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Fenêtre... : Propos sur la mode


Atmane Bissani
Jeudi 16 Septembre 2010

Nul ne peut concevoir le système de pensée d’une génération donnée sans interroger son style de vie, ses tendances culturelles et sa conception de la mode. La mode est une pensée qui structure une époque. Elle la définit et la nuance. La mode est une restructuration du réel. Elle est son refus et son exclusion du fait qu’elle l’abroge. Mise entre parenthèses des schèmes de ce qui fut, la mode est un devenir qui dénonce l’idée du déjà fait. Ceci étant dit, la mode a toujours été liée aux transports de la jeunesse, à ses métamorphoses et péripéties. Elle est la philosophie des jeunes. Elle est l’essence de leur temps. Elle est le visage qui dit leur étrangeté légitime par rapport aux normes et conventions de la société. La mode est donc une réaction contre le système de la doxa. Elle est une énergie qui se refuse à la dépendance en ceci qu’elle traduit la dynamique juvénile en tant que dynamique en marche. Ainsi, la mode, en tant que système, est-elle une vision du monde, voire une idéologie qui, aux niveaux technique et esthétique, pose des questions si sérieuses et si délicates relatives à l’instant historique que traversent la société et sa jeunesse. Au fond, la mode comme système de pensée porte en elle des éléments de réponses aux questions soulevées par ses adeptes. Accéder à ces éléments de réponse nécessite un travail de déconstruction des structures profondes qui fondent la logique épistémologique d’une société et d’une jeunesse données. Etre à la mode revient à dire appartenir à son époque et aux interrogations de sa génération. Etre à la mode c’est être en devenir. Etre à la mode c’est être moderne. La modernité en fait passe essentiellement par l’acceptation du nouveau, de la mode comme revendication du changement. Toute mode est révélatrice de quelque changement. Le changement, lui, retrace le cheminement de la mode en tant que processus historique. Prise dans cette perspective, la mode est transgression du conventionnel. Elle est création du différend. Elle est le contraire de l’éternel car son maître mot est le versatile. La sociologie et la psychologie ont certainement leur mot à dire quant à la question de la mode. En effet, sociologiquement, le changement des structures de la société engendre forcément des changements au niveau de la représentativité du réel et, conséquemment, au niveau de la psychologie des individus. C’est dans cette optique que la mode traduit le sociologiquement différent et le psychologiquement particulier. La mode neutralise le néant. Elle émane de sa contemplation. La mode est synthèse. Elle synthétise l’histoire d’une génération. La mode n’efface pas la trace des anciens, elle la retravaille en vue d’en faire le lieu où s’entrecroisent présent et passé. La preuve en est que les jeunes  ne cesse de revenir sur les formes esthétiques d’antan. Ils y voient une pâte à refaire, une matière à refondre. La mode est réinterprétation du réel. Elle est quête permanente du beau, de l’exquis, du fantastique, du bizarre et du faramineux. La mode est survivance de la marge. Elle se nourrit de ses rêves. Elle colmate les brèches de son tragique existentiel. La mode est dénonciation du silence. A travers le choix de leur musique, à travers le choix de leurs vêtements, à travers le fonctionnement de ce support matériel qu’est le corps, les adeptes de la mode réclament à cor et à cri leur droit de cité comme voix relatives  aux zones exclues de la société. Représentation d’une part de vérité, la mode soulève aussi le problème de l’identité de individu. Entre son enracinement dans une culture bien précise et son ouverture sur la culture de l’autre, l’individu vit un dilemme identitaire, soi et autrui, même et autre. Dans ce sens, la mode peut permettre à l’altérité, le droit à la différence, de réduire l’écart entre la culture du même et celle de l’autre. D’où la mode c’est ce qui chez l’autre crée l’admiration du même. C’est cette particularité étrangère qui définit l’autre et devient familiarité chez le même. La mode est ouverture sur le typiquement autre et conditionnement du typiquement même. L’ainsité de la mode se veut sa faculté de faire cohabiter étrangeté et familiarité dans un espace public accueillant. Pour nourrir le droit à la différence, la mode se nourrit de son propre dépassement. La mode c’est ce qui demeure sans pour autant demeurer… 
   


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