Fin de mandat pour Hafid Boutaleb : Plaidoyer pour l’institutionnalisation de l’action de l’Université

C’est un président d’université qui s’en va en prenant soin de préparer l’arrivée de son successeur. Un président d’université dont le deuxième mandat –non renouvelable, s’empresse-t-il de préciser- s’achève au mois de juin et qui a fait en sorte qu’une transition tranquille s’opère entre l’équipe dirigeante sortante et celle qui sera aux commandes du pouvoir dans les prochaines semaines. Hafid Boutaleb, le président de l’Université Mohammed V-Agdal, UM5A, est de ceux, plutôt rares en terre marocaine, qui défendent avec force le principe de l’accumulation. « Le Maroc a perdu tellement d’années, tellement de temps parce que les responsables ne sont pas adeptes de l’accumulation », soupire ce président d’université. Alors, il a voulu, avec l’équipe dirigeante à ses côtés depuis 8 ans, « instaurer une tradition d’accumulation à l’université, pour ne pas repartir de zéro ». Bref, il s’agit d’institutionnaliser l’action de l’université, loin de toute instabilité. D’autant que cette année, 8 universités sur 15 changent de présidents et d’équipes dirigeantes.
La tradition d’accumulation a donc pris forme avec la publication de quatre ouvrages que Hafid Boutaleb a présentés à la presse jeudi 28 mai à Rabat. « Programme de développement 2009-2012 de l’UM5A dans le cadre du programme d’urgence gouvernemental 2009-2012 », « Organisation et référentiel des emplois et des compétences de l’UM5A », « Guide des indicateurs de performance » et enfin « Plan de mise en œuvre du programme d’urgence 2009-2012 pour l’UM5A », c’est d’une véritable feuille de route dont disposera le prochain président de l’Université Mohammed  V-Agdal. L’équipe dirigeante sortante a pensé à tout, y compris à ce que n’a pas fait le gouvernement. Exemple, l’université marocaine ne dispose toujours pas d’organigramme de l’université  et la création d’une instance nationale d’évaluation, telle que prévue par la loi 01 se fait toujours attendre. Une équipe qui a aussi balisé le chemin.  « L’équipe dirigeante qui va nous succéder  aura aussi et surtout beaucoup de travail. Si nous lui laissons un plan de mise en œuvre du programme d’urgence, il devra aussi assurer sa pérennité après 2012. Tous ces  changements d’équipes dirigeantes peuvent provoquer une instabilité au sein de l’université marocaine. Ce qui a poussé l’université Mohammed V-Agdal à apporter sa contribution dans le cadre de la stabilité de l’enseignement supérieur », explique H. Boutaleb.
Le président de l’UM5A s’interdit d’être dans l’exercice théorique. D’autres publications à paraître dans les semaines à venir viendront en témoigner. D’abord une évaluation interne de l’université qui regroupera trois années universitaires, de 2007 à 2009 et sera axée sur des indicateurs de performance.
Un guide d’insertion des étudiants six mois après l’obtention de leurs diplômes fait partie des publications prochaines à paraître. H. Boutaled en annonce déjà les premiers résultats et ils sont surprenants (voir encadré). Enfin, un guide des études à l’Université Mohammed V-Agdal viendra présenter les 118 filières et leurs programmes que compte cette université. Pas besoin d’un cabinet d’études international ou national pour faire l’état des lieux. « Je ne suis pas contre de tels cabinets d’études mais où est la politique là-dedans ? La question technique est presque subsidiaire face à la vision politique qui est essentielle. On ne résout pas un problème en le confiant à un bureau d’études. Chez nous, c’est devenu un excès. La politique n’existe plus », conclut Hafid Bouataleb.


Des chiffres et des lettres

Six mois après l’obtention de leur licence, les lauréats de la faculté des lettres sont ceux qui ont le moins de problème d’insertion. Ils sont en effet 26% de licenciés de la faculté des lettres à avoir trouvé un emploi, six mois après leur diplôme. Ils sont suivis de près par les licenciés de la fac de droit, 25%. Et ils ne sont que 13% de lauréats de la fac des sciences qui travaillent après l’obtention de leur licence. Le constat tombe et tord le cou à une première idée reçue : la fac des lettres ne forment pas que des chômeurs.
Les lettres sont loin d’être un passeport pour l’emploi puisqu’ils sont 57% de licenciés de la fac des lettres en quête d’emploi contre 38% issus de la fac de droit et 21% provenant de la fac des sciences.
D’autres chiffres contenus dans cette étude que publie dans les prochaines semaines l’Université Mohammed V-Agdal donnent à réfléchir. Les scientifiques sont sur la première marche du podium des études supérieures : ils sont 66% à poursuivre leurs études après la licence, contre 37% de licenciés en droit qui décident d’aller plus loin. Ceux et celles qui obtiennent une licence de la fac des lettres font figure de cancres. Ils ne sont que 17% qui décident d’aller plus loin.
Mais attention, prévient Hafid Boutaleb, la moitié des licenciés ne sont pas satisfaits de leur insertion. « Comme à peu près tout le monde. Le Marocain aspire à toujours mieux».