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Ifrane, une belle petite ville plongée dans son calme. C’est sur les hauteurs du massif montagneux du Moyen Atlas, à 1600 mètres d’altitude, qu’elle a élu domicile entre chênes verts et cèdres centenaires, platanes et ifs millénaires, acacias, tilleuls et autres éléments floraux d’une forêt qui s’étire à n’en plus finir. La ville n’est pas pour autant une intruse à cet environnement de pureté naturelle. Bien loin de l’être, la Perle de l’Atlas, comme on se plaît à la surnommer, a su faire partie intégrante de son espace, loin de tout effet polluant, sa propreté qui reflète le comportement d’une population consciente des exigences d’un site touristique, mais aussi, par la clarté des murs et des toits en tuiles rouge brique qui forment un contraste avec une toile toute en verdure. Je me résigne mal que cette ville puisse être aussi petite, car, elle fut tellement immense aux yeux de l’enfant que j’étais. J’y suis né et j’y ai passé toute mon enfance. Chaque parcelle de la ville et ses alentours me ramènent leurs souvenirs, précieusement maintenus dans mon imaginaire pour ne point me départir d’une tranche de vie qui a façonné ma personnalité et forgé mon caractère. Monts et collines, lacs et cascades, flore et faune d’une richesse étonnante dont j’étais imprégné, furent complices dans la création d’un monde d’enfant où la réalité est restée truffée de rêves et d’insouciance lorsqu’encore gamins nous fûmes bercés par cet océan de verdure tout en chants qui nous avait généreusement adoptés comme ses propres enfants.
J’y retourne parfois pour me ressourcer en bien-être dans ce bout du Maroc qui semble retranché dans l’insouciance, bien à l’abri de toute agitation et qui reste en mesure de mettre tout visiteur en apesanteur, à l‘abri du stress cumulé sous le poids des grandes villes. C’est ici où l’on entend une feuille tomber de son arbre et qu’en fermant les yeux on sentirait bien l’âme de la ville et on se rendrait compte que souvent l’essentiel est en nous-mêmes. Ceci est l’Histoire d’une ville bâtie autrement.
La ville d’Ifrane telle que je la perçois, est une œuvre d’art, tirée en exemplaire unique, grâce aux bienfaits de la nature conjugués à la sueur des hommes qui l’ont bâtie. L’arrêt s’impose à ce sujet pour rendre, dans le respect, un hommage à ces hommes qui ont donné naissance aussi bien à la ville qu’à leur progéniture dont je fais partie. Ces hommes semblent être ignorés et passés sous silence, comme une fausse note, dans les témoignages, les descriptions et les études faites sur la ville, tout comme dans les échanges de souvenirs où l’on se créait des affinités que l’on avait pu avoir d’antan avec Msiou Jacques ou Mamzelle Charlotte. Ifrane fut en effet construite au début du siècle passé dans le souci d’atténuer le dépaysement des colons français installés au Maroc. On lui donna pour cela l’apparence d’un village de France. Mais elle fut bâtie par les bras de ceux qui furent classés sous le statut si péjoratif d’indigènes, citoyens de seconde zone dans leur propre pays. Ces hommes-là ont eu le mérite de donner une âme à cette localité. Leur empreinte est omniprésente sur chaque portion de la ville et ses alentours. Une empreinte aux multiples couleurs : Berbères, Attabis et Sahraouis, entre autres, furent unis par le destin à 1600 mètres d’altitude pour qu’émerge Ifrane des hauteurs du Moyen Atlas. Ils donnèrent pour cela le meilleur d’eux-mêmes, bravant froid et gel des hivers de montagne tout comme la canicule des étés. Ils étaient à l’œuvre dès l’aube comme au cœur de la nuit. Ils domptèrent la fatigue et ne savaient pas gémir. Ils façonnèrent la pierre pour meubler l’espace par d’imposants bâtiments, hôtels, écoles et somptueuses demeures. Ils aménagèrent des jardins, plantèrent des arbres, érigèrent des ponts et déroulèrent le bitume jusqu’aux confins des forêts, la neige aux genoux ou sous des averses. Ces hommes-là étaient maçons, peintres, électriciens, bouchers, jardiniers, commerçants, mécaniciens, employés des ponts et chaussées, cuisiniers, gardes-champêtres, pompiers, gardiens dignes de toute confiance, infirmiers et puis d’autres. Ils vécurent leur quotidien en une paisible communauté dans le respect de l’Autre, unis dans la joie et la peine, se contentant de ce qu’ils ont mais possédaient l’essentiel, avec autant de richesses au cœur, de fierté dans le regard, de dignité dans l’âme et d’humilité dans les rapports.
