Fenêtres … : Traduction et Altérité

Jeudi 5 Novembre 2009

Si l’altérité se définit, sur le plan philosophique, comme étant la reconnaissance de l’existence de l’autre comme différence, elle ne se cristallise qu’à travers une acceptation inconditionnée de l’autre dans sa particularité essentielle. La traduction, quant à elle, peut se définir comme lieu d’opérationnalisation et de mise en oeuvre de cette différence. La traduction se veut un dialogue libre et responsable avec l’autre par le truchement de la langue comme support et comme passeur de la pensée. Il s’agit de permettre à la pensée de l’autre de survivre grâce au voyage que lui permet l’exercice de la traduction. Dans son essai Al-adab wa-l-irtiy?b, Abdelfattah Kilito stipule que le texte ne peut acquérir une nouvelle apparence, donc un nouveau visage que lorsqu’il est dépaysé. Le dépaysement signifie ici le revêtement du texte, des idées du texte et de la pensée de l’auteur du texte de nouveaux costumes langagier et linguistique. Ainsi, le texte dépaysé disparaît pour réapparaître sous un nouveau jour et jouit non seulement de sa réception massive et curieuse de la part de l’autre, mais aussi et surtout de l’admiration que lui réservent les usagers de sa langue d’origine. La traduction offre au texte d’origine le bonheur de l’évasion et de l’épanouissement loin de l’enracinement et du croupissement dans sa langue d’origine. Migration, la traduction rend le texte migrateur libre et responsable de son devenir comme sens/non sens. Ainsi la traduction se permet-elle de re-définir  le sens premier du texte, de toucher à ses secrets, à ses mystères et à son intimité. D’où toute traduction est une (ré) interprétation du texte, une violence symbolique exercée sur sa volonté d’être absolu.  Elle met en crise son unicité sémantique tout en le sommant de se justifier comme trace énigmatique parmi les traces et d’étayer sa raison d’être. Traduites, les œuvres d’Averroès et de Maïmonide, à titre d’exemple, ont le bonheur d’être universalisées car la profondeur de leurs leçons altéritaires les justifie et la grandeur de leurs entreprises étaye leurs raisons d’être.  
Dans cette optique, la traduction participe activement à la réduction des écarts existant entre cultures et civilisations. Elle possibilise la rencontre de l’autre dans sa différence et dans son droit d’être différent. Le cheminement est ainsi prometteur dès lors que Traduction est synonyme d’Accueil et d’Hospitalité. En effet, traduire l’autre demeure le signe volontaire de l’accueillir chez soi, dans sa langue propre. Toute altérité et tout universalisme doivent, dès lors, passer par la sensibilité de la traduction. Telle s’avère être la leçon adoptée par Goethe, leçon selon laquelle  la traduction est un instrument de construction de l’universalité. 

Atman Bissani

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