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Instauration d’un impôt solidaire : Un juste retour des choses


Larbi HABCHI (*)
Lundi 12 Septembre 2011

Le Maroc a connu une mouvance politique et sociale depuis le mois de février dernier qui a entraîné des débats sur les réformes constitutionnelles et politiques et produit des slogans insistant sur la lute contre la corruption, la réduction des disparités et la justice sociale.
Dans ce cadre, la réforme fiscale dans sa globalité constitue une opération que nécessite la gestion des affaires publiques en vue d’une bonne gouvernance économique, un équilibre social  juste et une stabilité politique dynamique de notre pays.
A mon sens des conditions subjectives et objectives obligent à ce que cette réforme fiscale soit au cœur des débats en vigueur pour faire face aux distorsions actuelles et mettre en place un nouveau système fiscal mobilisateur dans le cadre d’une répartition équitable de la fortune nationale.
Ainsi le principe de l’équité nécessite l’introduction d’un impôt solidaire qui devrait être parmi les composantes du nouveau système fiscal. Cette revendication demeure, dans le contexte actuel, plus que nécessaire, mais selon une conception différente de ce qu’on a proposé  au cours des  discussions de la loi de Finances 2009. C'est-à-dire qu’il faut adopter un nouvel impôt solidaire qui ne s’applique pas nécessairement sur la fortune, d’autant qu’on a constaté un refus catégorique de la proposition du groupe fédéral par le gouvernement et tous les autres groupes au sein de la Chambre des conseillers.
D’un autre côté, l’introduction de cet instrument fiscal devrait s’insérer dans un cadre global qui nécessite une volonté politique pour lutter contre la rente,  le monopole, la corruption et les abus du pouvoir, honorer les engagement  fiscaux et sociaux et prendre des mesures concrètes pour intégrer le secteur informel dans le circuit économique normal.
La nouvelle conception de mise en place d’un impôt solidaire devrait être liée à la réforme du système de compensation, lequel système souffre de trois défaillances. Tout d’abord,
 son enveloppe financière n’est pas maîtrisée et orientée vers la consommation au lieu de l’investissement et le renforcement de la protection sociale. Il faudrait ensuite soutenir les secteurs et chaînes de production qui ont une capacité concurrentielle  et encourager l’ouverture de certains domaines à l’économie de rente. L’on doit enfin cibler les aides octroyées qui favorisaient davantage les riches.
En conséquence, le maintien de ces défaillances se répercute  négativement sur les équilibres des finances publiques et ne participe pas à la réalisation de l’équité sociale.
Aussi, la suppression de la Caisse de compensation aura pour effet négatif l’application de la vérité des prix  de tous les services et marchandises, ce qui se  traduirait par l’affaiblissement du pouvoir d’achat de la quasi-totalité des catégories sociales (80% des familles ont des revenus mensuels qui ne dépassent pas  6.650 DH) et la paupérisation de la classe moyenne  considérée comme la clef de voûte  de l’équilibre social et la stabilité politique du pays.
Donc, la réforme du système de compensation doit se baser sur 3 volets importants : le maintien de la Caisse de compensation avec la maîtrise de son enveloppe budgétaire par le biais de la rationalisation des dépenses, l’amélioration des instruments de bonne gouvernance et la lutte contre la rente dans toutes ses formes ; le ciblage direct des démunis  avec la garantie de leur accès aux services indispensables ; l’introduction d’un impôt solidaire qui cible les riches, instrument qui ne s’applique pas sur la fortune mais qui consiste à récupérer les aides dont bénéficient ces riches.
Si le gouvernement a commencé à appliquer progressivement les deux premiers  volets, on constate, par contre, qu’il hésite à mettre en place d’une manière  concrète le 3ème volet.
Cela dit, la réforme du système de compensation reste très partielle si elle ne cible pas les riches qui sont les plus bénéficiaires des aides de la Caisse de compensation.
Donc, il y a un lien entre la réforme du système de compensation et la refonte de la fiscalité globale  dans son aspect solidaire, ce qui permettra de participer à renforcer la cohésion et la solidarité sociales.
A ce sujet, plusieurs expériences ont montré que certains pays européens ont décidé de supprimer l’impôt sur la fortune et ont cherché des conceptions différentes de participation.
Par exemple, l’Autriche a supprimé ledit impôt en 1994, le Danemark en 1996, l’Allemagne en 1997, les Pays-Bas en 2001, la Finlande et Luxembourg en 2006, la Suède en 2007 et l’Espagne en 2008.
Les causes de cette suppression sont dues notamment au risque de fuite des capitaux, l’absence d’équilibre ainsi que les coûts élevés de gestion comparativement au rendement  limité.
Mais les gouvernements de ces pays ont créé de nouveaux instruments de participation solidaire des riches, il s’agit notamment de l’augmentation de l’impôt sur les revenus supérieurs avec des taux exceptionnels  (3% en Allemagne) ; le prélèvement sur les revenus des  intérêts de l’épargne (10% à Luxembourg) ; l’élévation des taux d’imposition appliqués sur les plus-values non mobilières (cas de Danemark) ; l’application de l’impôt sur les patrimoines immobiliers (Finlande) et le prélèvement à la source sur les bénéfices des fonds d’investissement (15% en Belgique).
Ainsi donc au Maroc, il faut instaurer  un impôt solidaire pour participer à la récupération des aides bénéficiant aux riches. C’est un instrument, même s’il n’est pas un concept fiscal reconnu sur le plan international, qui participera à réduire les charges de la Caisse de compensation et par suite devra encourager les valeurs de solidarité et de cohésion entre les catégories de la société  et  adhérer à l’effort collectif de la construction de la démocratie et du développement de notre pays. J’estime que l’application de cet instrument demeure une expérience pour développer d’autres alternatives, mais l’essentiel est que les riches participent, même partiellement, à subvenir aux besoins sociaux cumulés, et contribuent à la mise en œuvre des principes d’équité et de justice. 
 
(*) - Membre du Bureau central de la FDT
- Membre du groupe fédéral de la Chambre des conseillers
 


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