Entretien avec la poétesse Touria Ikbal : Le poème est un acte d'amour et de sincérité

Mercredi 10 Août 2011

Entretien avec la poétesse Touria Ikbal : Le poème est un acte d'amour et de sincérité
Ils sont comédiens, réalisateurs, artistes peintres, romanciers, poètes et nouvellistes, toutes et tous tiennent pour qualité commune : la création. Libé les rencontre pour parler de leurs derniers travaux et informer de quelques activités estivales. Aujourd’hui, la poétesse Touria Ikbal évoque ses pensées spirituelles d’expression poétique.
 
 Libé : "Fulgurations" et "Jusqu'au petit matin", Touria Ikbal vit-elle dans sa poésie ?

Touria Ikbal :Oui, assurément. Pour moi, le poème est un acte d'amour et de sincérité. En l'enfantant, tout comme une mère donne naissance à un enfant, je reproduis d'une certaine façon le processus amoureux de la création. En effet, le poème est conçu dans l'amour, puisqu'il émane du trésor caché en mon for intérieur que j'ai désiré connaître et que je me suis aventurée à faire connaître en l'actualisant dans le monde des possibles.
Chaque poème m'engage, à sa manière dans la voie de l'amour, en empruntant des chemins différents, des mots différents, des états différents, sans jamais se départir de cette loi de l’amour qui fonde autant l’être que l’univers.
Lorsque la poésie me submerge, nul obstacle ne peut l'empêcher, de prendre corps dans les mots de celle qui emprunte mes doigts pour écrire et qui signe pour moi. Portée à l'incandescence d'une passion qui ne cesse de chercher l'introuvable pour se dire, les mots prennent le dessus et texte je deviens. Autrement dit, quand le poème arrive, je deviens réceptacle pour l'accueillir et le porter.
Pour moi, la poésie est indissociable autant du rêve que de la vie, de la beauté et de l'harmonie. Mais elle est aussi et surtout amour et liberté, action, passion et puissance. Novation toujours. Ouverture bousculant les limites et les habitudes. Quête perpétuelle du sens dans l'infinitude des possibles. Dénonciation de l'injustice et invitation à l'exploration d'horizons nouveaux qui, loin d'être dans la certitude, creusent mille chemins vers autant de possibles insoupçonnés …
J'ai écrit « Fulgurations » et « Jusqu'au petit matin », tout comme les autres recueils par une sorte de nécessité intérieure donnant corps à une expression profonde et sincère, parée de mots simples qui résonnent à l'intérieur et qui peuvent être compris à différents niveaux d'entendement.

Le spirituel vous permet-il une singularité poétique dans le champ culturel marocain ?

Je ne peux pas juger. Je pense que c’est là le rôle des critiques. En tout cas, la dimension spirituelle, ou l’horizon métaphysique du poème, a une place fondamentale dans mon écriture. Pour moi, la beauté des mots en poésie n'est pas une simple façon d'orner le discours pour le rendre plus attrayant, mais elle élève le contenu d'une parole ordinaire au rang des réalités supérieures.
Aussi, un poème d'amour par exemple, transpose l'état affectif du poète vers les régions supérieures de l'être là où justement cet amour a pris naissance. A plus forte raison, cet horizon s'élargit considérablement si le poète est dans un registre chargé de spiritualité. Dans ce cas, tout écrit devient une inlassable quête, une invitation à sillonner les sphères insoupçonnées de l'être et de l'univers jusqu'à s'en trouver renvoyé à "l'encore bien avant", à ce moment où les sensations impossibles à définir ou à classer, à décrypter ou à reconnaître, s'inscrivent profondément avec une acuité confondante, comme des traces pures et brutes ineffaçables à jamais, s’ouvrant à toutes les éventualités imaginables et inimaginables ..
Mais s’il faut absolument porter un jugement sur mon écriture, je dirai que le spirituel a doté mes poèmes du goût de la quête et leur a donné la saveur d'être à l'affût de l'amour, de la beauté et de l'harmonie dans toute chose. Mes petits mots, comme je les appelle toujours, sont orientés par une sorte de lueur invisible qui les achemine, même dans leur tâtonnement, vers la beauté secrète pour contempler leur principe ontologique. A ce niveau, chaque recueil représente pour moi une nouvelle ''Rihla'' dans les degrés ascendants de l'amour et des les secrets qu'il révèle au fur et à mesure.

