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France : La relance permanente ?


*Emmanuel Martin
Mercredi 31 Décembre 2008


Le  5 décembre dernier,
le Président Sarkozy
annonçait la création d’un
ministère de la relance afin de répondre au défi de la crise qui frappe l’économie française.
Au-delà de la contestabilité des plans de relance qui fleurissent partout dans le monde, c’est
l’institutionnalisation de la relance en France qui semble
problématique. Dans l’article
que nous vous proposons
aujourd’hui, Emmanuel
Martin éditorialiste sur UnMondeLibre, s’interroge
sur cette logique de relance
permanente et montre, dans
un style limpide, comment
l’institutionnalisation
de la relance est la preuve
incontestable de son inefficacité, d’où la nécessité d’une nouvelle approche du traitement
de la crise actuelle.
La «relance» va-t-elle devenir une institution de long terme en France ? Le discours du Président Sarkozy semble bien apporter une réponse positive à la question. Il a en effet annoncé la création d’un ministère de la Relance et par ailleurs indiqué que la crise actuelle nécessitait de « transformer profondément le monde, tout changer ». Des économistes prévoient des nouvelles relances début 2009. Tout cela sonne comme une entreprise de relance permanente.
Dans un certain sens, cela peut paraître inquiétant. Il y avait déjà eu le Ministère de la Réforme de l’Etat. Institutionnalisé pour démontrer que le souci de réforme de l’Etat était permanent, il a aussi pu faire diversion : en effet, ce que d’aucuns qualifient de « réformite aigüe» permettait en réalité de ne pas faire les réformes dignes de ce nom. En matière de relance, s’il peut paraître heureux qu’une « relance digne de ce nom » (comme en 1981) n’ait pas été engagée aujourd’hui, cette idée de « relance permanente », institutionnalisée, est tout de même problématique, et conduit à se poser la question de la logique de relance.
A y regarder de près, la relance proposée n’est pas aussi massive que ce que le Président veut bien le faire croire. Sur les 25 milliards annoncés 11 milliards d’€ seront en réalité des remboursements anticipés de l’Etat aux entreprises (crédits de TVA, d’impôt sur les sociétés, et crédit d’impôt recherche habituellement remboursable en trois ans) pour 10,5 milliards. Il est certain que cela constituera une bouffée d’oxygène pour la trésorerie de nombreuses entreprises en une période où les banques sont réticentes à combler les trous. Les entreprises de moins de 10 salariés verront leurs charges patronales allégées.
La politique de «grands travaux» consiste de son côté à exhumer des projets dans l’infrastructure publique qui peuvent effectivement avoir une efficacité sociale. Le soutien à l’automobile avec une nouvelle prime à la casse dont au connaît la nocivité à moyen terme, et des aides à l’innovation apparaissent très contestables. La relance du bâtiment repose essentiellement sur le prêt à taux zéro (une idée tout aussi contestable) et la construction de 70000 logements supplémentaires.
Ainsi M. Sarkozy anticipe que le plan d’investissement puisse produire 0,8 point de croissance en 2009, et jusqu’à 110.000 emplois. En contrepartie, le budget de l’Etat devrait atteindre un déficit de 3,9% en 2009 selon le Premier ministre, M. Fillon. S’il n’y a pas de certitudes sur les effets positifs du plan de relance, on sait au moins au minimum combien il coûtera.
Le Président dit vouloir « en finir avec l’Etat bureaucratique », et c’est bien de ce côté-là qu’il faudrait se tourner. Mais dans ces conditions, une relance digne de ce nom, tout comme une réforme digne de ce nom, nécessiterait d’assainir, « transformer en profondeur » - comme dit le Président- l’économie du pays. Or, la relance présente va encore complexifier les règles, créer de nouvelles subventions, de nouvelles redistributions. La classe politique doit comprendre que l’économie a besoin de règles simples, claires, lisibles, stables pour que le jeu économique se fasse dans la sérénité.
De même l’administration publique doit s’alléger, d’autant que son action ne consiste quasiment plus à investir pour la communauté mais à embaucher essentiellement. La structure de la dépense est inefficace. Dans le pays vice-champion du monde en matière de dépenses publiques, les citoyens ne voient pas vraiment où part leur argent.
C’est là un problème de la démocratie à la française. Ce phénomène trouve sans doute ses racines dans une fausse décentralisation dans laquelle les strates d’administration se sont accumulées sans pour autant être responsables de leurs dépenses devant les citoyens. La croissance de l’administration publique française, par son poids sur la fiscalité et par les rigidités réglementaires qu’elle induit, a généré une inertie de l’économie hexagonale.
Le meilleur moyen de faire face à la crise, c’est de permettre à l’économie d’être réactive - et non pas d'être dans l’attente de protections, c’est de simplifier la vie des entrepreneurs et leur donner envie de créer et donc d’embaucher face à une situation difficile. La réactivité suppose donc la simplification réglementaire, l’allégement des structures coûteuses et inefficaces de l’administration publique qui pèsent sur les consommateurs, les contribuables et les entreprises. Bref, tous ces éléments que l’on ne trouve pas vraiment dans la relance actuelle.
Tout comme les réformes françaises depuis des décennies, cette nouvelle relance tient du replâtrage et si elle pourra créer des emplois d’un côté, ne manquera pas d’en détruire d’un autre.
Une relance « ambitieuse et massive » par l’investissement supposait autre chose : une libération de l’entrepreneuriat. Hors de cette perspective, la « relance » deviendra permanente parce qu’inefficace. Les employés du nouveau ministère ne pourront que s’en réjouir…
*Emmanuel Martin est docteur en science économique, éditorialiste sur www.UnMondeLibre.org.
 
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org.



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