L’artiste plasticien Noureddine Fathy : Peindre comme on écrit


Par M’barek Housni
Vendredi 16 Mars 2018

L’artiste plasticien Noureddine Fathy : Peindre comme on écrit
Il arrive parfois qu’on visite un atelier, et qu’on s’y trouve frappé par l’étal chaotiquement agencé de tout le pan d’une vie artistique faite de matériaux et d’œuvres. Dans le sens de la tourmente créatrice. On saisit à la volée l’itinéraire, non pas d’une singularité, mais d’une démarche plastique à part. En ce sens qu’elle est propre à son créateur, et brille par un engagement visible à servir une idée par le biais des couleurs, des formes et des figures.
Cet atelier résume pour une grande partie le travail  de cet artiste sans cesse dans la recherche pour exprimer, abstraction faite de l’enjeu esthétique indéniable, une réflexion par ce qui est art plastique. Aboutissement d’une ambition et d’un moyen d’expression propre.
Le début, c’était comme une entrée, à travers le mythe. Les croyances nébuleuses que fournit la magie lorsqu’elle explique le non compris. Des toiles plutôt sombres, baignant dans des couleurs aux tons ombragés, assombris, comme si l’artiste était en proie à des ténèbres qu’il faut exorciser. Cela a donné les fameux êtres fantomatiques aux contours diffus, étirés ou arrondis. On se sent à les regarder éjecté en ce temps d’enfance à la marocaine où des images idéalisées de personnages rehaussés au rang de héros homériques nous subjuguaient. En les peignant à  sa façon, il nous rappelle nos débuts (ces êtres continueront à ponctuer ici et là tout le travail de l’artiste à des degrés divers). Mais pourquoi le jaune en feu domine dans ce travail ? Là est le secret de toute subjectivité artistique, et elle est plutôt bénéfique, restant ainsi dans le domaine du questionnement pour l’œil, pérennisant ainsi la magie de l’art cette fois-ci.
Puis ce fut la connaissance savante qui est mise en œuvre. Le fameux dialogue Orient-Occident et l’éternelle question de l’apport commun à la civilisation humaine. Noureddine Fathy ne se contente pas d’assimiler l’héritage de la Renaissance, en art et dans le savoir, chose qu’il ne renie pas, au contraire, il le met en évidence avec l’emploi du corps de l’homme de Vitruve en filigrane dans nombre de tableaux, et en différentes postures affectives, douces ou violentes. Comme un rappel, un acquis qui « raisonne » l’art et l’érige comme lieu de réflexion sur l’homme et le monde.  L’artiste lui adjoint les figures de savants musulmans célèbres et l’écrit en lettres arabes, poèmes et autres. Il opère l’apport de la civilisation arabo-musulmane à l’édification du socle de la modernité. En le faisant par le biais de la peinture relève d’une participation personnelle et d’un engagement intime. Le message est clair : peindre par connaissance et non seulement par exploitation d’un acquis culturel propre et d’un talent fructifié par l’académisme. Tout le travail de l’artiste est régi par ce double constant. Il y a ce sentiment d’une urgence à recadrer son travail artistique et l’éloigner de l’instinctif qui est le lot de nombraux artistes et qu’une certaine tendance critique veut y cantonner les arts plastiques marocains. D’ailleurs, l’artiste s’y attelle fréquemment dans ses écrits qui accompagnent son art.
Ceci dit,  les bases de l’itinéraire plastique de l’artiste demeurent imprégnées d’un penchant pour l’abstrait repensé à l’aune du choix précité. Il y a un référent, non pas réel, mais qui s’en inspire pour l’intégrer dûment et quoique légèrement dans la toile. Les derniers travaux exposés à la Villa des arts de Casablanca montrent des semblants de gratte-ciel noyés dans de semblants de nuages bleutés, et les premiers tableaux font voir des parties d’animaux, têtes et troncs, entre autres ajouts qui fonctionnent comme des signes de ponctuation. Cercles en fer, grains de sable, feuillets de bloc-notes avec des écrits  (poèmes) dessus. Et indifféremment du support ou de la technique usités : bois, tissu, gravure, sérigraphie, peinture...


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