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Face à la crise, le PJD ne peut rester indéfiniment dans l’apprentissage du pouvoir

«La démagogie est la pire réponse aux inquiétudes. Les politiques publiques ne réussissent que dans le rationnel »


Narjis Rerhaye
Jeudi 14 Février 2013

Face à la crise, le PJD  ne peut rester  indéfiniment dans  l’apprentissage du pouvoir
Sur le front économique, rien ne va plus. Les indicateurs sont dans le rouge. Le déficit budgétaire est officiellement estimé à 7,1% conjugué à un taux de croissance revu nettement à la baisse, 2,7%. Et comme une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, l’agence d’évaluation Moody’s vient de dégrader la note souveraine du Maroc, qui passe de «stable» à négative. Et même si Nizar Baraka, l’argentier du Royaume, a essayé de précéder le bal des annonces catastrophes en organisant, en fin de semaine passée, une conférence de presse, l’inquiétude atteint des sommets. Mauvaise gestion de la situation économique, absence de mesures contre la détérioration des données fiscales du gouvernement, inefficience d’une Caisse de compensation dont le projet de réforme fait déjà polémique, la ligne rouge a été franchie par l’Exécutif que conduit le leader islamiste, Abdelilah Benkirane.  « La crise s’est installée avec ses gros sabots et son long cortège de conséquences lourdes sur le pays. Les problèmes ne font que commencer. Des millions de Marocains n’arrivent plus à faire face à la cherté de la vie. Mais à l’évidence, le chef du gouvernement et ses ministres ne voient pas cette amère  réalité qui est pourtant bel et bien là », soupire ce député de l’Union socialiste des forces populaires.
Loin des rumeurs dénoncées lundi devant les députés par M. Benkirane, la hausse des prix des produits alimentaires est une réalité que confirme le Haut commissariat au plan dans sa toute dernière enquête permanente de conjoncture auprès des ménages. «Au quatrième trimestre de 2012, plus de neuf ménages sur dix  affirment que les prix des produits alimentaires ont augmenté dans le passé. La proportion de ceux qui pensent que ces prix vont  augmenter dans l’avenir s’est établie à  72,1%», révèle la note relative à l’indice de confiance des ménages étudié par le HCP. «Le pouvoir d’achat des Marocains a été préservé. Il s’est même amélioré depuis notre arrivée au pouvoir. Les prix des produits de base n’ont subi aucune augmentation!», s’est pourtant écrié le chef du gouvernement, interpellé lundi par les députés de l’opposition.

«Y a-t-il un problème
de leadership
gouvernemental ? »

Pour Ali Sedjari, professeur à l’Université  Mohammed V et titulaire de la chaire UNESCO des droits de l’Homme, le chef du gouvernement passe son temps à «apaiser et rassurer». «Benkirane est toujours dans le temps des mots et des paroles. Il n’est pas du tout dans le temps de l’action et de la décision. Ce ne sont pas les mots qui vont taire les inquiétudes et surtout redresser la barre pour faire face à la crise. Les discours démagogiques sont la pire réponse à apporter aux inquiétudes de l’opinion publique. On rassure par des projets et, surtout, une vision claire et cohérente. Il faut bien l’admettre, et les institutions financières internationales nous le signifient presque tous les jours, nous naviguons à vue. Après une année de pouvoir, ce gouvernement ne fait avancer aucun dossier. La gestion des politiques publiques ne s’invente pas», explique-t-il. Problème d’inexpérience pour les uns, d’incompétence pour les autres et un constat identique pour le plus grand nombre : la machine gouvernementale est grippée. Entre une seule et unique loi organique adoptée sur les 18 qui doivent construire le nouvel édifice  institutionnel et une session parlementaire qui s’achève avec l’adoption de 36 projets de loi à peine, le maigre bilan témoigne d’une incapacité à gouverner. « Voici un gouvernement qui rassure mais qui n’affronte pas la vérité. Vérité d’un niveau de vie qui se détériore, d’un enseignement malade de lui-même, d’un système de santé défaillant, d’un taux de chômage galopant. Selon la dernière enquête de conjoncture du Haut commissariat au plan, plus de 70% des ménages prévoient une hausse du nombre de chômeurs pour les 12 mois à venir. Face à tous ces problèmes, il n’y a pas le début de commencement de proposition ou de solution. Les urgences sont là et le PJD ne peut rester indéfiniment dans l’apprentissage du pouvoir. Du temps de l’opposition, les islamistes du PJD étaient préoccupés par des choses extra-politiques, ils étaient dans l’irrationnel à travers l’instrumentalisation de la religion. Aujourd’hui, ils doivent comprendre que les politiques publiques ne peuvent réussir que dans le rationnel. Gouverner, c’est d’abord agir et décider. Or la seule décision qui a été prise jusque-là, c’est l’augmentation des prix de l’essence et du gasoil », fait remarquer Ali Sedjari qui, dans la foulée, fustige l’incapacité du gouvernement à hiérarchiser les priorités.
La crise s’est installée, et pour longtemps encore. Les querelles politiciennes, les joutes populistes, la méthode Coué ne viendront pas à bout du marasme économique. Pour les partis de l’opposition, il n’est pas question de cacher la poussière sous le tapis : il y a un problème grave au sein de la majorité gouvernementale. « Un problème grave qui paralyse l’action de l’Exécutif», soutient ce cacique du parti de la Rose. Il y a aussi un problème de leadership gouvernemental. En tout cas, l’universitaire Ali Sedjari se pose la question. «Le chef du gouvernement joue-t-il son rôle de leadership? C’est un rôle à la fois  pédagogique et intellectuel que l’on attend de lui. On attend de M. Benkirane qu’il gère aussi bien ses équipes que les conflits, qu’il fasse preuve d’inventivité et de créativité et, surtout, qu’il suscite la mobilisation autour de vrais projets. Faire du tintamarre médiatique sur fond de crocodiles n’a jamais été synonyme de mobilisation », conclut celui qui est titulaire de la chaire UNESCO des droits de l’Homme à l’Université Mohammed V de Rabat.


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