D’après les sondages, le Parti populaire (PP-conservateur) devrait largement l’emporter, malgré le manque de charisme de son leader, Mariano Rajoy. Ce dernier, qui a perdu les deux dernières élections générales, n’a conservé que de justesse sa place à la tête du PP, à l’issue de luttes intestines qui auraient pu lui être fatales.
Si son parti l’emporte, cet homme de 56 ans va hériter d’une crise qui frappe durement l’Espagne, tout comme d’autres pays de la zone euro lourdement endettés. Une victoire du PP ramènerait les conservateurs au pouvoir après près de huit ans de règne du chef du gouvernement actuel, Jose Luis Rodriguez Zapatero. En matière de politique sociale, ce dernier a imprimé sa marque, dans une Espagne catholique, en légalisant le mariage homosexuel et en faisant passer d’autres réformes calquées sur ce qui se fait en Europe du Nord. Mais dans le domaine économique, M. Zapatero a été très critiqué parce qu’il a semblé refuser d’admettre la réalité dans un premier temps, avant de réagir tardivement et de façon erratique à la crise financière internationale et à l’implosion de la bulle immobilière qui avait alimenté la croissance du PIB espagnol pendant près d’une décennie.
La cote de popularité de M. Zapatero a tellement chuté qu’il a annoncé cette année qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat, et l’ex-ministre de l’Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba, poids lourd du Parti socialiste (PSOE), s’est imposé comme candidat pour lui succéder.
Actuellement, le taux de chômage s’élève à 21,5%, et la croissance économique s’est arrêtée au troisième trimestre après plusieurs trimestres de croissance molle dans une Espagne qui sort lentement de la récession. Le coût de l’emprunt est dangereusement élevé à cause de la contagion de la crise de la zone euro, et les craintes des investisseurs concernant les perspectives de croissance de l’Espagne et l’exposition du secteur bancaire à la débâcle immobilière.
«Pour le moment, la gauche est lessivée en Espagne», a commenté Antonio Sanz, 42 ans, un sympathisant socialiste, vendeur et père de deux enfants, qui est au chômage depuis sept mois. «Nous ne voyons pas de solution facile ici, parce que tout autour de nous c’est à peu près pareil. Nous voyons l’Italie. Nous voyons le Portugal. Nous voyons la Grèce et nous sommes au milieu de cette pagaille», a ajouté Antonio Sanz, juste après avoir passé un entretien d’embauche pour un emploi rémunéré 1.000 euros par mois, soit la moitié de ce qu’il gagnait auparavant.
La crise de la dette souveraine européenne, qui a débuté l’an dernier en Grèce, a nécessité un sauvetage financier pour venir en aide à ce pays. Puis l’Irlande et le Portugal ont également bénéficié d’une assistance. Plus récemment, cette crise a fait tomber les gouvernements à Athènes et à Rome, entraînant en Italie le départ de Silvio Berlusconi. Les gouvernements irlandais et portugais ont également changé de dirigeants lors des dernières élections. La victoire est toujours satisfaisante, mais la position de M. Rajoy risque de ne pas être très enviable s’il l’emporte, ce que même M. Perez Rubalcaba semble prendre pour acquis.
M. Rajoy fait face au dilemme d’essayer de réduire le déficit budgétaire -et par conséquent stimuler la confiance des investisseurs pour diminuer le coût de l’emprunt- sans trop réduire les dépenses ou augmenter les impôts pour ne pas peser un peu plus sur l’économie et plonger le pays dans une nouvelle récession.