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En effet, la France demeure le premier pays d’accueil des émigrés marocains avec 20.000 personnes arrivant chaque année pour s’y installer. Le profil de cette immigration a toutefois très fortement changé. On est bien loin des contingents de travailleurs non qualifiés des années 1960 et 1970, ces paysans devenant ouvriers en traversant la frontière. Les nouveaux arrivants sont essentiellement des étudiants ou jeunes diplômés à la recherche d’une formation ou encore des personnes qui rejoignent leur conjoint par le biais du regroupement familial.
Thomas Lacroix a indiqué dans l’ouvrage collectif « Marocains de l’extérieur 2017 », que la France accueille aujourd’hui un tiers des Marocains de l’étranger contre 41% en 2001. Cette tendance est amenée à se maintenir dans les années à venir. Seuls 7,3% des immigrés marocains y sont présents depuis moins de 5 ans (contre 31,8% au Canada, plus de 25% en Espagne et en Belgique, 23,8% en Italie ou 22,5% en Grande-Bretagne).
Dans une précédente édition de Libé, Mohamed Charef, directeur de l'Observatoire régional des migrations, espaces et sociétés (ORMES) nous avait expliqué que l’acquisition de nationalités étrangères par les Marocains ne date pas d’aujourd’hui, notamment en Europe. Elle remonte aux années 80 voire avant. En effet, les demandes de nationalité des pays d’accueil ont été très faibles durant les années 60-70, mais elles ont commencé à prendre de l’ampleur avec le regroupement familial, les naissances sur place et la mise en service du visa Schengen. Aujourd’hui, une grande partie des Marocains établis à l’étranger cherchent à acquérir la nationalité du pays d’accueil avant de retourner au Maroc.
Pourquoi un tel engouement pour l’acquisition de nationalités autres que celle marocaine? «Plusieurs motivations expliquent ce choix. Il y a ceux qui acquièrent cette nationalité par la force du droit puisqu’ils sont nés sur le territoire du pays d’accueil. Il y a ceux qui sont à la recherche de plus de facilités à leur mobilité et davantage de droits (emploi, santé, éducation des enfants, allocations familiales, pension chômage, etc.).
En résumé, acquérir la nationalité du pays d’accueil octroie une présence et une visibilité dans les pays d’installation », nous a précisé Mohamed Charef. Et de conclure : « Au cours des années 60, les Marocains avaient une image négative de la double nationalité et c’était compréhensible dans le contexte de l’époque marqué par la décolonisation et le débat sur les relations à entretenir avec l’autre (l’Occident). L’acquisition de la nationalité de l’ancienne puissance coloniale de la part des populations provenant des anciennes colonies était considérée comme une traîtrise. Aujourd’hui, c’est plutôt un droit et ça ne signifie en aucun cas un reniement des racines ».
Sur un autre registre, le document de l’OFII a révélé que les Marocains ont déposé 3.495 dossiers concernant le regroupement familial en 2018 et 3.862 en 2019 (3.227 hommes et 635 femmes), soit une évolution de 10,5%. Le Royaume a encore une fois été précédé par l’Algérie avec 4.674 dossiers déposés en 2018 et 5.072 en 2019, soit une évolution de 8,5% mais il a devancé la Tunisie (2.354 en 2018 et 2.619 en 2019). Thomas Lacroix a précisé dans son ouvrage que le regroupement familial représente le motif essentiel pour le contingent d’immigrés marocains arrivant en France. « Ce mode d’immigration est une réalité ancienne qui a évolué dès la fin des années 1960. Après la suspension de l’immigration de travail en 1974, il marque l’installation des populations marocaines sur le territoire français et la fin de la migration circulaire de travail. 147.938 femmes sont arrivées entre 1975 et 1985. Cette prépondérance de l’immigration familiale est tout aussi nette aujourd’hui avec plus de la moitié des titres de séjour délivrés (14.827 en 2016, soit 55% de l’ensemble) », a-t-il expliqué. Si l’on se réfère à l’enquête sur les forces de travail dans l’Union européenne, la France est, avec 75% des répondants concernés, de loin, le pays où ce motif est le plus invoqué. Par contraste, ce motif est donné en moyenne par 58% des immigrés marocains résidant dans les pays de l’Union européenne. « La migration marocaine vers la France est donc d’abord suscitée par les liens sociaux transnationaux tissés au fil du temps entre les deux sociétés. Ceci explique pourquoi elle reste relativement peu sensible aux chocs économiques (baisse de 13% des entrées entre 2008 et 2011, à titre de comparaison, l’immigration vers l’Espagne a baissé de 70% sur la même période). Cette interpénétration des sociétés marocaine et française est accentuée par la dynamique de naturalisation et les naissances franco-marocaines sur le territoire français : les 2/3 des admissions au regroupement familial sont faites au titre du rapprochement avec un conjoint ou des enfants français (9.522 en 2010) », a-t-il indiqué.
Il explique, par ailleurs, que les femmes représentent plus de la moitié des émigrants marocains en France. Elles constituent aujourd’hui 52% des effectifs, mais également 9,5% de l’ensemble des femmes immigrées récemment arrivées en France. Il précise, cependant, qu’il serait erroné de penser que le regroupement familial explique à lui seul cette part croissante de l’immigration féminine. En effet, un nombre significatif de Marocaines viennent en France pour leurs études. Elles étaient 3.179 en 2016, soit un quart des immigrantes. «Par contraste, l’immigration de travail, qui composait le gros des flux d’immigration jusque dans les années 1970, est aujourd’hui marginale. Elle correspond à 10% des titres accordés actuellement (2.672 en 2016) et 14% des Marocains vivant en France disent avoir immigré pour ce motif (enquête sur les forces de travail dans l’Union européenne). Il faut toutefois nuancer ce constat en intégrant les flux de travailleurs saisonniers », a-t-il conclu.