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Essaouira : La lente décrépitude du patrimoine bâti


Abdelali Khallad
Mardi 28 Septembre 2010

Essaouira  : La lente décrépitude du patrimoine bâti
Harmonieusement aménagée par le sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah, et classée patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, l’ancienne médina d’Essaouira constitue l’essentiel de l’héritage bâti et du capital culturel de cette ville millénaire qui vit de et pour son histoire gravée sur chaque portail, chaque arcade, chaque canon et chaque pierre taillée.
Malheureusement, ces témoins de cette singularité culturelle ne semblent pas faire partie des priorités des décideurs. Entre effets d’érosion naturelle, surdensité et anarchie des constructions, l’ancienne médina qui continue pourtant à fasciner et impressionner, ne manque pas de chagriner ses innombrables admirateurs. Plusieurs sites patrimoniaux font l’objet de négligence, d’actes destructeurs, inciviques et irresponsables.

La circulation malgré
la restriction

La première remarque qui retient l’attention des Souiris et des visiteurs est incontestablement celle des voitures et cyclomoteurs qui circulent et stationnent librement au milieu des artères et passages de l’ancienne médina en dépit de la restriction de la circulation dans cette zone vers la fin des années 90. Responsables, opérateurs touristiques, propriétaires d’hôtels et simples citoyens même circulent en voitures avec tous les problèmes que cela peut causer, notamment les effets néfastes pour la stabilité des édifices historiques. Au  Souk Wacka, quartier Haddada, Souk Jdid, près de l’horloge, passage des marchands de légumes, entre autres, la même image de violation de la décision prise par l’ex- conseil communal de la ville depuis plusieurs années sans que personne ne lève le petit doigt pour incriminer cette atteinte à l’ordre public, à l’image de la ville et à son patrimoine bâti.
«Il y a des moments où vous ne pouvez plus marcher tranquillement dans certains passages, à cause des innombrables motos qui circulent librement. Nous sommes en train de vivre un vrai cauchemar surtout que les forces de l’ordre tolèrent de plus en plus cette situation qui rend le trafic assez pénible dans l’ancienne médina», a déclaré un marchand à Souk Wacka.

Les clous de la honte

Les remparts de la ville sont l’héritage de chaque Souiri et de tout amoureux de l’histoire. De ce fait, ils méritent un soin particulier digne de leur singularité. Malheureusement cela ne fait ni chaud ni froid pour l’actuel conseil communal qui ne trouve aucune gène à fixer des banderoles sur les prestigieux remparts au moyen de clous. Des clous sont enfoncés sans honte ni pitié au cœur de pierres chargées de symboles, d’histoire, et d’expériences humaines. Des pierres taillés avec patience et  passion, et léguées à plusieurs générations qui ont su les sauvegarder fidèlement pour tomber entre les mains des défenseurs de la laideur qui ne comprennent rien à ce «blabla» culturel. Nous invitons les responsables de la ville à faire un petit tour dans le palais de justice situé à la vieille Kasbah, ils seront sans aucun doute choqués par les innombrables clous et morceaux de plastique fixés sur ces vieux murs depuis quelques années. Comment peut-on tolérer un tel massacre? Dans un site exposé, visible et situé sur une artère principale, peut-on encore prétendre ne pas voir  ou savoir?

Pour la libération du palais
de justice!

