-
SAR la Princesse Lalla Asmaa inaugure le Centre “Princesse Lalla Asmaa” de Meknès
-
Pourquoi le Groupe socialiste a voté contre le projet de loi 59-21 relatif à l’enseignement : Les 13 griefs justifiant le NON ittihadi
-
SM le Roi donne Sa Haute Approbation pour instituer le 9 décembre de chaque année comme journée nationale de la médiation de service public
-
Débat à Tanger sur le mécanisme de libération conditionnelle
«Depuis sa mise en œuvre, nous avons renforcé les acquis du secteur et levé ses contraintes grâce à la recherche scientifique, l'aménagement et la surveillance accrue», a-t-elle affirmé lundi, citant des chiffres éloquents : 6 milliards de dirhams de valeur ajoutée (1% du PIB), 28,8 milliards d’exportations (+15% vs 2021) et un réseau portuaire boosté par des infrastructures phares comme Casablanca, Tanger, Lmehriz et le futur Dakhla Atlantique.
Mais derrière ces succès macroéconomiques, de persistantes inégalités régionales et pressions climatiques interpellent, dans un contexte où le déclin des stocks côtiers alimente l’exode des jeunes.
Un secteur en pleine mutation : chiffres et infrastructures à l’appui
Zakia Driouch, première femme à présider la Commission internationale pour la conservation du thon atlantique (CICTA), n’a pas lésiné sur les métriques pour vanter « Halieutis». Le secteur génère désormais 135.000 emplois directs (260.000 au total), avec 42 villages de pêcheurs construits et 9 projets en cours, dont un à Driouch (147 millions de DH). «Les fluctuations climatiques pèsent sur la sardine, notre atout majeur, mais la dynamique est forte», a-t-elle insisté, évoquant 61 marchés numérisés pour plus de transparence et 14 marchés de première vente de nouvelle génération.
L’aquaculture émerge comme fer de lance : 24.000 hectares aménagés, 329 projets autorisés (184 actifs), visant 500 millions de DH de chiffre d’affaires et 4000 emplois.
Soutiens fiscaux (exonération TVA sur intrants, douanes aliments de 40% à 2,5%) et 112 projets sociaux solidaires complètent le tableau. Pour la pêche artisanale – 23% de la production nationale (3,8 milliards de DH), 60.000 emplois –, 30 plans d’aménagement, 8 réserves marines, caisses isothermes par bateau et tracteurs pour 23 coopératives (11 millions de DH) garantissent « durabilité et rentabilité». Couverture sociale totale et pensions assouplies achèvent cette mosaïque.
Précarités occultées : emplois saisonniers et pression climatique
Cependant, ce narratif technocratique masque des réalités plus sombres. Les emplois vantés restent souvent précaires : salaires modestes (3.000-5000 DH/mois), saisonnalité accrue par la surpêche (-30% de sardine depuis 2015) et le climat. En effet, les côtes méditerranéennes et atlantiques du Royaume ne constituent pas une exception aux défis mondiaux et régionaux ; elles représentent au contraire un foyer particulièrement sensible, enregistrant des niveaux record d’exposition au changement climatique. Cette vulnérabilité s’explique en grande partie par la forte concentration des activités économiques dans les zones littorales, ce qui accentue les pressions environnementales déjà existantes.
A titre d’exemple, la température moyenne de la surface de la mer Méditerranée a atteint en juin 2023 son niveau le plus élevé jamais enregistré, avec une moyenne de 28,71 °C, selon des données recueillies par le programme européen Copernicus. Cette hausse des températures provoque la migration ou la mortalité massive de certaines espèces, entraîne une dégradation des écosystèmes et réduit la capacité des couches océaniques à se mélanger entre le fond et la surface, ce qui perturbe la distribution des nutriments indispensables à la vie marine.
Ce phénomène est lié à ce que l’on appelle l’upwelling (remontée d’eaux profondes), un processus qui pousse vers la surface des eaux riches en nutriments. Or, ce mécanisme, essentiel pour la productivité biologique des côtes marocaines, se trouve de plus en plus fragilisé sous l’effet du réchauffement climatique.
La province de Driouch, bénéficiaire d’un village à 147 MDH, illustre le paradoxe : le chômage endémique (15-20% des côtes) pousse à l’émigration irrégulière, touchant même des élus locaux. Les femmes et jeunes sous-qualifiés, exclus des hubs urbains (Casablanca, Tanger), peinent à intégrer des coopératives dont le nombre reste limité (seulement 23 tracteurs).
La numérisation des marchés, louable, écarte pêcheurs analphabètes ou âgés, perpétuant un élitisme urbain. L’aquaculture, dépendante d’intrants importés, risque de creuser les inégalités : qui profitera des 4.000 emplois promis ? La centralisation portuaire (Dakhla, Sahara) néglige les périphéries rifaines ou atlantiques, où des vulnérabilités sociales dopent les flux migratoires.
Migrations en filigrane : du chalutier au haraga
Le silence de Zakia Driouch sur les liens pêche-migration est assourdissant. Plusieurs territoires montrent comment le désespoir économique – amplifié par le déclin halieutique – initie des exodes via des réseaux familiaux, idéalisant l’Europe. Les pêcheurs artisanaux, souvent exploités, alimentent ces flux migratoires. D’autant plus que la faiblesse de la couverture sociale dans le secteur de la pêche constitue l’un des points les plus préoccupants du modèle socio-économique maritime au Maroc.
En effet et malgré l’importance de ce secteur, qui emploie des milliers de marins et contribue fortement aux exportations nationales, une grande partie des travailleurs reste en dehors des dispositifs formels de protection. Les causes en sont multiples : forte présence de l’informel, contrats précaires, rotation rapide de la main-d’œuvre, absence de déclarations régulières à la CNSS, ainsi qu’un contrôle limité des conditions de travail en mer. Cette situation expose les pêcheurs à des risques élevés — accidents, maladies professionnelles, instabilité des revenus — sans garantie d’indemnisation ni de retraite. Elle fragilise également les familles, qui dépendent souvent d’activités saisonnières ou aléatoires pour vivre.
Hassan Bentaleb










