Le film, une première fiction lumineuse de la réalisatrice Leila Kilani, déjà auteur de deux documentaires, scrute l'amitié intéressée de quatre jeunes filles de 20 ans qui travaillent dur le jour et font la fête le soir.
La planche du titre est à définir: planche de salut, tremplin ou planche aux requins? La cinéaste, sélectionnée à la Quinzaine des réalisateurs, a eu l'idée du film en 2001 lorsqu'elle filmait "du crépuscule à l'aube" des hommes immobiles dans le port de Tanger, attendant un hypothétique passeur. Dès les premières lueurs du soleil, le contraste offert par l'arrivée d'une armée déterminée d'ouvrières, gonflées à bloc, l'avait "physiquement scotchée".
La cinéaste a reconstitué une usine toue blanche, où les filles épluchent ces crevettes à une vitesse vertigineuse, les yeux mi-clos, en blouse blanche et charlotte recyclable. "Elles se passent parfois de gants pour aller plus vite, s'écorchant des mains déjà abîmées par le froid", dit-elle, se disant incapable aujourd'hui de manger une crevette: "Dès les repérages, je ne pouvais plus".
Leila Kilani a envoyé ses actrices, toutes des non-professionnelles repérées lors d'un casting géant, aux crevettes pendant dix jours. "Réveil à cinq heures du matin et elles étaient censées répéter leur texte à l'intérieur, mais je n'ai pas pu vérifier", plaisante-t-elle. La cinéaste a pris soin de les mettre en garde contre l'illusion des paillettes, notamment les trois jeunes filles qui la rejoignent à Cannes: "Je ne veux pas qu'elles se projettent dans la facilité, qu'elles se racontent qu'elles vont devenir des stars avant de vivre une dépression post-partum" avec le cinéma.
Son casting, avec distribution de flyers sur les plages ou les centres commerciaux de Tanger et Casablanca, a rassemblé 320 filles de 18 à 25 ans issues des quartiers populaires. Elles devaient répondre à un questionnaire et improviser sur le thème du mensonge, puis de l'humiliation.