Du fond de mes souvenirs lointains, résonne encore l’expression de leurs moments de joie dans la diversité de leur us et culture, sachant que l’on n’aura plus droit à cette chaleur autour «d’El Amma», authentiques chants parvenus des entrailles du Tadla qui vibraient sous la direction du maestro Mohamed Ou Laarbi, mêlés aux partitions d’Ahidous et à d’autres saveurs du Maroc profond. On ne goûtera plus jamais à des parcelles de bonheur qu’ils savaient si méticuleusement confectionner sans artifice, là-bas à ‘’Timedikine’’, bien à l’écart du centre-ville pour ne point faire tache sombre sur le cliché.
Et du fond de mes premiers souvenirs d’enfant, je revoie encore l’un de ces hommes au fond de sa cellule de la prison d’Azrou. Il y avait été enfermé et menacé d’exil définitif hors de la ville d’Ifrane pour son entêtement, celui d’avoir refusé de devenir un indicateur de l’autorité coloniale. Il ne saurait le faire tellement son honneur, placé au-dessus de tout autre intérêt, avait fait de lui un homme de principes connu pour sa forte personnalité digne de son origine de Goulmima. Mais, sous la carapace de cette force de caractère se dissimulait tant de générosité qu’il offrait sans réserve et je conserve à ce jour, un ‘capital tendresse’ que mon père a su donner. A ces braves gens, honnêtes, intègres et laborieux, si grands dans leur modestie ; à cette catégorie d’hommes que le présent ne sait plus en produire, je rends, avec une grande émotion, un vibrant hommage. Ils nous ont laissé mieux qu’une ville, un havre de paix. Mais en avaient-ils profité? Que le visiteur prenne tout son pied, qu’il se laisse bercer par cette cité, dégagée de toute impureté, que des bâtisseurs nous ont léguée sans quitter les lieux, car, ils sont toujours là, bien au chaud dans nos cœurs et à jamais présents.
Ifrane est surtout cela, en tout cas dans ma propre vision des choses.
J’y retourne parfois pour me ressourcer en bien-être dans ce bout du Maroc qui semble retranché dans l’insouciance, bien à l’abri de toute agitation et qui reste en mesure de mettre tout visiteur en apesanteur, à l‘abri du stress cumulé sous le poids des grandes villes. C’est ici où l’on entend une feuille tomber de son arbre et qu’en fermant les yeux on sentirait bien l’âme de la ville et on se rendrait compte que souvent l’essentiel est en nous-mêmes. Ceci est l’Histoire d’une ville bâtie autrement.
