L’Espagne en manque de main-d’œuvre


Hassan Bentaleb
Mardi 7 Juin 2022

Une aubaine pour les travailleurs étrangers ?

L’Espagne en manque de main-d’œuvre
Bonne nouvelle pour les travailleurs en situation irrégulière, les étudiants étrangers et les personnels qualifiés en Espagne.En effet, Madrid compte réformer la réglementation en matière d'immigration et assouplir les exigences actuellement requises pour obtenir des documents de séjour et de travail, afin de couvrir le nombre croissant de postes vacants sur le marché du travail espagnol. Un projet d'arrêté royal propose d'améliorer l'embauche au pays d'origine, de faciliter la régularisation pour ceux qui se trouvent déjà dans le pays, de permettre aux étudiants étrangers de travailler et de simplifier les conditions de travail pour les personnes dotées des qualifications requises.

Besoin énorme en main-d’œuvre
Et pour cause, l’Espagne a besoin d’urgence de main-d’œuvre. En effet, nombreux sont les postes de travail qui demeurent vacants dans plusieurs secteurs et dont le nombre risque d’augmenter dans l’avenir. Selon certains chiffres relayés par la presse espagnole, quelque 109.000 emplois restent vacants chaque année et 55% des entreprises ont du mal à embaucher. Certaines prévisions estiment à plus d’un million le nombre de postes inoccupés lors des années à venir. L'Espagne souffre, en fait, d'une pénurie de professionnels dotés de compétences numériques, d'experts en technologie et en analyse de données, d'agents de santé, d'ouvriers du bâtiment, de transporteurs et de chauffeurs, d'agriculteurs et d'éleveurs, de pilotes de drones, d'employés d'entrepôt et de serveurs, entre autres. Les secteurs les plus touchés restent, cependant, ceux de la technologie et de la construction. Selon certaines études, le nombre actuel de postes vacants sans candidats sera multiplié par quatre à moyen terme notamment dans le secteur de la technologie où la pénurie de personnel dépassera les 400.000 emplois. Le secteur de la construction est aussi l'un des plus touchés parla pénurie de main-d'œuvre. Les entreprises du bâtiment ont perdu près de 300.000 emplois assurés par des travailleurs de moins de 25 ans entre 2007 et le quatrième trimestre de 2021, selon des chiffres communiqués par la Confédération nationale du bâtiment (CNC). En effet, le secteur est marqué par un manque de contremaîtres, de maçons, de coffrages et d'opérateurs de pose de béton, ainsi que de charpentiers, d'installateurs de façades techniques, d'assembleurs d'éléments structuraux préfabriqués, de spécialistes des travaux verticaux ou d'opérateurs de grues, de chariots élévateurs et d'engins similaires pour le déplacement des matériaux. Selon les propos du président de la Confédération nationale de la construction (CNC), Pedro Fernández Alén, relatés par le journal espagnol ABC, les jeunes Espagnols ne sont pas attirés par le secteur "en raison de sa dureté et de son taux élevé d'accidents alors que le secteur aura besoin d'au moins 700.000 nouveaux travailleurs dans les années à venir ». Pour les employeurs espagnols, le problème est beaucoup plus grave puisque la pénurie touche même les secteurs qui offrent des rémunérations plus élevées. Certains d’entre eux pointent du doigt l’absence de formations adéquates en précisant que 50% des trois millions de chômeurs n'ont même pas le niveau d'enseignement secondaire sans parler de l’absence de formation en termes de technologie et de communication. Une situation qui perdure même avant la pandémie puisque 55% des entreprises avaient eu des difficultés à trouver de nouveaux employés correspondant aux postes demandés. Pour Madrid, cet état des lieux est dû entre autres à la rigidité de la législation espagnole sur l'immigration qui se caractérise par des procédures lentes et par d’importantes entraves qui ne permettent pas de répondre aux besoins des entrepreneurs et qui finissent par générer d'importantes poches d'économie souterraine. Selon le ministère espagnol de l'Inclusion, de la Sécurité sociale et de la Migration, ledit projet d’arrêté s’inscrit dans ce contexte outre le vieillissement de la population, la transition écologique et la numérisation qui laissent présager une véritable compétition mondiale pour attirer les talents et les compétences notamment vers des métiers moins attractifs et peu qualifiés.

La main-d'œuvre marocaine fortement demandée en agriculture
La main-d'œuvre marocaine, principale composante des ouvriers agricoles de fraises et de framboises, en particulier dans le sud de l'Espagne, sera parmi les concernés de plus près. La fermeture des frontières marocaines pendant la quarantaine liée à la propagation du Coronavirus a démontré la place et le rôle de milliers de travailleurs marocains dans ce pays.En effet, l'Espagne a dû rechercher des travailleurs en Equateur et au Honduras, pour remplacer le personnel agricole marocain. A rappeler que 263.550 Marocains étaient affiliés à la Sécurité sociale en Espagne l’année dernière, selon le ministère de l'Intégration, de la Sécurité sociale et de la Migration. Et ils continuent d'être la première communauté d'étrangers non européens cotisant à la sécurité sociale en Espagne. Le nombre de Marocains résidant légalement en Espagne est estimé à 771.683 personnes, ce qui représente une augmentation de 1,4% (+10.968 personnes) par rapport au 1er janvier 2020, selon les derniers chiffres de l'Institut national de la statistique (INE). Les Marocains restent également la première communauté étrangère légalement installée dans le pays ibérique.

Des questions en suspens
Pourtant, des questions demeurent sans réponse : comment l'embauche de ces étrangers en Espagne se fera-t-elle ? Va-t-on vers le développement de projets de migration circulaire avec des pays tiers dans des secteurs où il y a pénurie de main-d'œuvre ? Madrid va-telle reprendre l’expérience déjà réalisée avec le Honduras consistant à ce que les employeurs espagnols offrent de l’emploi à des travailleurs issus de ce pays(résidant ou pas en Espagne) pour exercer des activités temporaires dans des postes où le recrutement des profils appropriés s’avère difficile sur le marché du travail interne espagnol?Autrement dit, les nouvelles recrues seront-elles contraintes de retourner immédiatement dans leur pays une fois l'autorisation de travail terminée ? Autre question et non des moindres, l’Espagne va-t-elle privilégier les travailleurs des pays d’Amérique latine, qui représentent une grande partie des étrangers travaillant dans ce pays? A noter qu'en 2021, un projet pilote de migration circulaire avec le Honduras a été lancé, avec l'arrivée du premier contingent de travailleurs de ce pays d'Amérique centrale. En 2022, 250 Honduriens y travaillent pendant les campagnes agricoles dans le cadre de ce programme. Affaire à suivre.


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