Comment vivez-vous votre poésie ?

Dans chaque recueil, d’une chute incommensurable et tant désirée, je me retrouve au plus profond de mon être…les lettres me fraient le chemin du cœur…. et je marche…, je m'engage dans la voie de l'abandon total qui me rapproche de la part du vrai en moi… Pèlerine dans les sinuosités du verbe, ivre de sagesse, de vérité et de liberté, je marche pour connaître l'amour. Libre de toute attache, je ne possède rien et ne veux me faire posséder par rien. Libre et ravie, j’avance sans cesse vers la lumière… c’est alors que les sentiers les plus éloignés me mènent à l'intérieur, tout à l'intérieur, dans l'intimité, la solitude...entre soi et soi, là où il n'a y a plus que Dieu et soi….
La conscience immanente de la part du divin en l’être me pousse constamment à bercer l'inconnaissable, à converser avec les lieux les plus silencieux, à transformer l'obscurité intérieure en firmament…Ce verbe fait chair devient un fil de lumière qui meut le féminin et le masculin en l'être et partant l'humain en lui à la vie, la vie à la matière, la matière au beau et au divin.

Que représente pour vous le mois de Ramadan?

C’est un mois d’inspiration et de méditation. Une période privilégiée pour le rappel de l’influx divin en nous. Car, en tant qu’êtres humains, nous constituons à la fois la possibilité virtuelle de l’homme universel créée à l’image de Dieu, dont le cœur est le réceptacle des présences et des secrets célestes et l’individu oublieux qui s’est éloigné de ce trésor divin. De l’homme à l’image de Dieu à l’homme oublieux, il n’y a qu’un pas. Comment donc réaliser cette possibilité virtuelle de la forme divine en nous ? Comment passer de notre état quotidien à notre réalité profonde ?
Je trouve que le Ramadan est une période privilégiée pour opérer un tel retour, ou du moins essayer de l’atteindre.
La grande difficulté aujourd’hui, c’est que le monde matériel et ses plus petits détails de chaque instant nous sollicitent, nous envahissent à tel point qu’on ne voit plus les choses que de l’extérieur et dans leur accidentalité, donc en dehors de leur essence. Le reflet divin en nous s’estompe car on n’a plus le temps de polir le miroir de notre cœur.. La sagesse, c’est le retour à la vision de l’innocence, à la dimension intérieure où toutes les choses meurent et renaissent dans l’Unité, dans cet Absolu qui, avec ses concomitances d’équilibre et d’inviolabilité, est tout le contenu et toute la raison d’être de la condition humaine.
Le Ramadan, dans son sens profond, est une invitation paisible à un tel retour. Par tout son rituel nous exhortant au « souvenir d’Allâh », le mois sacré nous permet de nous tenir dans la Volonté divine, en essayant à tout moment d’atteindre cet idéal qu’il s’agit de réaliser par l’actualisation des possibilités de notre être.

Quel livre vous accompagne-t-il en cette saison estivale ?

« Le Roi du monde » de René Guénon qui traite des connaissances traditionnelles et des formes d’initiations. Il y est aussi question du pouvoir tant spirituel que temporel, avec ses fonctions essentiellement ordonnatrices et régulatrices visant l’instauration, la consolidation ou le rétablissement de l’équilibre et de l’harmonie. Ces rôles et fonctions constituent le reflet, dans le monde manifesté, de l'immuabilité du Principe suprême.

Propos recueillis par Mustapha Elouizi

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1.Posté par "سميه عبد الله ..."سمو المعاني le 15/08/2011 05:59
... رمز من رموز الأدب تستحق كل التقدير كونها شاعرة أخلصت وأبدعت في القصيدة كما أن لديها طابعا خاصا في التعبير و الإلقاء

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