La ville d’Ifrane telle que je la perçois, est une œuvre d’art, tirée en exemplaire unique, grâce aux bienfaits de la nature conjugués à la sueur des hommes qui l’ont bâtie. L’arrêt s’impose à ce sujet pour rendre, dans le respect, un hommage à ces hommes qui ont donné naissance aussi bien à la ville qu’à leur progéniture dont je fais partie. Ces hommes semblent être ignorés et passés sous silence, comme une fausse note, dans les témoignages, les descriptions et les études faites sur la ville, tout comme dans les échanges de souvenirs où l’on se créait des affinités que l’on avait pu avoir d’antan avec Msiou Jacques ou Mamzelle Charlotte. Ifrane fut en effet construite au début du siècle passé dans le souci d’atténuer le dépaysement des colons français installés au Maroc. On lui donna pour cela l’apparence d’un village de France. Mais elle fut bâtie par les bras de ceux qui furent classés sous le statut si péjoratif d’indigènes, citoyens de seconde zone dans leur propre pays. Ces hommes-là ont eu le mérite de donner une âme à cette localité. Leur empreinte est omniprésente sur chaque portion de la ville et ses alentours. Une empreinte aux multiples couleurs : Berbères, Attabis et Sahraouis, entre autres, furent unis par le destin à 1600 mètres d’altitude pour qu’émerge Ifrane des hauteurs du Moyen Atlas. Ils donnèrent pour cela le meilleur d’eux-mêmes, bravant froid et gel des hivers de montagne tout comme la canicule des étés. Ils étaient à l’œuvre dès l’aube comme au cœur de la nuit. Ils domptèrent la fatigue et ne savaient pas gémir. Ils façonnèrent la pierre pour meubler l’espace par d’imposants bâtiments, hôtels, écoles et somptueuses demeures. Ils aménagèrent des jardins, plantèrent des arbres, érigèrent des ponts et déroulèrent le bitume jusqu’aux confins des forêts, la neige aux genoux ou sous des averses. Ces hommes-là étaient maçons, peintres, électriciens, bouchers, jardiniers, commerçants, mécaniciens, employés des ponts et chaussées, cuisiniers, gardes-champêtres, pompiers, gardiens dignes de toute confiance, infirmiers et puis d’autres. Ils vécurent leur quotidien en une paisible communauté dans le respect de l’Autre, unis dans la joie et la peine, se contentant de ce qu’ils ont mais possédaient l’essentiel, avec autant de richesses au cœur, de fierté dans le regard, de dignité dans l’âme et d’humilité dans les rapports.
Du fond de mes souvenirs lointains, résonne encore l’expression de leurs moments de joie dans la diversité de leur us et culture, sachant que l’on n’aura plus droit à cette chaleur autour «d’El Amma», authentiques chants parvenus des entrailles du Tadla qui vibraient sous la direction du maestro Mohamed Ou Laarbi, mêlés aux partitions d’Ahidous et à d’autres saveurs du Maroc profond. On ne goûtera plus jamais à des parcelles de bonheur qu’ils savaient si méticuleusement confectionner sans artifice, là-bas à ‘’Timedikine’’, bien à l’écart du centre-ville pour ne point faire tache sombre sur le cliché.
Et du fond de mes premiers souvenirs d’enfant, je revoie encore l’un de ces hommes au fond de sa cellule de la prison d’Azrou. Il y avait été enfermé et menacé d’exil définitif hors de la ville d’Ifrane pour son entêtement, celui d’avoir refusé de devenir un indicateur de l’autorité coloniale. Il ne saurait le faire tellement son honneur, placé au-dessus de tout autre intérêt, avait fait de lui un homme de principes connu pour sa forte personnalité digne de son origine de Goulmima. Mais, sous la carapace de cette force de caractère se dissimulait tant de générosité qu’il offrait sans réserve et je conserve à ce jour, un ‘capital tendresse’ que mon père a su donner. A ces braves gens, honnêtes, intègres et laborieux, si grands dans leur modestie ; à cette catégorie d’hommes que le présent ne sait plus en produire, je rends, avec une grande émotion, un vibrant hommage. Ils nous ont laissé mieux qu’une ville, un havre de paix. Mais en avaient-ils profité? Que le visiteur prenne tout son pied, qu’il se laisse bercer par cette cité, dégagée de toute impureté, que des bâtisseurs nous ont léguée sans quitter les lieux, car, ils sont toujours là, bien au chaud dans nos cœurs et à jamais présents.
Ifrane est surtout cela, en tout cas dans ma propre vision des choses.