Fenêtre : Le fondamentalisme conceptuel


Atmane Bissani
Jeudi 6 Octobre 2011

Le fondamentalisme conceptuel porte atteinte essentiellement à la production d’un « sens » qui serait neutre et inachevé. Il déforme la logique de la pensée libre pour en définir une autre qui se refuse à tout esprit critique et à toute liberté de penser. Fondamentalisme conceptuel car ses fondements théoriques et pratiques sont nourris des lois métaphysiques incompatibles avec le réel et ses exigences. Conceptuellement, ce fondamentalisme demeure dans une abstraction en déphasage total avec la réalité telle qu’elle doit se vivre. Pour les adeptes du fondamentalisme conceptuel, le sens est unique, inaltérable, intraduisible et inimitable car il émane directement d’une source fiable qu’est la logique de la Lettre. Toutefois, et par référence à la logique de la raison, le sens est en mouvement ou n’est pas. Sa mort prématurée est programmée depuis sa conception comme idée. Le sens est une négation d’un sens et affirmation d’un autre. Le sens naît d’un télescopage conscientiel des idées. Sa négation est une restructuration de son devenir qui ne s’affirme que lorsque les ingrédients de sa fabrique sont réunis. Si un sens premier chasse un sens second, c’est pour permettre au sens dans son acception ontologique et philosophique de jouir de son droit de cité. Toutes les pratiques intellectuelles visent le renouveau du sens, sa fluctuation suivant le rythme qu’imposent les conjonctures de l’histoire. Si le sens qu’on arroge aux mode et aux choses du monde ne se secoue pas par l’intervention intelligente, consciente et responsable de son rejet comme absolu, comme achevé et comme déjà fait, la notion d’ « être » est/sera menacée par l’intervention d’un dogmatisme aveugle et destructeur. Les idées, toutes les idées naissent de la fragilité de l’essence d’autres idées. Une idée ne peut en aucun cas réduire l’intelligence humaine à quelque incapacité que ce soit. L’intelligence humaine ne peut régner qu’en tant que lumière habilitée à engendrer des siècles et des siècles des Lumières. Les mouvements contestataires et les révolutions que connaît le monde arabe aujourd’hui résument l’état de douleur qu’a créée le sens unique et l’idée unique dans un monde en perpétuel mouvement. Logique ou illogique, la raison pure veut que le dérapage politique engendre d’autres formes de dérapage allant de l’économique au social et passant par le culturel. La chasse aux idées fixes, la chasse au sens pré-établi, le rejet de la connaissance absolue et de ses anomalies exigent la fabrique d’autres idées, d’un autre sens, d’une autre connaissance qui seraient, eux, premièrement relatifs, et, deuxièmement, propres aux conjonctures historique et spatio-temporelles auxquelles ils se rattachent. « On ne naît pas sujet, on le devient », dirait Jean-Paul Sartre. « On ne naît pas historique, on le devient », dirait la logique. Etre historique est une attitude qu’acquiert l’être grâce à la puissance de sa volonté et grâce à la clarté de son intelligence. Etre historique c’est aussi refuser le dogmatisme structurel qui déjoue le fonctionnement de la raison et du rationnel. Ce dogmatisme structurel constitue un bloc d’idées et de certitudes caduques que les fausses intelligences ont fait re-produire et perdurer tout le long de leur existence. Ce dogmatisme structurel vise, à travers son dispositif culturel fonctionnel, de faire valoir sa suprématie identitaire au détriment des autres identités. Dans cette optique, le sens absolu développe  un discours d’exclusion de toutes les identités qui existent. Il traduit une sorte de violence symbolique exercée sur la symbolique de la « différence » en tant que fondement logique, pur et simple de l’altérité. La stratégie qu’adopte le contestateur du sens unique est une stratégie d’ « effacement » progressif et progressiste de l’alphabet de la certitude dogmatique. L’effacement d’une certitude dogmatique commence par son examen, son analyse, sa critique et son jugement. L’idée du palimpseste n’est pas sous-jacente ici, car il ne s’agit pas d’écrire sur la trace ; il ne s’agit pas non plus de remplacer la trace, il s’agit tout simplement de re-créer la trace, la redéfinir, la fabriquer au-delà des vestiges de l’ancienne trace. D’où le dépassement du fondamentalisme conceptuel. D’où aussi le dépassement des certitudes dogmatiques. La raison ne finira jamais de rester fidèle à sa logique de reversement de l’ordre des idées reçues. La raison cautionne la volonté de changement. Elle cautionne la foi en sa logique qui ne trompe pas. C’est dans cet esprit que s’impose le retour à l’esprit des Lumières qui a su, qui a pu rendre à l’être sa dignité et sa fierté humaines. Il est temps de re-voir le contenu du fondamentalisme conceptuel en vue de « changer de cap » et de continuer de cheminer… 


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