Fenêtre... : Vivement naturel

Jeudi 27 Mai 2010

«Etre ou ne pas être, c’est la question.» Ainsi parlait  le personnage de Shakespeare dans Hamlet. Ce qui définit l’être, suivant ce mot shakespearien, c’est qu’il est existentiel, c’est-à-dire qu’il cherche à donner sens à son existence. Le mot de Shakespeare, qui se veut une réflexion philosophique sur la vie et la mort, l’être et le néant, le plein et le vide, peut être ici une interrogation sur l’être dans ce qu’il a de plus ambigu : le sens de son existence. Qu’est-ce que exister ? Pourquoi exister ? Qu’est-ce que la vie ? Qu’est-ce que la mort ? Autant de questions métaphysiques qui stipulent l’indécidabilité de se statut, problématique par essence, de l’être : être-dans-le-monde. Exister revient à dire signifier, avoir un sens, manifester une quiddité. L’homme moderne n’est plus l’homme de la simplicité; il est l’homme de la complexité. Les temps modernes traduisent une crise au niveau ontologique de l’être du fait que celui-ci a abouti à une impasse identitaire qui l’oblige à vivre confusément entre, d’un coté, son essence humaine, c’est dire l’homme du naturel qui nourrit l’intériorité ; et, de l’autre, sa superficialité, c’est dire l’homme de l’artificiel qui nourrit l’extériorité. Dans cette optique, les temps modernes sont devenus les temps où l’homme a passé de l’être à l’étant, de l’être sensible à la poétique que relate la nature dans son état brut et intact à l’être insensible qui vit suivant le rythme que lui dicte la technique. Par trop quémander une présence/existence parfaite, l’homme des temps modernes, être numérique par excellence, est devenu frelaté. Artificiel, esthétique et factice, l’homme des temps moderne se noie dans la structure de son excès de calcul. Dans son ouvrage intitulé « Le principe de raison », Heidegger distingue, dans ce sens, entre ce qu’il appelle une pensée calculante et une pensée méditante. La pensée calculante c’est la pensée technique qui prive l’être de son essence tout en l’orientant vers la technicité comme principe, soi-disant, essentiel de son existence. Quant à la pensée méditante, elle relève de l’acte et de l’art de méditer en tant que principe sine qua non à la demeure et à la survie de l’être comme expérience de la profondeur. Il est connu que l’ontologie est l’une des branches fondamentales de la métaphysique. Il est connu aussi que la métaphysique est une branche de la philosophie qui s’essaie à la compréhension de la réalité de l’au-delà, à la déconstruction des mécanismes de son fonctionnement. Aussi l’être, comme phénomène ontologique, est-il constitué d’un sens occulté (appelons-le signifié-être, c’est dire la dimension métaphysique qu’il recèle), et d’un sens apparent (appelons-le signifiant-être, c’est dire la dimension physique qu’il manifeste.) C’est bien entre l’être en tant que signifié/signifiant que s’introduit la technique comme phénomène elle aussi, mais surtout comme métaphysique définissant la structure des temps modernes. L’être technique demeure l’être qui se fuit vers une essence qui, au lieu de le définir, le dénature. C’est l’être de l’apparence, c’est l’être-simulacre qui ne résiste point aux imprévus de la réalité. Et comme le naturel interpelle un regard propre au cœur car il cherche la part métaphysique de l’être, l’artificiel, lui, nécessite un regard matériel puisque sa visée est matérielle. Toute harmonie existentielle mettant en jeu l’être et son paraître doit forcément passer par le travail de l’intériorité, du fait que celle-ci fonde la réalité humaine en tant que sens occulté, certes, mais essentiel. Le « Etre ou ne pas être, c’est la question » de Shakespeare est d’ors et déjà un engagement de l’être vis-à-vis de son essence. Libre à lui de choisir entre signifié et signifiant, entre naturel et superficiel, entre être et étant, entre effectif et kitch. Dans un monde où l’homme est perdu entre la logique de sa sensibilité humaine et la logique de la technique, c’est l’être qui se sépare douloureusement de sa nature et de son naturel pour errer dans les profondeurs abyssales de l’illusion et de l’illusoire. Pour récupérer son essence perdue dans les décombres de la technicité, l’homme des temps modernes est vivement appelé à récupérer le sens de ces mots si simples qui le définissent sans fard aucun : Amour et Bonheur…

Atmane Bissani

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