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L’affaire Soumaré : procès en légitimité de la banlieue française


REUTERS
Mercredi 3 Mars 2010

Les attaques contre Ali Soumaré, jeune candidat aux régionales issues de la banlieue, accentuent la marginalisation des Français vivant dans les quartiers, déplorent chercheurs et dirigeants associatifs.
Tête de liste socialiste dans le Val d'Oise, celui qui fut médiateur lors des violences urbaines de Villiers-le-Bel en 2007, a été accusé par plusieurs élus de l'UMP, documents judiciaires à l'appui, d'être un délinquant "multirécidiviste".
Une partie des faits portés sur la place publique contre le candidat d'origine malienne se sont révélés faux - Ali Soumaré a reconnu une "erreur de jeunesse", un vol commis en 1999 mais un autre délit supposé a été commis par un homonyme - et des excuses, quoique partielles, ont été présentées.
Mais le mal est fait, dénonce Hassan Ben M'Barek, porte-parole du collectif Banlieues Respect, qui tire la sonnette d'alarme face à ces accusations.
"Pour les jeunes qui ont un passé avec la police, cette polémique accroît leur sentiment qu'il n'y aura jamais de pardon pour eux alors que certains politiques ont trempé dans les affaires mais ont eu le droit de revenir", analyse-t-il.
Ces populations, jeunes, issues de l'immigration, plus durement frappées par le chômage que le reste des Français, vivent "une sorte de procès en légitimité permanent", confirme Didier Lapeyronnie, professeur de sociologie à La Sorbonne.
Le message qu'ils reçoivent en voyant un des leurs attaqué, c'est qu'il est "illégitime pour eux d'entrer dans l'espace politique alors qu'ils se font déjà difficilement une place dans l'espace économique et social", ajoute le chercheur, auteur de "Ghetto urbain. Ségrégation, violence, pauvreté en France".
L'affaire Soumaré, qui bouscule la campagne pour les régionales de mars, survient après le lancement du débat sur l'identité nationale voulu par Nicolas Sarkozy, orchestré par le ministre de l'Immigration Eric Besson et décrié par la gauche.
Si on y ajoute le débat sur le port de la burqa ou la polémique entourant le Quick de Roubaix, qui ne sert plus que des produits hallal, Marc Cheb Sun, fondateur du magazine Respect Mag, estime que les Français d'origine étrangère sont "victimes d'une politique de harcèlement de la part des politiques".
Le journaliste d'origine italo-égyptienne, qui a grandi en banlieue, est en colère et pessimiste. Les attaques contre Ali Soumaré, "c'est une manière de dire à ceux qui lui ressemblent: vous n'êtes pas la France", estime-t-il.
Pour lui, droite et gauche, égales dans leur "irresponsabilité", sont en train de créer "du communautarisme pur et dur" sans s'en rendre compte. "Face aux attaques, les gens se disent que la seule solution, c'est une position de légitime défense, avec les siens" Il ne voit aucune "conséquence positive" sortir de la polémique Soumaré et prédit une forte abstention mi-mars. Mais le chercheur Didier Lapeyronnie pense, lui, que "ça va faire voter les gens qui vont se dire: 'il est comme nous, il subit'".
Depuis 1983 et la "marche des beurs", plusieurs militants de la diversité ont cru pouvoir percer en politique, en vain.
Mais la classe politique est l'une des catégories sociales les plus fermées et le portrait robot du parlementaire français, dressé en 2007 par les sociologues Eric Kerrouche et Olivier Costa, est sans appel: c'est un homme de 57 ans, blanc, surdiplômé et issu d'un milieu favorisé.
Pour tous pourtant, loin d'être un boulet, le parcours d'Ali Soumaré est sa principale force: il est né en banlieue, dans une famille d'origine étrangère et, après son "erreur de jeunesse", a gravi tous les échelons du monde associatif puis politique.
C'est ce qu’Hassan Ben M'Barek appelle la "traçabilité" des candidats venant des quartiers, qu'il oppose au "marketing ethnique" dont droite et gauche usent mais dont, selon lui, Nicolas Sarkozy abuse.
Le chef de l'Etat a choisi la secrétaire d'Etat aux Sports Rama Yade ou l'ancienne Garde des Sceaux Rachida Dati ""parce que ça sert son image, mais ce sont des personnalités sans réseau ni équipe, sans parcours associatif ou politique militant", analyse le militant de Banlieues Respect.


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