On le sait comédien et metteur en scène. Il a à son compteur 30 ans de théâtre. Dire que le théâtre et la vie de cet artiste quarantenaire se confondent à s’y méprendre. Trois décennies donc, vouées et dévouées au «père des art». Ce n’est pas peu, vu le temps consacré à cette première passion et surtout la proportion des créations qui portent sa signature. On a presque dit que Rgagna s’était oublié sur scène. Or, il était pris à préparer le «coup de théâtre» à sa manière. Quoi ? Une entrée discrète au select club des cinéastes. La nouvelle fait le tour des cénacles artistiques. Abdelkbir Rgagna vient de signer son premier court-métrage. Et pour cette première, le désormais réalisateur Rgagna n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Côté casting, l’artiste aligne deux gros calibres : Rachid El Ouali et Latéfa Ahrrare. Deux vedettes de la scène, du petit et grand écrans. Rgagna leur a même arrangé un «mariage» à Agadir, théâtre du tournage de «Plastic». La présence du grand Husseïn Chaâbi, dans le rôle du «boss» (patron de société), ne manquera pas de donner du relief à cette œuvre. Une œuvre que Rgagna a choisi d’autofinancer, par le biais de sa société de production «Adam Production». Comme son titre l’indique, «Plastic» évoque un thème de grande actualité : la violence conjugale. Un thème élastique mais qu’il a réussi à cerner en démontant les ressorts qui seraient derrière cette violence. La violence sociale serait pour beaucoup dans la complication du rapport homme/femme. Difficultés matérielles, stress professionnel, satisfaction des pulsions sexuelles du conjoint, garde des enfants, avec tout ce que cela implique en termes de charges financières et psychologiques. Les ménages ne manqueront pas de se reconnaître dans cette thématique très peu traitée, quoiqu’elle soit subie directement et quotidiennement par le commun des couples. Rgagna donne à voir une vie conjugale transformée, au fil des difficultés, en véritable enfer. Mais il se garde de verser dans le noir absolu, puisqu’il a eu le réflexe de traiter cette thématique sur le mode de l’humour. En évitant donc de tomber dans le piège de l’œuvre noire, il donne son plein sens à ce proverbe populaire consacré : «Trop de soucis font rire». Plus encore, en prenant le risque d’ouvrir la boîte de Pandore, il est resté conscient qu’une œuvre d’art ne devrait pas se prêter à lire comme un «tract» social. Et c’est là un autre piège qu’il a pris soin d’esquiver, pour le grand bonheur des cinéphiles. Quand, à cela, il faut ajouter le fait que ce film est aussi dépositaire d’un choix esthétique savamment réfléchi et mûri, on réalise facilement que Rgagna a été assez outillé et mieux inspiré pour signer cette première œuvre qui ne manquera pas de faire beaucoup parler d’elle. Dans cette œuvre, Rgagna offre de superbes gros plans sur la ville d’Agadir. De belles prises de vue ont été réalisées à partir du mont «Oufalla», offrant de très belles images de la capitale du Souss.
Un virage négocié avec succès par Abdelkbir Rgagna, à travers une première œuvre qui ne manquera pas de surprendre le commun des cinéphiles.