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Cette adolescente fait partie de ces femmes de pays d'Asie du sud-est, vietnamiennes, laotiennes ou cambodgiennes, victimes collatérales de la politique de l'enfant unique en Chine, un pays où les familles préfèrent avoir un garçon qu'une fille. Celle-ci a engendré un des pires déséquilibres démographiques au monde, avec des millions d'hommes ne trouvant pas d'épouses.
Certains sont prêts à faire appel aux trafiquants d'êtres humains, semant la peur dans les communautés pauvres du nord du Vietnam.
Kiab, dont le prénom a été changé, a passé près d'un mois dans sa "belle-famille" en Chine, avant de réussir à fuir.
Les policiers chinois l'ont renvoyée vers le Vietnam, où elle vit désormais avec une dizaine d'autres femmes dans un foyer créé par l'Etat pour les rescapées de trafics, comme elle.
"Mon frère n'est plus un être humain à mes yeux, parce qu'il m'a vendue, sa propre soeur, à la Chine", raconte l'adolescente à l'AFP dans ce foyer situé à Lao Cai, non loin de la frontière chinoise.
"J'avais beaucoup entendu parler de trafics. Mais je ne pouvais pas imaginer que cela m'arriverait à moi. Que mon propre frère me tromperait", se lamente la jeune fille, venue comme de nombreuses victimes d'ethnies des montagnes isolées du nord du Vietnam.
Les autorités ont enregistré près de 1.000 victimes de trafiquants en 2013, dont 70% à destination de la Chine. Mais nul ne connaît le nombre de Vietnamiennes retenues en Chine contre leur gré.
Le même phénomène "systématique" est observé à travers l'Asie du sud-est par les défenseurs des droits de l'Homme.
"Ce problème a été largement passé sous silence par les autorités chinoises", accuse Phil Robertson, de l'ONG Human Rights Watch (HRW).
Les filles peuvent être vendues jusqu'à 5.000 dollars comme fille à marier ou à des bordels, selon Michael Brosowski, de la Fondation Blue Dragon Children, qui a secouru 71 femmes depuis 2007 au Vietnam.
"Les filles sont trompées par des gens qui se prétendent leurs petits amis ou leur offrent du travail", confirme-t-il, alors que de nombreuses femmes rencontrées ont été vendues par leur famille, comme Kiab.
Selon les experts, de nombreuses Vietnamiennes sont contraintes de se prostituer en Chine. Mais, de crainte d'être ostracisées de retour au pays, elles disent avoir été mariées de force.
Dans la ville frontalière de Lao Cai, travailleurs et commerçants traversent quotidiennement la frontière montagneuse qui sépare sur 1.350 km la Chine du Vietnam.
Nombre d'entre eux la passent illégalement et les trafics sont en tout genre, volailles, fruits ou femmes.
"Les femmes qui sont victimes de trafic viennent souvent de régions montagneuses isolées. Parce que nous ne sommes pas informées", confirme Lang, 18 ans, vendue à une famille chinoise par un ami.
La population de ces régions montagneuses craint pour la sécurité des jeunes filles.
"Je suis si inquiète à cause de cela, comme toutes les mères des villages. C'est déjà arrivé à de nombreuses filles", soupire Phan Pa May, doyenne de la communauté de Red Dao.
"Je suis inquiète pour ma petite-fille. Nous demandons toujours où elle sort. Nous lui disons de ne pas parler au téléphone et de ne faire confiance à personne", dit-elle.
Les autorités vietnamiennes ont pris le problème en charge depuis quelques années.
Le refuge de Lao Cai, ouvert en 2010, a secouru des dizaines d'entre elles.
Mais la source du problème reste l'extrême pauvreté des communautés montagnardes. Et le défaut d'éducation, dans ces villages qui souvent ne parlent pas vietnamien.
Le gouvernement vietnamien a lancé un programme de sensibilisation dans ces régions, afin d'inciter les jeunes filles à se méfier des inconnus.
Mais, quand les trafiquants sont des membres de leur propre famille, le combat est plus difficile. Cela devrait passer, selon les acteurs du secteur, par des procès menés au niveau local, pour dissuader oncles et frères peu scrupuleux.
Au Cambodge voisin, des procès ont été organisés récemment, ce qui n'a pas empêché le phénomène de se poursuivre, souligne la Ligue cambodgienne de défense des droits de l'Homme (Licadho).