Le gouvernement ultraconservateur italien de Giorgia Meloni avait signé en novembre 2023 un accord avec son homologue albanais, Edi Rama, sur l'ouverture de deux centres en Albanie, gérés par Rome, pour y traiter les cas de certaines personnes secourues par l'Italie en Méditerranée centrale.
Mais ce projet s'est heurté à la censure des juges italiens du droit d'asile qui, invoquant le droit européen, ont retoqué jusqu'ici tous les transfèrements de migrants vers l'Albanie et ont ordonné leur rapatriement sur le sol italien.
Les magistrats se sont fondés sur une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) selon laquelle les pays de l'UE ne peuvent décréter "sûr" l'ensemble d'un pays alors même que certaines régions du pays concerné ou certaines catégories de personnes ne le sont pas. L'Italie voulait appliquer cette méthode pour renvoyer ces migrants dans leurs pays d'origine, quand bien même ils n'étaient pas 100% sûrs selon la loi.
Dans son arrêté publié vendredi, la CJUE ne conteste pas le droit d'un Etat de désigner "un pays tiers comme pays d'origine sûr par un acte législatif", ce qu'avait fait le gouvernement italien.
Mais la justice souligne que cette désignation doit pouvoir "faire l'objet d'un contrôle juridictionnel effectif", c'est-à-dire que le dernier mot revient au magistrat en question appelé à se prononcer sur un cas précis.
"Les sources d'information sur lesquelles repose une telle désignation doivent être suffisamment accessibles, tant pour le demandeur que pour la juridiction compétente", ajoute la CJUE, les raisons ayant poussé Rome à déclarer "pays sûrs" certains pays n'étant pas toujours claires.
Ainsi, sur la liste de "pays sûrs" établie par l'Italie en octobre figurent toujours des pays comme le Bangladesh, la Tunisie ou l'Egypte où la situation de minorités et d'opposants est précaire.
"Un Etat membre ne peut pas désigner comme pays d'origine sûr un pays tiers qui ne satisfait pas, pour certaines catégories de personnes, aux conditions matérielles d'une telle désignation", ajoute la CJUE.
Elle reconnaît cependant que cette législation européenne va changer en juin 2026, permettant "des exceptions pour de telles catégories de personnes clairement identifiables" et qu'il est "loisible au législateur de l'Union d'anticiper cette date".
Dans un communiqué, le gouvernement italien s'est déclaré "surpris" par la décision de la CJUE, accusant la justice européenne de "revendiquer un espace qui ne lui appartient pas".
"La décision de la Cour affaiblit les politiques de lutte contre l'immigration illégale massive et de défense des frontières nationales", a-t-il soutenu.
Trouvant "singulier" ce verdict à quelques mois de l'entrée en vigueur "du Pacte de l'UE sur l'immigration et l'asile, contenant des normes plus strictes", le gouvernement italien assure qu'il cherchera "dans les dix prochains mois (...) toute solution possible, technique ou législative, pour assurer la sécurité des citoyens".