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Escale à Almaqam


Par : M’barek HOUSNI Écrivain et chroniqueur
Samedi 30 Décembre 2017

Escale à Almaqam
Ecrire peut trouver son point d’étalement imprévu. Il suffit d’un lieu qui lui est prévu via un concours de circonstances. Par exemple ici, quand vient le soir prudemment comme pour ne pas effaroucher le murmure des oliviers. Dans le calme et l’ambiance d’une pause, un suspense salvateur où l’éternité emplit le corps en entier de l’odeur persistante de l’huile d’olive. Sensations entremêlées nées dans l’œil, issues de l’odorat qui invitent la main à se saisir du pinceau, à peindre l’instant. Un instant qui échappe à tout classement car situé dans un ailleurs limitrophe aux élans de l’âme. Car une première fois équivaut à un choc d’émotion pour qui la création est synonyme, entre autres, d’un lieu inspiré par les tons que le passage du temps y imprime.
Ça se passe à  Almaqam, résidence d’artistes, ça se déroule à Tahannaout, la capitale de la singulière région d’Alhaouz, près de Marrakech. Au milieu d’un paysage ocre et vert visité par la lumière des temps du début des choses. L’épreuve de la terre et des quatre vents.
Mais ici, à défaut de pinceau, le stylo prend le relai, et dessine par les mots cet entremêlement joyeux. L’auteur de ces lignes a pour métier d’aligner des mots. Ce qu’il ne manqua pas d’entreprendre.
En cette retraite, car elle en est une, mais suivant un choix délibéré et recherché, les images seraient-elles plus dociles à faire jaillir ? Probablement. La preuve en est ces tableaux accrochés qui, tout autour, fixent les gens assis et les regardent. Ils ne font pas partie d’un supposé décor. Ils donnent sens, dotent l’endroit d’un esprit qui lui est propre, l’esprit du lieu. Les bonhommes torturés du peintre Mahi Binbine, les ronds galbés à pointe centrale et tentes bigarrées de l’autre peintre Mohammed Mourabiti. Où que l’on se retourne, ils nous révèlent des choses, et nous plongent au fond de l’intime et de l’ailleurs qui se superposent et désignent l’endroit comme place destinée aux artistes.
J’y ai passé un moment, et mon cœur en a pris pour son compte. En a pris un coup bienheureux. Le lieu. Le mot. Les mots. Difficile de ne pas écrire. De ne pas dire la sérénité couverte par les oliviers et les arbres fruitiers dispersées ici et là, qui se faufilent autour des tables conçues avec art. Zellige, fer forgé, bois recrée. Des matières destinées à remplir des fonctions artistiques, réorientées vers d’autres visées. Portes de l’ancien temps amazigh, revues comme surfaces planes des tables et tableaux vivants exposés pour le plaisir d’exister, sans se fermer ni s’ouvrir. Ustensiles rendus objets d’art. Tout objet est réorienté pour signifier sans être forcément utile à quelque chose de pragmatique. On mange, on s’allonge ou on sirote un verre tout en se voyant sujet à des hantises doucereuses. Il y va de cette présence qu’un épris de création aime à approcher intiment, en lui, comme double et autre à la fois. C’est lorsque l’inspiration lui tend son tapis volant afin d’accéder justement à l’art, et pouvoir tirer le texte du néant qu’il est seul à palper en lui. Passer par ici c’est un moyen d’en combler une partie, un coin. Dans le silence et le murmure, à tour de rôle. Se laisser gagner par la main salutaire de la quiétude intelligente, celle dont le hasard est complice, heureux forcément. Mais il s’agit de cet heur senti lorsqu’on clôt les yeux pour que l’univers vienne nous soutenir dans l’acte créateur et continuer à écrire, à peindre.
Le maître des lieux, le peintre Mohammed Mourabiti, l’a doté de tout ce qui aide à concrétiser cela. Son atelier au fond, calé entre terre et verdure aux tons sahariens des limites en est une preuve. Y flâner assiste l’inspiration. Avec tout cet amas de bric-à-brac nécessaire et propre à confectionner une œuvre. Car il y faut un pendant à cette nature invitée ici pour que s’opère la magie de la transmission. Les éléments dont il se gorge, transformés à toute fin utile, accèdent à  un haut niveau, celui de signifier après la transformation, plastique bien évidemment.
Il faut de tout quand l’objectif est de faire ressurgir l’art du néant de l’inconnu. Ramasser, fouiller, résider puis peindre/écrire.


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