Ifrane : Al Akhawayn planche sur les zones arides


MOHAMMED DRIHEM
Mercredi 26 Mai 2010

Ifrane : Al Akhawayn planche sur les zones arides
La Faculté des sciences humaines et sociales de l’Université Al Akhawayn a organisé du 19 au 21 mai 2010 une conférence internationale sous le thème «Zones arides : environnements et sociétés menacées», suivie d’une excursion, les 22 et 23 mai, à l’oasis de Tafilalet dans l’objectif de regrouper des experts et des chercheurs nationaux et internationaux spécialisés dans les différents volets de la vie dans les zones arides.
Un contexte idéal a été offert aux experts dans le domaine pour présenter et discuter leurs idées avec un public composé d’académiciens, chercheurs,  professionnels, professeurs et d’étudiants autour de tables rondes pour finaliser une liste de recommandations valables pour tous les pays participants et particulièrement le Maroc et la région de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
Dans son allocution d'ouverture, Driss Ouaouicha, président de l'AUI, a tenu à signaler que cette conférence  se concentre sur l'environnement physique et social des zones arides, ainsi que sur les risques de l'aridité de ces zones qui constituent 80% de la plupart des pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord.
La croissance démographique, selon lui, crée de plus en plus de demandes sur ces écosystèmes fragiles que sont les  zones arides, outre la sécheresse qui peut entraîner de sérieuses perturbations.
 Dans cette optique, a-t-il ajouté, il s'avère important d'avoir une compréhension globale du problème et cette conférence, qui regroupe des chercheurs et académiciens spécialistes en la matière,  pourrait faciliter la diffusion de l'information et l'échange d'idées et d'initiatives pour combattre l'aridité dans nos pays.
Traitant de "La persistance des systèmes traditionnels d’irrigation dans les oasis du Sud-est marocain", Mhamed Mahdane, enseignant chercheur à la Faculté des lettres et des sciences humaines d’Agadir, a précisé que les systèmes d’irrigation traditionnels constituent une matière brute pour l’identification de quelques aspects, encore ignorés, de la culture et du patrimoine local des zones arides.
      Durant plusieurs siècles, a-t-il signalé, ces systèmes se sont développés et autour d’eux ont développé aussi un mode de vie complexe dans leur gestion que dans le bagage culturel qu’ils renferment. En effet, selon l'intervenant, les systèmes d’irrigation traditionnels, bien organisés autour de la vie paysanne, ont participé à l’identification de nouvelles frontières tant au niveau de la gestion qu’à celui des relations sociales. Ils véhiculent encore un savoir-faire et un héritage historique dont il  faut déchiffrer les codes.
Cette contribution de M. Mahdane a fait l’objet d’une étude comparative de deux systèmes d’irrigation traditionnels dans les oasis présahariennes du Sud marocain : celui de la vallée de Toudgha (Province de Tinghir) et de l’oasis de Skoura (Province de Ouarzazate).
En conclusion, l’intervenant a rappelé que la richesse patrimoniale et la mémoire collective que représentent ses deux systèmes sont à la base de cette contribution, sans se démarquer de l’idée de la revalorisation des composantes matérielles et immatérielles de ce patrimoine.
Pour sa part, l’anthropologue Toufik Ftaïta de l'Université de Nice Sophia Antipolis – France (Laboratoire : CIRCPLES EA 3159) qui a abordé le sujet des "Oasis entre disparition et patrimonialisation: enjeux et perspectives", a souligné que l'eau est et reste l'élément structurant de la société oasienne. Dans sa communication, il a abordé les enjeux actuels de l'eau et du développement durable dans les zones arides où des hommes et des femmes ont façonné ce type d'écosystème et où on assistait jusqu'à un passé récent à un équilibre environnemental et social aujourd'hui rompu.
Désormais, a-t-il ajouté, les oasis se meurent petit à petit et avec elles tout un savoir et un savoir-faire qui ont fait largement leurs preuves en montrant l’intime imbrication entre milieux, techniques et sociétés. Le savoir technologique traditionnel et les différentes réglementations juridiques coutumières ont permis de gérer rationnellement et socialement des ressources en eau très limitées en montrant les capacités des communautés oasiennes à tirer profit des potentialités de leur milieu naturel et à gérer les conflits sociaux et politiques très graves liés à l’appropriation et à l’accès aux ressources.
Pour l'intervenant, les oasis nous offrent un patrimoine matériel et immatériel hors du commun. La gestion technique de l’eau à travers la multiplicité des aménagements hydrauliques et les techniques d’irrigation révèlent tout un savoir et savoir-faire oasien. Quant à la gestion sociale de l’eau, elle est le socle sans lequel toute gestion de la ressource se serait vaine. En effet, les oasiens ont développé tout un arsenal juridique (droits coutumiers) légitimé par des institutions sociales et politiques ayant permis de gérer la rareté et sauvegarder l’équilibre fragile entre ressources  prélèvements, autrement dit les rapports entre société et environnement.
Selon M. Ftaita, les communautés oasiennes sont aujourd’hui menacées par des réglementations juridiques modernes, par des transferts de l’eau (de l’eau d’irrigation à l’eau de la ville) qui remettent en cause le principe de l’appropriation coutumière et qui sont en contradiction avec l’histoire sociale et politique de ces communautés, menaçant ainsi la pérennité des organisations sociales et des institutions politiques traditionnelles. Aujourd'hui, les oasis vivent une série de crises. Certaines sont d'ordre écologique liées à la nature du milieu, à la raréfaction de l’eau, d'autres sont largement dues aux activités humaines et aux conséquences de la modernisation.
 Afin de répondre aux interrogations,  l'intervenant a présenté les résultats d’une recherche s’inscrivant dans le domaine de l’anthropologie de l’eau et de l’irrigation. L’exemple des communautés oasiennes du Sud-ouest du Maroc vivant dans un milieu aride caractérisé par un déficit en eau et en sol, une région où la mobilisation des ressources en eau s’avère indispensable pour la survie des communautés rurales, offrira un cadre  pour analyser les apports de l’anthropologie face aux enjeux actuels de l’eau et du développement durable.
A travers cet exemple, il a essayé d’appréhender la question de l’aridité, de l’irrigation et du développement durable dans ce type d’écosystème pour conclure avec ces quelques interrogations: Peut-on concilier cette contradiction ? Comment les communautés oasiennes composent-elles  avec un milieu hostile ?  Comment les populations locales accèdent-elles et gèrent-elles leurs ressources naturelles ? Quel projet de développement peut-on envisager ?
Abordant le sujet de la "Dynamique éolienne dans la plaine de Souss : Approche modélisatrice de la lutte contre l’ensablement",  Abdelilah El Ghannouch du laboratoire de géo-environnement et géologie appliquée (LAB.) à la Faculté des sciences Rabat-Agdal a souligné que la région du Souss connaît de graves problèmes écologiques, liés à l’érosion éolienne et à la migration des dunes qui accélèrent le processus de désertification. Cette région, a-t-il précisé,  est actuellement sous la menace de l’invasion par des sables de son infrastructure de base (routes, canaux d’irrigation, champs de culture,…etc.) dont l’impact socio-économique se traduit par la baisse de la production agricole et la réduction des espaces pastoraux. Autant de facteurs qui alimentent l’exode rural massif vers la ville d’Agadir et les centres urbains avoisinants et  la réduction des opportunités d’emploi pour une grande partie de la main-d’œuvre traditionnellement employée dans les activités agropastorales. 


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