Restons encore dans le fameux palais de justice actuellement nommé Agenda 21 par les Souiris. Une appellation qui   n’est pas due au hasard, mais qui symbolise le statut de ce patrimoine bâti considéré dans un passé proche comme carrefour de la société civile mobilisée autour d’une expérience avortée à deux reprises du programme Agenda 21. Ce fameux palais de justice qui avait abrité d’innombrables sessions de formation, ateliers de réflexion et de consultation, expositions artistiques, colloques et soirées artistiques s’est transformé actuellement en simple espace de vente des produits de quelques coopératives.
«…Le Centre de développement urbain et de protection de l’environnement à Essaouira, et qui avait été choisi comme siège du projet Agenda 21 en 1996 (à la Kasbah), a été à l’origine un bâtiment restauré et réhabilité -spécialement- pour héberger le fonctionnement de ce projet de «Développement durable», initié au début et financé par divers partenaires: le CNUEH, la Coopération belge (pour le Consortium belge et l’Université de Louvain), le Service de coopération de l’ambassade de France, la direction des collectivités locales, la province d’Essaouira, la municipalité d’Essaouira, en plus du soutien et de l’apport logistique et technique de l’Habitat, la Culture… qui se sont joints à ces acteurs pour participer au dialogue, à la concertation, la conception et l’animation d’actions de développement durable à Essaouira. Cela a permis d’impliquer responsables, élus, services extérieurs, société civile et secteur privé, dans un travail commun, forts d’une synergie  pour le développement durable local», peut-on lire dans une lettre-rapport adressée au gouverneur de la ville par plusieurs acteurs associatifs retraçant l’histoire de ce site patrimonial et culturel  et  déplorant son triste sort, en demandant qu’une enquête soit menée pour mettre à nu cette situation intolérable.
« On ne sait plus qui gère vraiment cet espace historique et culturel, qui encaisse et qui assume la responsabilité de ce massacre perpétré au quotidien à l’encontre de ce vieux bâtiment dévalorisé. Mais nous savons clairement qu’il y a des services compétents et des institutions à qui il faut s’adresser d’urgence pour prendre les mesures qui s’imposent», nous a déclaré un acteur associatif en réaction à ce constat alarmant.

Les canons humiliés
et détrônés

Perchés au sommet de la Skala du port, les jolis canons d’Essaouira ont toujours suscité l’admiration des touristes et des visiteurs. Aujourd’hui, faute d’entretien, ils sont en train de se détériorer, et perdre beaucoup de leur attraction. Un petit tour au sein de la Skala du port, et vous serez choqué par l’état de certains canons qui ont  même perdu leurs charrettes. Ces jolis et vieux canons qui occupaient majestueusement le devant du paysage urbain de Mogador sont jetés par terre ou abandonnés sur leurs vieilles charrettes dégradées. On parle même de la disparition d’un bon nombre de canons au fil des ans. Pourtant, la Skala, vieil édifice défensif, ne peut rien valoir sans ces canons et ces charrettes qui n’arrivent plus à repousser l’invasion des pisseurs, et des voleurs de pierres taillées.
«Je me demande s’il y a un gardien pour veiller sur ce site historique. La Skala est un passage obligé pour les touristes de la ville, comment peut-on tolérer de tels actes non civiques?», s’est indigné un vieil ami souiri.
Pavé dégradé, pierres volées, passages et recoins salis par des déchets et canons humiliés, voilà la face cachée de la vieille Skala du port.
En réaction à l’affreuse anarchie des œuvres de construction et de réaménagement au sein des anciennes demeures  à tel point qu’ils ont largement affecté le cachet architectural et urbanistique de la ville, le conseil municipal sur la base d’une note des autorités de tutelle, a voté dans sa dernière session une décision de suspension des travaux de construction et de réaménagement dans l’ancienne médina durant six mois en attendant les résultats d’une étude de mise à niveau de ce site urbain qui connaît de grands problèmes. Une décision bien accueillie par certains, et vivement critiquée par d’autres qui déplorent l’état de dégradation de certaines zones menaçant ruine comme c’est le cas à Souk Leghzol. Pourtant, la ville continue de payer les frais d’un laisser-aller et d’un étrange laxisme au niveau des travaux de construction au sein de l’ancienne médina.
Le patrimoine bâti de la ville occupe une place prestigieuse sur le plan touristique. Les intervenants doivent de ce fait revoir cette situation regrettable qui n’arrange personne, d’autant que la notoriété de Mogador et son processus de désenclavement reposent surtout sur son produit culturel qui doit être sauvegardé par tout le monde.


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1.Posté par bares linda le 29/09/2010 17:16
Bravo!il fallait le dire...le plus génant,au quotidien,reste le scandale des motos et mobylettes dans
la medina!Mais tous les pointsdéveloppés sont justes,mais que faire???

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