements et maisons, moyens de transport, agences de transfert d’argent, rues, hôpitaux…) et qu’elles englobent  également les femmes, les enfants, les blessés et même les migrants qui disposent de cartes de séjour  ou de visas en bonne et due forme. Le document recense ainsi près de 9.100 arrestations à Nador et plus de 15.000 à Tanger.
L’AMDH note également que ces migrants font l’objet de refoulements à chaud qui sont devenus une pratique courante opérée par mer au niveau des ports de Béni Ensar et de Cap de l’eau et que ces refoulements touchent aussi des mineurs.
Les rédacteurs du rapport estiment que l’ensemble de ces restrictions a impacté négativement le droit à la libre-circulation qui est devenue très onéreuse. En fait, les migrants subsahariens paient entre 2.000 et 5.000 euros à des réseaux structurés de trafiquants qui n’hésitent pas à exploiter leur situation de vulnérabilité.
Le rapport fait aussi cas d’exploitation sexuelle des femmes, de menaces et de violences, de renvois de migrants dans des conditions dangereuses, de refus de donner des informations concernant les morts et les disparus, etc. Il précise en outre que l’AMDH a contacté, à ce propos,  le ministère de l’Intérieur qui,  semble-t-il, n’a pas donné une suite favorable à sa demande concernant l’arrestation de ces trafiquants.  «Au lieu d’arrêter ces grands trafiquants installés dans les grandes villes, les autorités marocaines traquent et arrêtent leurs victimes alors même que ces arrestations servent plutôt  les intérêts des trafiquants et des autorités»,  indique le rapport. Et de préciser : «En 2018, les autorités marocaines ont déclaré avoir démantelé 12 réseaux de trafiquants à Nador où des agents des Forces auxiliaires étaient impliqués (le plus haut gradé d’entre eux avait le grade de commandant)».
Quant au droit des personnes en quête de protection internationale, le rapport indique qu’il n’y a pas de reconnaissance officielle de ces personnes en tant que réfugiés et qu’il y a des consignes leur interdisant de se rapprocher du premier poste de contrôle marocain et d’accéder au bureau d’asile ouvert à Mellilia.  Pis, ces personnes font l’objet d’actes de torture dans les locaux du commissariat de Béni Ensar et de violences au niveau des postes frontaliers.
Cette interdiction a donné lieu à la floraison d’un trafic humain juteux qui cause des drames puisqu’il y a aujourd’hui beaucoup de familles qui vivent séparées entre Nador et Mellilia.
S’agissant des mineurs non accompagnés, le rapport indique qu’ils sont victimes d’arrestations abusives et de refoulements et que l’année 2018 a enregistré, selon l’AMDH,  20 campagnes d’arrestation à Nador et Béni Ensar, au cours desquelles près de 650 mineurs ont été appréhendés et refoulés vers l’intérieur du Maroc.
Le rapport souligne, en outre, que ces mineurs vivent dans la rue et que les autorités marocaines n’interviennent quasiment pas pour faire respecter les dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant pourtant ratifiée par le Maroc. Pis, conclut ledit document, leur dossier est exploité à des fins politiciennes par les autorités de Mellilia qui évoquent une augmentation importante des arrivées de mineurs à ce préside occupé.


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